• Morte Saison 

     

    J'entends la pluie, les vents, jouer aux osselets

    Mes coteaux de beau temps ont la robe des biches

    Une feuille est collée sur la joue de l'été

    Des feux d'herbe, la nuit, fument sur les villages.

    C'est ton nom qui se perd aux grandes eaux du vent.

    Ton nom qui parle haut quand minuit nous délivre,

    C'est ton front qui se prend aux vitres de goudron

    La flamme d'un flambeau peut effacer tes lèvres.

    La pluie sourde nourrit les plis chauds de ta bouche

    Des ailes de bois mort bougent dans la nuit louche.

     

     (Luc Bérimont)


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  • Les Florets 

     

    La campagne porte le ciel à bout de bras

    Ecartant cailloux et chardons, le chemin se hisse jusqu'à la forteresse des corneilles.

    Là-haut, dans le frissonnement des fleurs, les couleurs jaillissent, le Grand Midi, depuis toujours, espère son passé. Au loin, les villes n'arrivent pas aux chevilles de la réalité. La crête est tatouée de signes. L'affectueuse chimie s'affaire au milieu d'une choralie d'insectes.

    L'architecture sort du rêve et s'amoncelle sous les pas. La légende suit l'ombre dans les plis de l'anticlinal. Le village articule son chant de pierre entre les mélèzes ; l'écluse tourne le manche de la vielle.

    Minuscule sur le sentier, le paysan marche courbé sous le poids de la terre.  

    (Gil Jouanard)

    (Lame de Facibelle)


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  • LE CONTEUR PHILOSOPHE 

    DE MICHEL PIQUEMAL 

                             EXTRAITS 

    Le poisson et l’hirondelle

     

    Un petit poisson nageait dans l'océan, lorsqu'il aperçut une hirondelle dans le ciel. Son vol lui parut si harmonieux, l'étendue de l'air si immense qu'il ne rêva plus que de voler Sans cesse, il s'efforçait de s'élever vers la surface de l'eau, mais il ne parvenait pas à décoller. À plusieurs reprises, il faillit même y perdre la vie pour finir dans le gosier d'une mouette. Désespéré, il alla trouver la pieuvre, que l'on disait la plus sage des fonds marins.

     

     - J'ai connu, lui dit la pieuvre, une hirondelle comme toi... Figure-toi qu'elle ne rêvait que de nager au fond de l'océan. Ah, si vous aviez pu faire l'échange!... Mais il est des choses que l'on ne peut changer car elles font partie de notre nature, de notre destinée. Cette hirondelle est donc allée voir le hibou qui est, chez les oiseaux, connu pour sa sagesse. Et le hibou lui a répondu: «Tu ne pourras jamais nager comme un poisson. Mais qui t'empêche, lorsque tu es dans les airs, de t'imaginer virevoltant au fond de l'océan? Cette liberté-là, personne ne pourra te la prendre!» Depuis, l'hirondelle n'a plus cherché à changer sa nature. Par contre, elle zigzague souvent dans les airs en s'imaginant être comme toi au milieu des algues et des rochers... et ce bonheur lui suffit. Ce que peut faire l'hirondelle, tu peux le faire toi aussi. 

     

     

     (La Désirade, Guadeloupe)


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  • Chant d'orphelin

     

    Si je dois mourir à la guerre

    Nulle femme n'aura de larmes.

    Je n'ai jamais connu leurs charmes

    Ni la tendresse d'une mère.

     

    Quant aux amis, je n'en ai guère.

    Un orphelin n'a pas d'histoire.

    Mourir en héros pour la gloire

    N'allégera pas ma misère.

     

    Je n'ai eu pour seul héritage

    Qu'une fortune de souffrances

    Un plein coffre-fort de malchance

    Et de maux que nul ne partage.

     

    Je quitterai ce monde hostile

    Comme j'y suis venu : bohème,

    La tête farcie de poèmes

    lit de souvenirs inutiles.

     

    (Dimtcho Debelianov Bulgarie)

     

     


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  •  

    Les enfants qui s’aiment

     

    Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout

    Contre les portes de la nuit

    Et les passants qui passent les désignent du doigt

    Mais les enfants qui s'aiment

    Ne sont là pour personne

    Et c'est seulement leur ombre

    Qui tremble dans la nuit

    Excitant la rage des passants Leur rage leur mépris leurs rires et leur envie

    Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne

    Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit

    Bien plus haut que le jour

    Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour.

     

    (Jacques Prévert)

     



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