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La solitude
La solitude, Seigneur, n’est fruit que de l’esprit s’il est infirme. Il n’habite qu’une patrie, laquelle est sens des choses. Ainsi le temple quand il est sens des pierres. Il n’a d’ailes que pour cet espace. Il ne se réjouit point des objets mais du seul visage qu’on lit au travers et qui les noue. Faites simplement que j’apprenne à lire. Alors, Seigneur, c’en sera fini de ma solitude.
(Antoine de Saint Exupéry)
Extrait du livre "Conversation avec Dieu"
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Jardin
Portail rouillé
A la rose des vents.
Horizon mouillé,
Massifs verdoyants.
Hortensias
Aux pétales de bienfaits,
Magnolias
Aux fleurs frisant le parfait.
Un buisson de pleurs,
Un massif de mots consolateurs,
L’enfant attend, l’enfant entend
L’aïeule aveugle qui chante.
(Rolande Causse)
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Le présent
Mais enfin dites-moi
qu'est-ce que c'est
le présent ?
où ça commence où ça finit,
comment ça se dessine, est-ce
un point un cercle un trait
une lumière qui s'éteint
et toujours recommence.
est-ce comme le vent
qui est là sans y être,
l'oiseau qui chante à la fenêtre
et qu'on ne voit jamais.
est-ce ces guillemets,
la porte qui s'ouvre
la porte qui se ferme
entre j'arrive et au revoir.
est-ce une heure est-ce un lieu
une parole un geste un sourire ?
Dites-moi dites-moi
Le présent, vois-tu c'est plus simple
et c'est plus compliqué
le présent c'est
le visage que tu aimes
(Jean Pierre Siméon, extrait de son livre « La nuit respire)
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La tache
Autrefois vécut un guerrier qui se trouva cinq ans durant pris de passion pour une femme. Elle était subtile, sensible, fraîche et belle comme un printemps, sauf qu'elle avait dans son œil droit un point blanc, une tache infime aussi menue qu'un grain de sel. L'homme, d'abord, ne la vit pas. Le temps passa. Hélas, tout passe. Son cœur brûlant se refroidit. Il fronça, un jour, les sourcils.
- Femme, dit-il, viens au soleil, que je voie de près ta figure. Tu as une tache dans l'œil. Depuis quand est-elle apparue?
Elle répondit, la tête basse :
-Depuis que tu ne m'aimes plus
(Extrait de son livre « L’amour foudre »)
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MATHÉMATIQUE
Quarante enfants dans une salle,
Un tableau noir et son triangle,
Un grand cercle hésitant et sourd
Son centre bat comme un tambour.
Des lettres sans mots ni patrie
Dans une attente endolorie.
Le parapet dur d'un trapèze,
Une voix s'élève et s'apaise
Et le problème furieux
Se tortille et se mord la queue.
La mâchoire d'un angle s'ouvre.
Est-ce une chienne ? Est-ce une louve ?
Et tous les chiffres de la terre,
Tous ces insectes qui défont
Et qui refont leur fourmilière
Sous les yeux fixes des garçons.
(Jules Supervielle)
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