• « On ne perd jamais son temps à mettre de la joie dans sa manière de vivre, d’agir et s’ouvrir au monde. Comme l’a dit fort justement un humoriste, mieux vaut être un imbécile heureux qu’un imbécile malheureux !.

     

    « Je propose comme règle de bonheur :
    - Toujours se contenter de ce que l'on a
    - Ne jamais se contenter de ce que l'on est.
    Ce qui est une manière d'allier le désir de bonheur et le devoir de conscience. »

     

    « Si nous peinons à trouver l'harmonie dans le rythme trépidant de la vie moderne, c'est que nous sommes distraits par le bruit, l'agitation et le mouvement permanent. Ces soubresauts d'activisme peinent à faire sens, car qui sait ? L’agitation a tendance à nous éloigner de nous-mêmes, le mouvement à nous détourner de la saine quiétude et le bruit de cette nécessité intérieure qu'est le repos conjugué du corps et de l'esprit. Rejoignons cet espace de vacuité où nous demeurons accessibles aux strates supérieures de la vie. Œuvrons pour apaiser toutes choses en nous, et recueillir ce silence qui est nectar pour le cœur, quand le bruit finit par s'immiscer comme un poison et par gagner tout notre être. »

    (François Garagnon)

     


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  • L'arbre 

     

    Dans un pays aride fut autrefois un arbre prodigieux. Sur la plaine on ne voyait que lui, largement déployé entre les blés malingres et le vaste ciel bleu. Personne ne savait son âge. On disait qu'il était aussi vieux que la Terre. Des femmes stériles venaient parfois le supplier de les rendre fécondes, des hommes en secret cherchaient auprès de lui des réponses à des questions inexprimables et les loups lui parlaient, certaines nuits sans lune, mais personne jamais ne goûtait à ses fruits. 

    Ils étaient pourtant magnifiques, si luisants et dorés le long de ses branches maîtresses pareilles à deux bras offerts dans le feuillage qu'ils attiraient les mains et les bouches des enfants ignorants. Eux seuls osaient les désirer. On leur apprenait alors l'étrange et vieille vérité. La moitié de ces fruits était empoisonnée. Or tous, bons ou mauvais, étaient d'aspect semblable. Des deux branches ouvertes en haut du tronc énorme l'une portait la mort, l'autre portait la vie, mais on ne savait laquelle nourrissait et laquelle tuait. Et donc on regardait, mais on ne touchait pas. 

    Vint un été trop chaud, puis un automne sec, puis un hiver glacial. Neige et vent emportèrent les granges et les toits des bergeries. Les givres du printemps brûlèrent les bourgeons, et la famine envahit le pays. Seul sur la plaine l'arbre demeura imperturbable. Aucun de ses fruits n'avait péri. Malgré les froidures, ils étaient restés en aussi grand nombre que les étoiles au ciel. Les gens, voyant ce vieux père solitaire miraculeusement rescapé des bourrasques, s'approchèrent de lui, indécis et craintifs. Ils interrogèrent son feuillage. Ils n'en eurent pas de réponse. Ils se dirent alors qu'il leur fallait choisir entre le risque de tomber foudroyés, s'ils goûtaient aux merveilles dorées qui luisaient parmi les feuilles, et la certitude de mourir de faim, s'ils n'y goûtaient pas. 

    Comme ils se laissaient aller en discussions confuses, un homme dont le fils ne vivait plus qu'à peine osa soudain s'avancer d'un pas ferme. Sous la branche de droite il fit halte, cueillit un fruit, ferma les yeux, le croqua et resta debout, le souffle bienheureux. Alors tous à sa suite se bousculèrent et se gorgèrent délicieusement des fruits sains de la branche de droite qui repoussèrent aussitôt, à peine cueillis, parmi les verdures bruissantes. Les hommes s'en réjouirent infiniment. Huit jours durant ils festoyèrent, riant de leurs effrois passés. 

    Ils savaient désormais où étaient les rejetons malfaisants 

    de cet arbre : sur la branche de gauche. Ils la regardèrent l'abord d'un air de défi, puis leur vint une rancune haineuse. A cause de la peur qu'ils avaient eu d'elle ils avaient failli mourir de faim. Ils la jugèrent bientôt autant inutile que dangereuse. Un enfant étourdi pouvait un jour se prendre à es fruits pervers que rien ne distinguait des bons. Ils décidèrent donc de la couper au ras du tronc, ce qu'ils firent avec une joie vengeresse. 

    Le lendemain, tous les bons fruits de la branche de droite étaient tombés et pourrissaient dans la poussière. L'arbre amputé de sa moitié empoisonnée n'offrait plus au grand soleil qu'un feuillage racorni. Son écorce avait noirci. Les biseaux l'avaient fui. Il était mort. 

    (Henri Gougaud) 

     


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  • « Dans un monde où règne la loi du donner et du prendre, la gratuité paraît obsolète, impossible, si ce n'est suspecte. Or, les lois du cœur prennent à peu près l'exact contre-pied de la logique marchande : on s'enrichit à force de se donner, on découvre en soi des gisements de richesse inexplorés à mesure que l'on en fait offrande autour de soi, et l'on finit par s'apercevoir que les seules choses qui comptent... sont précisément celles qui ne se comptent pas. Tant il est vrai que les choses du cœur sont proprement inqualifiables. On découvre aussi cette vérité paradoxale : c'est qu'il faut s'oublier soi-même pour être pleinement soi. Il est étrange que ces lois du cœur, nous les croyions adaptés à la seule sphère privée : si nous osions les mettre en œuvre dans le monde (dans la rue, au travail), nous serions étonnés de leur étrange pouvoir de conversion... Essayez donc, pour voir ! »

     

