• Le fleuve ou le désert

     

    II était une fois un vieux fleuve perdu dans les sables du désert. Il était descendu d'une haute montagne qui se confondait maintenant avec le bleu du ciel. Il avait traversé des forêts, des plaines, des villes, vivace, bondissant, puis large, fier et noble. Quel mauvais sort l'avait conduit à s'enliser parmi ces dunes où n'était plus aucun chemin ? Où aller désormais, et comment franchir ces espaces brûlés qui semblaient infinis ? Il l'ignorait, et se désespérait.

    Or, comme il perdait courage, lui vint des sables une voix qui lui dit : « Le vent traverse le désert. Le fleuve peut en faire autant ». Il répondit qu'il ne savait pas voler, comme faisait le vent. « Fais donc confiance aux brises, aux grands souffles qui vont, dit encore la voix. Laisse-toi absorber et emporter au loin ». Faire confiance à l'air hasardeux, impalpable ?

    Il ne pouvait accepter cela. Il répondit qu'il était un terrien, qu'il avait toujours poussé ses cascades, ses vagues, ses courants dans le monde solide, que c'était là sa vie, et qu'il lui était inconcevable de ne plus suivre sa route vers des horizons sans cesse renouvelés. Alors la voix lui dit (ce n'était qu'un murmure) : « La vie est faite de métamorphoses. Le vent t'emportera au-delà du désert. Il te laissera retomber en pluie, et tu redeviendras rivière ». Il eut peur tout à coup. Il cria : « Mais moi je veux rester le fleuve que je suis ! » « Tu ne peux, dit la voix des sables. Et si tu parles ainsi, c'est que tu ignores ta véritable nature. Le fleuve que tu es n'est qu'un corps passager. Sache que ton être fut déjà maintes fois emporté par le vent, vécut dans des nuages et retrouva la terre pour à nouveau courir, ruisseler, gambader >•• Le fleuve resta silencieux. Et comme il se taisait, un souvenir lui vint, semblable à un parfum à peine perceptible. Il pensa : « ce n'est peut-être rien qu'un rêve »

    Son cœur lui dit : « Et si ce rêve était ton seul chemin de vie, désormais ? »

    Henri Gougaud (extrait de Jusqu’à Tombouctou », de Michel Jaffrennou)

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  •  Matopé

     

    Nom ; Matopé. Prénom : Ono.

     

    Ono Matopé n'en savait pas plus.

     

    Errant, perdu dans le désert, il ne se souvenait de rien, et sa gourde était aussi sèche et racornie que son gosier. Que faire ? Prier ? Même pas. Il avait oublié son livre de prières et ne les savait pas par cœur. Allah, dit-il, je suis stupide. Je ne sais comment T'appeler au secours avec les mots qu'il faut. Alors voilà, j'ai une idée. Les phrases qu'il convient de dire, assurément Tu les connais. Je Te donne donc une à une chaque lettre de l'alphabet, et Tu les remettras dans l'ordre. Il fit ainsi. Et l'on dit qu'Allah le Très Bon considéra cette prière avec une attention plus vive que toutes celles qu'il reçut, ce jour-là, dans Son paradis.

     

     

    Henri Gougaud (extrait de Jusqu’à Tombouctou », de Michel Jaffrennou.

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  • Un roi vindicatif

     

    C’était un roi vindicatif, hargneux, vaniteux, mal vivant. Son plaisir ? Effrayer les gens, les tenir là, sous son regard, et faire semblant d’hésiter entre les renvoyer d’un geste ou leur faire couper le cou. Or, il apprit un jour qu’au marché de la ville était un homme sans souci. Il était vieux, ce vivant-là, et si quelqu’un venait à lui avec quelque souffrance d’âme, il savait trouver aussitôt les paroles qui guérissaient.

    - Il a réponse à tout ? marmonna le tyran. Nous allons voir. Qu’on me l’amène.

    Deux gardes allèrent le chercher. Voici le vieux sous l’arbre où trônait le monarque.

