• L'ECOLE

    L’école était au bord du monde,
    L’école était au bord du temps.
    Au dedans, c’était plein de rondes ;
    Au dehors, plein de pigeons blancs.

    On y racontait des histoires
    Si merveilleuses qu’aujourd’hui,
    Dès que je commence à y croire,
    Je ne sais plus bien où j’en suis.

    Des fleurs y grimpaient aux fenêtres
    Comme on n’en trouve nulle part,
    Et, dans la cour gonflée de hêtres,
    Il pleuvait de l’or en miroirs.

    Sur les tableaux d’un noir profond,
    Voguaient de grandes majuscules
    Où, de l’aube au soir, nous glissions
    Vers de nouvelles péninsules.

    L’école était au bord du monde,
    L’école était au bord du temps.
    Ah ! que n’y suis-je encor dedans
    Pour voir, au dehors, les colombes !

    Maurice Carême

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  • Tu es belle, ma mère

    Tu es belle, ma mère,
    Comme un pain de froment.
    Et, dans tes yeux d'enfant,
    Le monde tient à l'aise.

    Ta chanson est pareille
    Au bouleau argenté
    Que le matin couronne
    D'un murmure d'abeilles.

    Tu sens bon la lavande,
    La cannelle et le lait ;
    Ton coeur candide et frais
    Parfume la maison,

    Et l'automne est si doux
    Autour de tes cheveux
    Que les derniers coucous
    Viennent te dire adieu.

    Maurice Carême

    hibiscus réduit

     


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  • Tu es la saveur de mon pain 

    Tu es la saveur de mon pain,
    Le dimanche de ma semaine,
    Tu es la ligne du destin
    Que l’on peut lire dans ma main,
    Tu es ma joie, tu es ma peine,
    Tu es ma chanson, ma couleur
    Et, dans la douceur de mes veines,
    Le sang qui fait battre mon cœur.
     

    BONTÉ

    Il faut plus d'une pomme
    Pour emplir un panier.
    Il faut plus d'un pommier
    Pour que chante un verger.
    Mais il ne faut qu'un homme
    Pour qu'un peu de bonté
    Luise comme une pomme
    Que l'on va partager.
     

    BERCEUSE

     

    Au fond des bois

    Couleur de faine,

    La feuille choit

    Si doucement

    Que c'est à peine

    Si on l'entend.

    A la fontaine,

    Le merle boit

    Si doucement

    Que c'est à peine

    Si on l'entend.

    A demi voix,

    Si doucement

    Que c'est à peine

    Si on l'entend,

    Une maman

    Berce la peine

    De son enfant.

     


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  • Donc l'enfant dessina le roi
    Avec un splendide uniforme,
    Puis des bataillons de soldats
    Avec le fusil sur l'épaule.

    Il mit, devant eux, des canons
    Montés sur des chariots énormes
    Et, tout au dessus, des avions
    Effrayants comme des fantômes.

    Ensuite, il s'écria : " je suis
    La paix ! "Alors, dans son étui,
    Il prit sa gomme préférée.

    Et, de quelques coups vigoureux,
    Il effaça toute l'armée
    Et ajouta "Béni soit Dieu!"

     

    MERE

     

    J’ai de toi une image
    Qui ne vit qu’en mon cœur.
    Là, tes traits sont si purs
    Que tu n’as aucun âge.

    Là, tu peux me parler
    Sans remuer les lèvres,
    Tu peux me regarder
    Sans ouvrir les paupières.

    Et lorsque le malheur
    M’attend sur le chemin,
    Je le sais par ton cœur
    Qui bat contre le mien

    Vers le soir, tu me parles parfois de la mort
    Comme si tu étais déjà un peu absente,
    Comme si ton cœur se détachait sans effort
    De la vie dont tu fus la docile servante.

    Tu me parles paisiblement de la maison
    Qu’il ne faudra pas vendre et des vieux groseilliers
    De ton jardin qu’on ne devra pas arracher,
    Et des miettes de pain à donner aux pinsons
    Qui viennent dès l’hiver picorer dans la cour,
    Et de tous ces simples travaux de tous les jours
    Que tes mains dénouées auront abandonnés.

    Et ta voix coule alors, pareille à un ruisseau
    Qui s’en va humblement, comme le veut sa pente,
    Mais qui, sans le savoir, fait refleurir la menthe
    Et met au creux des prés des morceaux de ciel bleu.

     

     

    LA BOUTEILLE D’ENCRE

     

    D'une bouteille d'encre,
    On peut tout retirer :
    Le navire avec l'ancre,
    La chèvre avec le pré,

    La tour avec la reine,
    La branche avec l'oiseau,
    L'esclave avec la chaîne,
    L'ours avec l'Esquimau.

    D'une bouteille d'encre,
    On peut tout retirer
    Si l'on n'est pas un cancre
    Et qu'on sait dessiner.

     

     

    L'enfant et le tilleul

    Cette petite enfant croyait
    - Quand elle chantait toute seule
    Dans le fond du jardin -
    Que personne ne l'écoutait.
    Mais elle oubliait le tilleul
    A qui le vent prêtait
    Sa longue flûte verte,
    Le tilleul qui se croyait seul
    Lui aussi au coeur de l'été.
    Et les étoiles, sur le bord
    Bleu du ciel, se penchaient si fort
    Pour mieux les écouter
    Qu'on les voyait tomber
    Toutes luisantes par milliers

    MAURICE CAREME

     

     

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    LA PRIERE DU POETE

    Je ne sais ni bêcher ni herser ni faucher et je mange le pain que d'autres ont semé mais tout ce que l'on peut moissonner de douceur, Je l'ai semé Seigneur.

    Je ne sais ni dresser un mur de bonne pierre ni couler une vitre où se prend la lumière mais tout ce que l'on peut bâtir sur le bonheur, je l'ai bâti Seigneur.

    Je ne sais travailler ni la scie ni la laine ni tresser un panier en jonc de la fontaine mais ce qu'on peut tisser pour habiller le cœur, Je l'ai tissé Seigneur.

    Je ne sais ni jouer de vieux airs populaires ni même retenir par cœur une prière mais ce qu'on peut chanter pour se sentir meilleur, je l'ai chanté Seigneur.

    Ma vie s'est répandue en accords à vos pieds d'humble enfant que je fus, est enfant demeuré et le peu qu'un enfant donne dans sa candeur Je vous l'offre Seigneur.

    Maurice Carême

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