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    (Argentine)
     

    Au petit bonheur

    Rien qu'un petit bonheur, Suzette,

    Un petit bonheur qui se tait.

    Le bleu du ciel est de la fête;

    Rien qu'un petit bonheur secret.

     

    Il monte ! C'est une alouette

    Et puis voilà qu'il disparaît;

    Le bleu du ciel est de la fête.

    Il chante, il monte, il disparaît.

     

    Mais si tu l'écoutés, Suzette,

    Si dans tes paumes tu le prends

    Comme un oiseau tombé des crêtes,

    Petit bonheur deviendra grand.

    (Norge)


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    Les enfants qui s’aiment

     

    Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout

    Contre les portes de la nuit

    Et les passants qui passent les désignent du doigt

    Mais les enfants qui s'aiment

    Ne sont là pour personne

    Et c'est seulement leur ombre

    Qui tremble dans la nuit

    Excitant la rage des passants Leur rage leur mépris leurs rires et leur envie

    Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne

    Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit

    Bien plus haut que le jour

    Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour.

     

    (Jacques Prévert)

     



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  • Je tiens toujours mensonge et fraude en haine. 

    Droit, Vérité fondent mes convictions. 

    Si pour cela j'ai fortune incertaine, 

    peu m'en soucie car tout m'est bel et bon. 

     

    Par loyauté quelquefois l'on déchoit, 

    on monte aussi par la mauvaise foi : 

    mais les méchants élevés descendront 

    d'autant plus bas d'une telle ascension. 

     

    A toutes gens je dis en ma chanson : 

    si Vérité et Droiture et Pardon 

    ne guident pas les hommes d'ici-bas, 

    dans l'autre vie valeur ne suffît pas. 

     

    (Pèire Cardenal) 

     


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  • Notre amour va ainsi  

    comme la branche d'aubépine sur l'arbre, tremblante,  

    la nuit, à la pluie et au gel,  

    jusqu'au lendemain quand le soleil s'étire  

    sur les feuilles vertes et les rameaux. 

     

    Encore... 

    il me souvient de ce matin 

    où prit fin notre guerre. 

    Elle me fît un don si grand : 

    son corps aimant et son anneau. 

    Et encore... que Dieu me laisse vivre 

    tant que je peux glisser mes mains 

    sous son manteau. 

     

     (Guillaume d'Aquitaine, comte de Poitiers)  

     

    (Parc de Montréal)

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  • Quand l'herbe pousse drue et la feuille s'étire 

    et la fleur pointe à la branche 

    et le rossignol haut et clair 

    lance sa voix et module son chant, 

    joie : lui ; joie : la fleur ; 

    joie : moi-même; 

    joie : ma dame passe par-dessus tout. 

    De toute part la joie m'enclôt et me guide, 

    mais elle seule est joie qui toute autre joie anéantit. 

     

    Quand je vois l'alouette étirer 

    de joie ses ailes au soleil, 

    s'oublier et se laisser choir 

    le cœur pâmé de douceur, 

    aïe... j'envie tellement 

    ceux qui se réjouissent ainsi. 

    C'est merveille que sur-le-champ 

    mon cœur n'en fonde pas de désir ! 

     

    En joie je commence ce poème, 

    en joie je le continue et le finis. 

    Si l'homme en est la fin, 

    bon sera le commencement. 

    Du juste commencement, 

    me vient joie, allégresse. 

    De la juste fin, je rends grâce. 

    L'acte juste ne se loue qu'une fois mené à sa fin ! 

     (Bernard de Ventadorn)  

     

    (Guadeloupe, Cacao)


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  • Tout me plaît, hiver, été, froids et chaleurs. 

    J'aime la neige autant que les fleurs, 

    mais le preux mort plutôt que le vivant médiocre. 

    Ainsi me tiennent fervent et gai, jeunesse et vaillance. 

    Parce que j'aime cette femme si neuve, 

    plus que délicieuse, plus que belle, 

    les rosés sortent de glace et le temps clair, du ciel troublé. 

    Le temps sauvage et rude qui amène la tempête, 

    le vent, trouble les éléments et rend le ciel noir et livide, 

    ne change rien à mon élan. 

    Dans mes pensées sont joie et chant; 

    et je veux me réjouir plus encore 

    de la neige au sommet de la montagne 

    que de la fleur qui s'ouvre dans la plaine. 

     

     (Pèire Vidal) 

     


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  • Mon champ de coraux

    Quand elle me laisse admirer son merveilleux jardin

    De l’Anse-à-l’Eau à la Baie-Olive

    Je fouille tous ses secrets sans froisser ses profondeurs.

