• La Montagne en poèsie

    2 pages de poèmes

  • Magma

     

    Il se réveilla,

    Toussa,

    Éructa.

     

    La quinte le reprit,

    L’oppressa,

    L’étouffa.

     

    D’un coup, il fit sauter le chapeau

    Qu’il n’avait plus ôté

    Depuis des décennies.

     

    Il en sortit des pluies

    De feu,

    De suies,

    De cendres. 

     

    Longtemps, il hoqueta,

    Bava,

    Tira la langue

    Tel un loup, flancs ouverts,

    A bout de vie exsangue.

     

    Pas de foule accourue,

    Peu de flashes,

    Des rares paysans de la montagne à vaches.

     

    Alors déçu, vexé, il referma la bouche,

    Fit taire son étuve

    Puis il se rendormit

    Avec ses rêves de Vésuve.

     

    Pierre Coran

    Photo : https://pixabay.com


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  • La petite fleur rose

     

    Du haut de la montagne,

    Près de Guadarrama,

    On découvre l'Espagne

    Comme un panorama.

     

    A l'horizon sans borne

    Le grave Escurial

    Lève son dôme morne,

    Noir de l'ennui royal ;

     

    Et l'on voit dans l'estompe

    Du brouillard cotonneux,

    Si loin que l'œil s'y trompe,

    Madrid, point lumineux !

     

    La montagne est si haute,

    Que ses flancs de granit

    N'ont que l'aigle pour hôte,

    Pour maison que son nid ;

     

    Car l'hiver pâle assiège

    Les pics étincelants,

    Tout argentés de neige,

    Comme des vieillards blancs.

     

    J'aime leur crête pure,

    Même aux tièdes saisons

    D'une froide guipure

    Bordant les horizons ;

     

    Les nuages sublimes,

    Ainsi que d'un turban

    Chaperonnant leurs cimes

    De pluie et d'ouragan ;

     

    Le pin, dont les racines,

    Comme de fortes mains,

    Déchirent les ravines

    Sur le flanc des chemins,

     

    Et l'eau diamantée

    Qui, sous l'herbe courant,

    D'un caillou tourmenté,

    Chuchote un nom bien grand !

     

    Mais, avant toute chose,

    J'aime, au cœur du rocher,

    La petite fleur rose,

    La fleur qu'il faut chercher !

     

    Théophile Gautier.

     
     
    CITATIONS 3

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  •  

    Castille

     

    Tu me soulèves, terre de Castille,

    Sur la paume rugueuse de ta main,

    Vers le ciel qui t’embrase et rafraîchit,

    Le ciel, ton maître.

     

    Terre nerveuse et sèche et bien ouverte,

    Mère de cœurs et mère aussi de bras,

    Le présent prend en toi les vieilles teintes

    D’un jadis noble.

     

    La creuse prairie du ciel délimite

    Tout à l’entour tes grands champs dénudés ;

    Tu es, pour le soleil, berceau, sépulcre,

    Et sanctuaire.

     

    Ta vaste et ronde face est toute cime,

    Où je me sens porté plus près du ciel ;

    Et c’est l’air des sommets que l’on respire

    Là, sur tes landes.

     

    Autel géant, ô terre castillane,

    C’est dans cet air que j’exhale mes chants :

    S’ils sont dignes de toi, ils descendront

    Du haut de toi.

     

    (Miguel d’Unamuno)

     

    désert réduit

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  • Sur les collines de l’Ardèche

     

    Sur les collines de l’Ardèche,

    L’aube, demi-nu a frémi …

    Je me souviens d’une aube fraîche

    Sur Paris à peine endormi.

     

    Nous allions, nombreux, dans cette aube ;

    Tour à tour, l’un de nous parlait.

    Je me souviens de votre robe,

    Quand votre hanche me frôlait.

     

    Je me souviens de votre chambre

    Aux rideaux baissés que le jour

    Traversait de poussières d’ambre ;

    J’entends les oiseaux dans la cour.

     

    Ah ! je me souviens des caresses

    De vos bras souples et musclés ;

    De votre front parmi les tresses

    De vos beaux cheveux écroulés.

     

    Je me souviens de l’aube fraîche …

    Mais à quoi bon ? Puisque, devant

    Les monts paisibles de l’Ardèche,

    Je suis seul, au soleil levant !

     

    (Jean Marc Bernard)

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  • Dans la montagne vierge

     

    Les herbes et les fleurs, ne m’abandonne pas,

    Leur odeur suit le vent

     

    Les chevreaux jouent de leur jeunesse,

    Un aigle fait le point dans le ciel sans secrets.