    - Bonhomme, lui dit-il, je ne suis pas de ceux qui se laissent gruger par les marchands de vent. Si je te pose une question, je veux une réponse claire. Pas d’entourloupe, du précis, sinon je te tranche la tête. Tu vas donc répondre à ceci.

    Il cogna de sa canne d’or contre l’accoudoir de son siège.

    - Qui, du fauteuil ou du bâton, a fait ce bruit, ce « bong » que nous venons d’entendre ?

    - Majesté, lui répondit l’autre, je le dirai si tu réponds précisément à la question que je vais aussi te poser. Mais promets d’épargner ma vie si ta bouche reste muette.

    Le monarque, intrigué, promit. Alors le vieux leva la main et flanqua sur la joue royale une si franche et belle baffe qu’elle fit taire les rossignols.

    - Qui, de ma main ou de ta face, ô majesté, dit le vieillard, a fait ce « flap » indiscutable que l’on vient d’entendre sonner ?

    (Henri Gougaud, L’Almanach)

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  • Le roi et le serviteur

    On raconte qu’un roi se prit un jour d’amour pour l’épouse d’un serviteur. Il chargea donc l’époux d’une course lointaine et s’en fut visiter la femme désirée. Il entra fièrement chez elle, ôta sa ceinture, ses gants, et sans autre cérémonie s’en fut s’asseoir au bord du lit. Elle comprit aussitôt ce que voulait le maître. Elle s’effraya. Elle dit simplement, fière, droite :

    - A propos de celui que la passion rend fou, un poète a écrit : « Que vaut un roi lion qui s’abaisse à manger dans la niche du chien » ?

    Le roi baissa la tête et honteux tout à coup s’en fut sans autre mot.

    Quand le serviteur s’en revint, il trouva les gants oubliés, au pied du lit, par le monarque. Il comprit, jugea mal, répudia son épouse et s’enfonça dans un chagrin plus profond qu’un puits du désert. Le roi, le voyant dépérir, lui demanda quel coup du sort ruinait son bonheur d’être au monde. L’homme répondit :

    - Majesté, j’avais un jardin magnifique, aux fontaines intarissables, aux fruits doux en toute saison, aux fleurs sans cesse épanouies. Hélas, j’y ai trouvé, voici quelques journées, les traces d’un lion. Il a tout ravagé. Je ne peux plus y vivre.

    - Ami, lui dit le roi, il est vrai qu’un lion s’est introduit chez toi. Mais il n’est resté qu’un instant. Il n’a pas troublé tes fontaines, n’a pas goûté au moindre fruit. Ton jardin est resté aussi beau qu’il le fut. Moi, je n’en ai pas de semblable.

    Il sourit à son serviteur et son serviteur lui sourit. C’était au temps des rois bénis.

    (Henri Gougaud, L’Almanach) http://www.henrigougaud.fr/

     

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  • L’eau

     

    Quelques jours plus tard, un matin (nous étions à nouveau au bord de la rivière), El Chura m’a pris par le bras et m’a soufflé à l’oreille :

       -  Aujourd’hui tu vas apprendre son langage. Elle a des choses à te dire.

       -  Comment apprendre le langage de l’eau, Chura ?

       -  Plonge ton visage dedans, et écoute.

       -  Mais, Chura, je vais m’étouffer.

       -  Cesse de te raconter des histoires. Fais ce que je te dis.

       Il a tourné les talons, et il est parti. Il n’était pas loin de midi. J’ai hésité à m’agenouiller là, sur la berge de la rivière. Quelqu’un pouvait à tout instant venir. Je craignais de passer pour un jobard si j’étais surpris à plonger ma tête dans le courant, le cul en l’air, comme un flamant rose. J’ai décidé de grimper dans la montagne, où je connaissais un petit lac.