    « S'il nous était donné de choisir, nous ne serions pas franchement enclins à opter pour les difficultés, les épreuves et les échecs. Et cependant, ce n'est pas sur une mer d'huile que l'art du navigateur se déploie. Il est même à craindre que notre expérience, si elle est sans histoire, nous laisse tout à fait désemparé quand vient l'heure de l'adversité... « La plus lâche de toutes les tentations est celle du découragement » avertissait François de Sales. Jamais un être ne se prépare de plus grand bonheur que lorsqu'il aborde avec équanimité les grandes épreuves que lui réserve l'existence. »

     

    « Dans notre devoir de conscience, nous n'avons guère le choix qu'entre deux alternatives : lutter pour ou lutter contre. Ainsi, face à quelque situation qui nous révolte, nous avons le choix entre combattre cette situation de manière frontale, ou créer les conditions d'évincer cette situation en faisant prospérer une situation alternative. C'est l'éternel combat de l'ombre et de la lumière. L'ombre est indissociablement liée à la lumière. Le mal est indissociablement lié au bien. C'est François de Sales qui soutenait que la ligne de démarcation entre le bien et le mal se trouve... à l'intérieur de chacun d'entre nous ! Ainsi donc, la seule manière de faire refluer l'ombre, c'est de faire prospérer la lumière, de la propager, de l'étendre. C'est ainsi qu'elle peut gagner, peu à peu, sur les ténèbres. Sans pour autant espérer que cette victoire soit définitive... »

    (François Garagnon)

     

     

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  • « On ne perd jamais son temps à mettre de la joie dans sa manière de vivre, d’agir et s’ouvrir au monde. Comme l’a dit fort justement un humoriste, mieux vaut être un imbécile heureux qu’un imbécile malheureux !.

     

    « Je propose comme règle de bonheur :
    - Toujours se contenter de ce que l'on a
    - Ne jamais se contenter de ce que l'on est.
    Ce qui est une manière d'allier le désir de bonheur et le devoir de conscience. »>

     

    « Si nous peinons à trouver l'harmonie dans le rythme trépidant de la vie moderne, c'est que nous sommes distraits par le bruit, l'agitation et le mouvement permanent. Ces soubresauts d'activisme peinent à faire sens, car qui sait ? L’agitation a tendance à nous éloigner de nous-mêmes, le mouvement à nous détourner de la saine quiétude et le bruit de cette nécessité intérieure qu'est le repos conjugué du corps et de l'esprit. Rejoignons cet espace de vacuité où nous demeurons accessibles aux strates supérieures de la vie. Œuvrons pour apaiser toutes choses en nous, et recueillir ce silence qui est nectar pour le cœur, quand le bruit finit par s'immiscer comme un poison et par gagner tout notre être. »

    (François Garagnon)

     

     

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  • Et cela aussi passera 

     

    Un musicien errant, un jour, allait sa route. C'était un homme simple. Sa vie ne l'était pas, et pourtant il l'aimait. Or, ce jour-là (c'était un matin gris d'automne), comme un clocher lointain émergeait de la brume, le chant qu’il fredonnait pour alléger ses pas s'étrangla soudain dans sa gorge. Là, dans le champ voisin, un pauvre homme courbé sous le joug et le fouet tirait une charrue que son maître menait. « Comment peut-on traiter les gens comme des bêtes ? » pensa le voyageur, pris de pitié rageuse. A travers le labour il vint à l'attelage. 

    — Honte sur toi ! dit-il au tourmenteur d'esclave. Cet homme que tu forces à trimer comme un âne n'ose pas te cracher la vérité en face. Je le ferai pour lui. Ton âme est un caillou, ta tête un désert sombre. Ne t'a-t-on pas appris que nous sommes tous frères ? Bandit ! Coquin barbu ! Malandrin d'un autre âge ! Bafoueur illégal de dignité humaine !       Il brandit son bâton. 

    — De quoi te mêles-tu ? lui dit le tourmenté. Le bien, le mal, tout passe. Et cela aussi passera. 

    Tandis que son bourreau riait benoîtement en haussant les épaules, l'homme sans autre mot se remit au labeur. Le brave musicien, pantois comme devant la lune en plein midi, pensa : « Un esclave avocat du méchant qui l'opprime ! Seigneur, où va le monde ?» Il s'en alla, le pas tout à coup indécis. Un proverbe prétend que l'on ne court jamais deux fois la même route. Un autre affirme le contraire : « Par où tu es parti, par là tu reviendras. » C'est ce deuxième qui dit vrai. Le redresseur de torts, son violon à l'épaule, après trois ans d'errance un jour vint à passer au bord du même champ. Il se souvint, fit halte, et ses yeux s'allumèrent. Au loin, dans le labour, allait une jument que gouvernait l'esclave enfin libre et prospère. Son allure était franche, il était bien vêtu. Il faisait sa semaille à grands envols tranquilles. Le voyageur surpris s'en fut le saluer. 

    — Grâce au Ciel, lui dit-il, vous avez survécu. Mieux : vous me semblez riche. Et votre tortionnaire, a-t-il été puni comme il le méritait ? 

    — Le seigneur d'à côté l'a fait assassiner, répondit le bonhomme. Il avait, paraît-il, séduit sa jeune épouse. On n'a donné sa terre. 

    — Ami, j'en suis heureux. Vous avez eu raison d'avoir confiance en Dieu, lui dit le musicien en lui serrant les mains, voilà votre avenir désormais assuré. L'homme sourit, reprit dans le sillon sa marche. 

    — Pas plus qu'hier, dit-il. Le bien, le mal, tout passe. Et cela aussi passera.

     

    (Extraits du livre d’Henri Gougaud « L’arbre d’amour et de sagesse ») 

     


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