     

    Le soleil est vivant, ses pieds sont sur la terre,

    Ses couleurs font les joues rougissantes d’amour,

    Et la lumière humaine se dilate d’aise.

     

    L’homme en grandeur au cœur d’un monde impérissable

    Inscrit son ombre au ciel et son feu sur la terre.

     

    (Paul Éluard)

     

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  •  

    L'Alpiniste

     

    La montagne est bâtie sur un secret que l'alpiniste,

    cordage et pic à ses pieds, partage avec la crête conquise.

    Le cœur se livre en dernier. La neige, réfléchissant le soleil ou incendiant le soir, le dissimule au regard du monde. À travers elle, l'oreille collée à sa peau, j'ai' autrefois, entendu battre le sang de la roche.

    Le secret de la montagne, c'est le silence bourdonnant de la ruche aux fleurs fléchies sur lequel s'acharne en vain, le vent.

    Au loin - déjà présente - il y a la plaine peuplée du retour, la parole, tel l'amer fruit sur la branche muette-impatiente de régner sur la nudité de l'homme.

     

    (Edmond Jabes)

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  • Prose des cimes

     

    De temps à autre, je vais dans la montagne.

    Neige et feu.

    Pendant des heures, suivant la ligne noire de la rivière,

    Je monte à pas lents jusqu’au sommet.

    Ou bien, après la fonte des neiges,

    Je traverse la forêt pour arriver,

    là ou l’herbe est rare,

    Parmi les rochers.

    Besoin de terre vierge.

    Là-haut, dans le grand silence.

    Ne pensant à rien ; le corps seul en mouvement.

    Et parfois une pensée, comme l’éclat du soleil dans l’eau.

    Pensée née de l’intégration du corps.

    Avançant à un rythme spirituel.

    Les plus hautes instances.

     

    (Kenneth White)

     

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  • C’est un Pays

     

    C’est un pays de montagne,

    Mettez vos pas dans mes pas,

    Mes chers amis, soyez purs

    Soyez fin comme la neige

    On entend siffler déjà

    L’ombre d’un hiver futur ;

    C’est bien plus haut qu’on ne pense,

    Vous n’êtes pas seuls, suivez

    Suivez-moi ; où êtes-vous ?

    C’est bien plus haut qu’on ne pense

    C’est un pays de silence

    Celui qui parle est perdu.

     

    (Norge)

     

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  • Dans la Sierra

    J'aime d'un fol amour les monts fiers et sublimes !

    Les plantes n'osent pas poser leurs pieds frileux

    Sur le linceul d'argent qui recouvre leurs cimes ;

    Le soc s'émousserait à leurs pics anguleux.

     

    Ni vigne aux bras lascifs, ni blés dorés, ni seigles ;

    Rien qui rappelle l'homme et le travail maudit.

    Dans leur air libre et pur nagent des essaims d'aigles,

    Et l'écho du rocher siffle l'air du bandit.

     

    Ils ne rapportent rien et ne sont pas utiles ;

    Ils n'ont que leur beauté, je le sais, c'est bien peu ;

    Mais, moi, je les préfère aux champs gras et fertiles,

    Qui sont si loin du ciel qu'on n'y voit jamais Dieu !

    (Théophile Gautier)

     

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  • La demeure entourée

     

    Le corps de la montagne hésite à ma fenêtre :

    « Comment peut-on entrer si l'on est la montagne,

    Si l'on est en hauteur, avec roches, cailloux,

    Un morceau de la Terre, altéré par le Ciel ? »

    Le feuillage des bois entoure ma maison :

    « Les bois ont-ils leur mot à dire là-dedans ?

    Notre monde branchu, notre monde feuillu

    Que peut-il dans la chambre où siège ce lit blanc,

    Près de ce chandelier qui brûle par le haut,

    Et devant cette fleur qui trempe dans un verre ?

    Que peut-il pour cet homme et son bras replié,

    Cette main écrivant entre ces quatre murs ?

    Prenons avis de nos racines délicates,

    II ne nous a pas vus, il cherche au fond de lui

    Des arbres différents qui comprennent sa langue. »

    Et la rivière dit : « Je ne veux rien savoir,

    Je coule pour moi seule et j'ignore les hommes.

    Je ne suis jamais là où l'on croit me trouver

    Et vais me devançant, crainte de m'attarder.

    Tant pis pour ces gens-là qui s'en vont sur leurs jambes,

    Ils partent, et toujours reviennent sur leurs pas. »

    Mais l'étoile se dit : « Je tremble au bout d'un fil,

    Si nul ne pense à moi je cesse d'exister. »

    (Jules Supervielle)

    La demeure entourée


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