       En haut du sentier, l’air était immobile, doux, simple. Je me suis arrêté. J’ai regardé l’eau, en bas, dans son creux volcanique. Sa lumière s’est faite aussitôt bienveillante. Un oiseau a piqué vers la surface bleue. L’eau s’est à peine émue. Je me suis dit : « Elle rit. » Je me suis laissé aller sur la pente. Mes pas ont réveillé des cailloux, ils sont partis devant en bondissant les uns par-dessus les autres, pareils à de petits êtres turbulents. Le soleil était là, suspendu au-dessus de ma tête, à rire lui aussi. Le cœur me battait fort. J’étais comme un enfant qui va vers un cadeau.

       D’un moment, sur le rivage, une sorte de timidité sacrée m’a retenu. Je craignais de faire du bruit. J’étais seul dans le silence de la montagne. Je devais accomplir un rite, et je me sentais maladroit. J’ai regardé l’herbe. Elle m‘a dit : « Va, ce n’est pas grave, c’est un jeu. » Je me suis accroupi, j’ai pris un grand coup d’air, j’ai enfoncé ma tête dans l’eau, lentement, et j’ai osé ouvrir les yeux. Le soleil, au fond, caressait le sable, et le sable scintillait. Des millions d’étoiles, au gré de la houle, naissaient, s’éteignaient, renaissaient ailleurs. Comme je contemplais cela, je me suis soudain senti prodigieusement vaste, sans questions, sans espoir, sans peur aucune, tranquille comme un dieu veillant sur l’univers. L’eau faisait à mes oreilles une rumeur d’océan. J’ai eu un instant la sensation que des mains amoureuses palpaient ma figure, mon cou, mon crâne. J’ai relevé la tête. J’ai retrouvé l’air du jour, le soleil. J’ai vu mon reflet tourmenté par la pluie de gouttelettes qui retombaient à l’eau. Je n’étais plus qu’un petit homme, presque rien. Je me suis frotté les yeux. La montagne, le ciel, l’herbe m’ont paru tout proches, complices, attentifs. J’ai plongé à nouveau et j’ai plongé encore jusqu’à m’enivrer de cette découverte : au-dedans j’étais un dieu, au-dehors j’étais un nain. Au-dedans j’étais en paix, au-dehors j’étais en doute. Je suis redescendu vers le village. El Chura m’attendait devant ma cabane. Je lui ai raconté ce qui s’était passé. Il m’a dit

       -  L’eau est une porte. Le vent, la pluie, la nuit, la neige, les pierres sont aussi des portes. Par n’importe laquelle de ces portes tu peux entrer dans la paix.

    (Henri Gougaud, Les sept plumes de l’aigle) http://www.henrigougaud.fr/

     

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  • Il est dit que sur un rocher, face aux vagues de l’océan, est le conteur de tous les âges. Il raconte sans cesse les contes de la terre et l’océan ronronne, et l’océan l’écoute. Et il est dit aussi que l’on doit prendre garde. Car si un jour on faisait taire cet homme seul qui parle là, personne ne sait, en vérité, ce que ferait l’océan.

    Comme je racontais cela, un jour, à des enfants pensifs, l’un d’eux hocha la tête et dit, l’air pénétré :

    - Je sais, moi, ce que ferait l’océan. Il envahirait le monde.

    Et comme je m’effrayais d’une fin aussi redoutable :

    - Oh, non pas par méchanceté, me dit l’enfant, ni par colère, mais pour retrouver ce conteur qui faisait du bien à ses vagues.

    (Henri Gougaud, L’Almanach) http://www.henrigougaud.fr/

     

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  • Le grand Sage

     

    Le grand Confucius, un matin, entendit parler d’un ermite qui passait pour le plus paisible et le plus sage des vivants. Il voulut lui rendre visite. Il prit son sac, et s’en alla. L’homme vivait dans la montagne, au nord du pays, loin de tout. Après trois journées de voyage, un soir, à l’orée d’un village :

    - Un ermite vit par ici, paraît-il. Le connaissez-vous ? demanda Confucius à un jeune berger qui poussait devant lui ses chèvres.