    Comme si elle voulait offrir un collier à Karukéra

    La mer, ma mer que j’aime

    Artiste aux doigts de fée

    Libère son trésor d’acropores

    Où jouent à cache-cache les zagayas.

    L’immense lit de corail

    Nuage de graffitis, fantaisie délirante

    Etalé pour l’amour du beau mystère

    Brave l’écume et laisse le dernier mot aux polypes.

    Les poissons chirurgiens, les yayas, les mérous

    Dans leur paysage de guirlandes arborescentes,

    Sous le regard éveillé de l’île de la Désirade,

    Guettent le pêcheur en toute saison.

    Mon soleil bleu échoué au hasard du naufrage des continents

    Architecte en fête sur les récifs

    Me fascine par ses fongus et ses denrites.

    Je plonge dans l’univers des mots et des sensations

    Pour remplir ma barque d’utopies

    Et pleurer sur la fragilité de l’œuvre humaine.

    De mon île surchargée de beauté de patience

    J’attends le sourire de corail de l’enfant de demain.

     

    Ernest MOUTOUSSAMY

     

    La Rochelle, Aquarium (11)

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  • COMME UNE PHRASE SUR ELLE-MÊME

    C'est bien du grand beau temps

    et ce matin en ouvrant les volets

    c'est bien le bleu du ciel

    qui nous a fait un bon moment

    rester sans rien nous dire

    simplement regarder

    à travers les branches

    le ciel de cette journée

    qui allait une fois encore

    partir dans une histoire

    où rien —mais rien —

    ne nous rendrait un peu

    de ces minutes

    qui nous avaient retenus

    derrière la fenêtre

    comme devant une toile

    dont nous aurions été les premiers

    à lire les couleurs

    sur une terre qui tourne

    à la manière d'une phrase sur elle-même

    sans rien avancer d'autre parfois

    qu'une immense certitude

    parfaitement collée à la réalité.

     

    François de Cornière 

     


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  • LE HAUT DU MONDE 

    Je sors, 

    II  y a des milliers de pierres dans le ciel, 

    J'entends 

    De toute part le bruit clé la nuit en crue. 

    Est-il vrai, mes amis, Qu'aucune étoile ne bouge ? 

     

    Est’ il vrai 

    Qu’aucune de ces barques pourtant chargées 

    D’on dirait plus que la simple matière 

    Et  qui semblent tournées vers un même pôle 

    Ne frémisse soudain, ne se détache 

    De la masse des autres laissée obscure? 

     

    Est’ il vrai 

    Qu'aucune de ces figures aux yeux clos 

    Qui sourient à la proue du monde dans la joie 

    Du corps qui vaque à rien que sa lumière 

    Ne s’éveille, n'écoute? N'entende au loin 

    Un cri qui soit d'amour, non de désir? 

     

    Yves Bonnefoy 


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  • Le premier jour de l’an

     Les sept jours frappent à la porte.
     Chacun d’eux dit : Lève-toi !
     Soufflant le chaud, soufflant le froid.
     Soufflant des temps de toute sorte
     Quatre saisons et leur escorte
     Se partagent les douze mois.
     Au bout de l’an, le vieux portier
     Ouvre toute grande la porte
     Et d’une voix beaucoup plus forte
     Crie à tous vents : Premier janvier !

    Pierre Ménanteau 

     


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  • Les Ecoliers

    Sur la route couleur de sable,

    En capuchon noir et pointu,

    Le « moyen », le « bon », le « passable »

    Vont à galoches que veux-tu

    Vers leur école intarissable.

     

    Ils ont dans leur plumier des gommes

    Et des hannetons du matin,

    Dans leurs poches du pain, des pommes,

    Des billes, ô précieux butin

    Gagné sur d'autres petits hommes.

     

    Ils ont la ruse et la paresse

    Mais l'innocence et la fraîcheur

    Près d'eux les filles ont des tresses

    Et des yeux bleus couleur de fleur, Et des vraies fleurs pour la maîtresse.

    Puis les voilà tous à s'asseoir.

     

    Dans l'école crépie de lune

    On les enferme jusqu'au soir,

    Jusqu'à ce qu'il leur pousse plume

    Pour s'envoler. Après, bonsoir !

