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Juin flamboie
Juin flamboie. Étendu dans la prairie en fleur,
Je rêve au bord d'une eau charmante de lenteur
Où les brins d'herbe font des arches d'émeraude.
Le soleil brûle, l'air pèse, la terre est chaude.
Mon regard, attentif sous l'ombrage des cils,
Observe l'araignée à l'affût dans ses fils,
Et la ciguë avec sa blanche ombelle où bouge
Un insecte luisant et rond comme un grain rouge.
Je respire. Le vent par larges souffles lourds
Propage sur les prés des ondes de velours.
Une troupe de beaux papillons entrelace
Des guirlandes de fleurs sans tiges dans l'espace.
L'herbe que mon œil proche explore m' apparaît '
Mystérieuse ainsi qu'une obscure forêt.
Dans cette demi-nuit verte, les sauterelles
Traînent leur ventre rosé et font plier les prêles...
Puis, vaincu par l'immense ardeur du firmament,
Je m'endors, et mes yeux gardent en se fermant
La vision d'un clair village sur la côte
Et du ciel bleu qui rit à travers l'herbe haute.
Charles Guérin
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La Belle au Bois dormait
La Belle au Bois dormait. Cendrillon sommeillait.
Madame Barbe-Bleue ? Elle attendait ses frères;
Et le petit Poucet, loin de l'ogre si laid,
Se reposait sur l'herbe en chantant des prières.
L'Oiseau couleur-de-temps planait dans l'air léger
Qui caresse la feuille au sommet des bocages
Très nombreux, tout petits, et rêvant d'ombrager
Semaille, fenaison, et les autres ouvrages.
Les fleurs des champs, les fleurs innombrables des champs:
Plus belles qu'un jardin où l'Homme a mis ses tailles,
Ses coupes et son goût à lui — les fleurs des gens ! —
Flottaient comme un tissu très fin dans l'or des pailles...
Les blés encore verts, les seigles déjà blonds
Accueillaient l'hirondelle en leur flot pacifique.
Un tas de voix d'oiseaux criait vers les, sillons
Si doucement qu'il ne faut pas d'autre musique...
Peau-d'Ane rentre. On bat la retraite — écoutez! —
Dans les Etats voisins de Riquet-à-la-Houppe
Et nous joignons l'auberge, enchantés, esquintés,
Le bon coin où se coupe et se trempe la soupe !
Paul Verlaine
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Extrait du livre « Être en harmonie, oublier ses soucis, simplement vivre »
D’Anselm Grün
Être en harmonie
L’harmonie
« Comment faire pour être en accord avec son harmonie intérieure ? La musique nous enseigne que l'harmonie n'est pas constituée que d'une seule note. Ce serait d'ailleurs ennuyeux. Tout l'art consiste à faire retentir tout ce qui est en nous de telle sorte que les sons ne soient pas discordants, mais au contraire qu'ils vibrent au diapason d'une grande harmonie. La musique ne devient pas nécessairement belle grâce à une harmonie continue, mais lorsque l'harmonie émerge des oppositions chromatiques. Mozart, plus qu'aucun autre compositeur, l'avait compris. Sa musique fait vibrer toutes les cimes et tous les tréfonds de l'âme humaine : le deuil et la joie, la peur et la confiance, l'amour et la haine. Lorsque tous les sentiments résonnent, ils aspirent toujours à se mettre en résonance avec une harmonie supérieure. »
« Dans la philosophie stoïcienne, Dieu est défini comme étant le véritable musicien qui orchestre les diverses forces contraires de la nature. Clément d’Alexandrie considéra Jésus comme étant l’image de Dieu, et l’exprima de la façon suivante : « Cette image de Dieu (Jésus) a transformé la dissonance des éléments en un accord harmonieux, afin que l’univers entier devienne un ensemble orchestral. » (à suivre….)
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Une famille d’arbres
C’est après avoir traversé une plaine brûlée de soleil
Que je les rencontre.
Ils ne demeurent pas au bord de la route,
A cause du bruit.
Ils habitent les champs incultes,
Sur une source connue des oiseaux seuls.
De loin, ils semblent impénétrables.
Dès que j’approche, leurs troncs se desserrent.
Ils m’accueillent avec prudence.
Je peux me reposer, me rafraichir,
Mais je devine qu’ils m’observent et se défient.
Ils vivent en famille, les plus âgés
Au milieu et les petits,
Ceux dont les premières feuilles viennent de naître
Un peu partout, sans jamais s’écarter.
Ils mettent longtemps à mourir,
Et ils gardent les morts debout
Jusqu’à la chute en poussière.
Ils se flattent de leurs longues branches,
Pour s’assurer qu’ils sont tous là,
Comme les aveugles.
Ils gesticulent de colère si le vent
S’essouffle à les déraciner.
Mais entre eux aucune dispute.
Ils ne murmurent que d’accord.
Je sens qu’ils doivent être ma vraie famille.
J’oublierai vite l’autre.
Ces arbres m’adopteront peu à peu,
Et pour le mériter j’apprends ce qu’il faut savoir :
Je sais déjà regarder les nuages qui passent.
Je sais aussi rester en place.
Et je sais presque me taire.
Jules Renard « Le sourire de Jules
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