    - Je ne l’ai jamais vu, répondit le garçon, mais je sais où est sa cabane. De grands personnages, souvent, viennent de loin le consulter. Tous me demandent le chemin.Il tendit l’index vers les cimes. Confucius découvrit bientôt parmi les arbres sa demeure : une hutte au bord d’un ruisseau. Le vieil homme, assis sur le seuil, tisonnait le feu sous sa soupe. Après qu’ils se furent salués :

    - Vénéré, dit le visiteur, on affirme dans le pays que vous êtes le plus grand sage qui se puisse voir ici-bas.

    - Oh non, lui répondit l’ermite. J’ai entendu parler d’un homme, à trois jours de marche d’ici, dont la sagesse est sûrement beaucoup plus grande que la mienne. Pensez, il a sept apprentis, et moi je n’en ai pas le moindre. Je vis seul, comme le ruisseau.

    A trois jours de marche de là, Confucius avait sept disciples.

    - Certes, on ne m’avait pas menti, répondit-il, les larmes aux yeux. Vous êtes bien, dans ce pays, le plus sage de tous les hommes.

    (Henri Gougaud, L’Almanach)

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  • La bonne question

     

    - Si j’ai bien compris, Samuel, ton ambition est d’être un jour le maître le plus vénérable de Varsovie et sa banlieue.

    - En effet, rabbi, je l’avoue. J’aimerais être assez savant pour qu’aucune question au monde ne puisse me clouer le bec. Je veux avoir réponse à tout.

    - Et donc pour cela, mon garçon, tu apprends par cœur le Talmud.

    - J’en ai lu déjà cent-deux pages et quatorze lignes et demi.

    - Félicitations, Samuel. Tu auras donc, assurément, la réponse à l’énigme simple que j’aimerais te proposer. Veux-tu l’entendre ?

    - Volontiers.

     

    - Ecoute donc, et imagine. Deux malfaiteurs, une maison. A l’intérieur, un coffre-fort. Toutes les issues sont fermées. Par où passer ? Ils s’interrogent. Ils trouvent : par la cheminée. Ils escaladent une gouttière, trottent sur le faîte du toit, se faufilent dans le conduit, tombent dans les cendres de l’âtre. Ils se relèvent. Ils se regardent. L’un est noir de suie, l’autre non. Il est propre comme un sou neuf Lequel des deux va se laver ?

    - Trop facile, rabbi. Le noir.

    - Erreur, Samuel. Réfléchis. Le noir voit son compère blanc. Il se croit donc semblable à lui. Mais le blanc, voyant l’autre noir, s’imagine noir, comme lui. Tu me suis ? Alors, qui se lave ?

    - Le blanc, rabbi.

    - Mais pas du tout ! Le blanc va se laver, d’accord. Logiquement, que fait le noir, quand il voit l’autre sous la douche ?

    - Oui, bien sûr, il y va aussi. Ils se lavent donc tous les deux.

    - Samuel, mon fils, reste calme. Respire bien. Concentre-toi. Tu vois, je ne m’énerve pas, mais sacré bon sang de bonsoir, ne tire pas trop sur la corde. Je répète donc ma question. Deux voleurs (non, je ne crie pas) descendent par la cheminée. L’un arrive noir, l’autre blanc. Qui va se laver, mille diables ?

    - C’est pas les deux ?

    - Non, non et non ! Le noir ne va pas se laver puisqu’il voit son compère blanc. Et pourquoi le blanc irait-il quand le noir n’y va même pas ? Tu as compris, tête de mule ?

    - Oui, oui, rabbi, c’est bon, c’est clair, tout va bien, aucun ne se lave.

    - Tu sais que tu me désespères ? Non, je ne veux pas te froisser, mais tu me sembles bien parti pour le balayage des rues les jours de grand vent sur la ville. Bougre de borgne du cerveau, deux voleurs, une cheminée. Imagine. Visualise. L’un est noir de suie, c’est normal. Comment l’autre pourrait-il être, le cul dans l’âtre, immaculé ? Avant de penser aux réponses, tu dois apprendre, mon garçon, à poser les bonnes questions. Le chemin du savoir est long. Tu n’es qu’au seuil de ta maison. Un pas après l’autre. On commence.