     

     (Maurice Fombeure)

     

     

    Les Ecoliers


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  • Un enfant m’a dit:
    « La pierre est une grenouille endormie. »

    Un autre enfant m’a dit :
    « Le ciel c’est de la soie très fragile. »

    Un troisième enfant m’a dit:
    « L’océan quand on lui fait peur, il crie. »

    Je ne dis rien, je souris.
    Le rêve de l’enfant c’est une loi.
    Et puis je sais que la pierre,
    vraiment est une grenouille,
    mais au lieu de dormir
    elle me regarde.

    Alain Bosquet

     


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  • Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille

     

    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,

    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

    Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,

    Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,

    Et je te sourirai tout en branlant la tête,

    Et nous ferons un couple adorable de vieux.

    Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

    Avec de petits yeux attendris et brillants,

    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

     

    Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,

    Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer,

    Nous aurons une joie attendrie et très douce,

    La phrase finissant toujours par un baiser.

    Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?

    Alors avec grand soin nous le recompterons.

    Nous nous ressouviendrons de mille choses, même

    De petits riens exquis dont nous radoterons.

    Un rayon descendra, d'une caresse douce,

    Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,

    Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,

    Sur le banc d'autrefois nous reviendrons causer

    Et comme chaque jour je t'aime davantage,

    Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,

    Qu'importeront alors les rides du visage ?

    Mon amour se fera plus grave - et serein.

    Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,

    Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.

    Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent

    Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.

    C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,

    Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main

    Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,

    Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.

    t de ce cher amour qui passe comme un rêve,

    Je veux tout conserver dans le fond de mon cœur,

    Retenir s'il se peut l'impression trop brève

    Pour la ressavourer plus tard avec lenteur.

    J'enfouis tout ce qui vient de lui comme un avare,

    Thésaurisant avec ardeur pour mes vieux jours ;

    Je serai riche alors d'une richesse rare

    J'aurai gardé tout l'or de mes jeunes amours !

    Ainsi de ce passé de bonheur qui s'achève,

    Ma mémoire parfois me rendra la douceur ;

    Et de ce cher amour qui passe comme un rêve

    J'aurai tout conservé dans le fond de mon cœur.

      

     

    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,

    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,

    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,

    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

    Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,

    Nous nous croirons encore aux jours heureux d'antan,

    Et je te sourirai tout en branlant la tête

    Et tu me parleras d'amour en chevrotant.

    Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

    Avec de petits yeux attendris et brillants,

    Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille

    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.

     

    Rosemonde Gérard

    Lorsque tu seras vieux et que je serais vieille


    8 commentaires
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    Elle

     

    Elle avait mis son cœur en offrande

    et donné son temps en otage

    Elle avait parsemé de rêves

    chaque rencontre

    dans l'attente de son écoute à lui.

     

    Elle avait projeté une vie de partage

    et chanté les louanges de l'échange

    Elle avait espéré l'agrandissement

    aux rires des regards

    aux tendresses des gestes.

     

    Elle avait laissé en elle enfin

    s'apaiser la faim

    et les inquiétudes lointaines

    Elle avait semé des possibles

    et lâcher-prise

    sur toutes les retenues

    pour laisser fleurir le miel de ses désirs.

     

    Tout cela

    avec une générosité infinie

    dans l'abondance et l'ivresse

    du don reçu.

     

    Et maintenant qu'il n'est plus là

    il lui appartient d'accueillir

    le meilleur d'elle

    pour donner une place au présent

     

    Avec elle

    compagnon d'elle-même

    pour cette aventure unique

    de la vie ancrée sur aujourd'hui

    ouverture sur l'existence reçue

    comme un cadeau.

     

    Jacques Salomé

     

    Merci à http://armanny.blogg.org 


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  • La neige

     

    La neige - le pays en est tout recouvert -

    Déroule, mer sans fin, sa nappe froide et vierge,

    Et, du fond des remous, à l'horizon désert,

    Par des vibrations d'azur tendre et d'or vert,

    Dans l'éblouissement, la pleine lune émerge.

     

    A l'Occident s'endort le radieux soleil,

    Dans l'espace allumant les derniers feux qu'il darde

    A travers les vapeurs de son divin sommeil,

    Et la lune tressaille à son baiser vermeil

    Et, la face rougie et ronde, le regarde.

     

    Et la neige scintille, et sa blancheur de lis

    Se teinte sous le flux enflammé qui l'arrose.

    L'ombre de ses replis a des pâleurs d'iris,

    Et, comme si neigeaient tous les avrils fleuris,

    Sourit la plaine immense ineffablement rose. 

    Jules Breton

     

    http://armanny.blogg.org (merci)


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