     

    (Henri Gougaud, Le livre des chemins)

     

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    http://www.henrigougaud.fr


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    Le dragon

     

    Ces deux amis-là, un beau jour, se promenaient dans la forêt.

    L’un d’eux était aveugle. L’autre le conduisait, il lui tenait la main, fermement, en bon compagnon. Or, voilà que sous les grands arbres apparaît soudain un dragon, une sorte de monstre informe, énorme, griffu, grimaçant.

    - Seigneur Dieu, dit celui qui voit, oh malheur, nous sommes perdus !

    Il s’arrête, la bouche ouverte, se serre contre son ami.

    - Qu’as-tu vu ? demande l’aveugle.

    - Un monstre épouvantable, entre les arbres, là, il bouge avec la brume. Oh ses ailes ! Oh ses yeux !

    - Est-il fait de vraie chair vivante ?

    - Je ne sais pas, il va, il vient, il se défait, se recompose, il s’éloigne, non, il grandit !

    - Ferme les yeux, lui dit l’aveugle, et donne-moi la main. Allons.

    Ils marchent droit sur le dragon. Le corps de la peur se défait.

     

    (Henri Gougaud, L’Almanach) 

     

     

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  • Akbar et l’amoureuse

    Akbar le Conquérant était un homme pieux. Il avait chevauché jusqu’au fin fond des Indes, conquis d’innombrables cités, asservi des peuples sauvages et d’autres aux sandales brodées, aux robes de safran, aux musiques profondes. Courber la tête, lui ? Jamais, sauf tous les jours, fidèlement, devant Allah et son prophète.

    Donc il advint que ce grand homme, un matin d’été sans combat, s’éloigna seul du campement, s’en fut jusqu’à un bosquet proche, parmi les chants des rossignols et les traits de soleil mouvants, et là, dans l’herbe, déposa son précieux tapis de prière. Il se prosterna, puis s’assit, croisa les doigts sous le nombril et les yeux clos il écouta l’infini silence de Dieu. Or, comme il méditait ainsi, un appel soudain le troubla. Il entrouvrit un œil, aperçut une fille qui courait çà et là parmi les buissons bas. Elle appela encore, inquiète, tournant et retournant la tête. Elle semblait prise corps et âme par le désir de retrouver quelqu’un qui manquait à sa vie. En vérité elle l’était tant qu’elle ne vit pas le méditant. Sa robe effleura son épaule, son pied bouscula son tapis. Elle disparut parmi les arbres. La paupière d’Akbar frémit. Son ciel du dedans se couvrit d’éclairs et de nuées d’orage. Il se raidit, il inspira, expira un souffle tremblant, tenta de retrouver son calme. Il ne put. Il se redressa, roula son tapis et s’en fut.

    Il entendit alors la fille. Elle s’en revenait, elle riait. A son bras était un jeune homme. Elle lui gazouillait son souci, sa joie de le revoir près d’elle. Le Conquérant lui vint devant.

    - Holà, femelle, lui dit-il, sais-tu bien qu’aucun être au monde n’a jamais osé déranger Akbar dans son recueillement? Tu l’as fait. Veux-tu donc mourir ?

    Elle répondit, toute contrite, les mains unies sous le menton :

    - Aie pitié de moi, majesté. J’étais si inquiète, à vrai dire, et si absorbée à chercher ce beau vivant, mon bien-aimé (il tardait tant à me rejoindre !) que je ne pouvais voir que lui. Mais toi, ô prince des croyants, si intimement joint à Dieu dans ton oubli de ce bas monde, comment as-tu pu remarquer qu’une fille passait par là ?

    Akbar grogna, puis s’inclina. Il se remit à sa prière. Jusqu’au soir il s’y oublia.

    (Henri Gougaud, Le livre des chemins)

     

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