• Quand l'enfant nous regarde, on sent Dieu nous sonder ;
    Quand il pleure, j'entends le tonnerre gronder,
    Car penser c'est entendre, et le visionnaire
    Est souvent averti par un vague tonnerre.
    Quand ce petit être, humble et pliant les genoux,
    Attache doucement sa prunelle sur nous,
    Je ne sais pas pourquoi je tremble ; quand cette âme,
    Qui n'est pas homme encore et n'est pas encore femme,
    En qui rien ne s'admire et rien ne se repent,
    Sans sexe, sans passé derrière elle rampant,
    Verse, à travers les cils de sa rose paupière,
    Sa clarté, dans laquelle on sent de la prière,
    Sur nous les combattants, les vaincus, les vainqueurs ;
    Quand cet arrivant semble interroger nos c
    œurs,
    Quand cet ignorant, plein d'un jour que rien n'efface,
    A l'air de regarder notre science en face,
    Et jette, dans cette ombre où passe Adam banni,
    On ne sait quel rayon de rêve et d'infini,
    Ses blonds cheveux lui font au front une auréole.
    Comme on sent qu'il était hier l'esprit qui vole !
    Comme on sent manquer l'aile à ce petit pied blanc !
    Oh ! comme c'est débile et frêle et chancelant
    Comme on devine, aux cris de cette bouche, un songe
    De paradis qui jusqu'en enfer se prolonge
    Et que le doux enfant ne veut pas voir finir !
    L'homme, ayant un passé, craint pour cet avenir.
    Que la vie apparaît fatale ! Comme on pense
    A tant de peine avec si peu de récompense !
    Oh ! comme on s'attendrit sur ce nouveau venu !
    Lui cependant, qu'est-il, ô vivants ? l'inconnu.
    Qu'a-t-il en lui ? l'énigme. Et que porte-t-il ? l'âme.
    Il vit à peine ; il est si chétif qu'il réclame
    Du brin d'herbe ondoyant aux vents un point d'appui.
    Parfois, lorsqu'il se tait, on le croit presque enfui,
    Car on a peur que tout ici-bas ne le blesse.
    Lui, que fait-il ? Il rit. Fait d'ombre et de faiblesse
    Et de tout ce qui tremble, il ne craint rien. Il est
    Parmi nous le seul être encor vierge et complet ;
    L'ange devient enfant lorsqu'il se rapetisse.
    Si toute pureté contient toute justice,
    On ne rencontre plus l'enfant sans quelque effroi ;
    On sent qu'on est devant un plus juste que soi ;
    C'est l'atome, le nain souriant, le pygmée ;
    Et, quand il passe, honneur, gloire, éclat, renommée,
    Méditent ; on se dit tout bas : Si je priais ?
    On rêve ; et les plus grands sont les plus inquiets ;
    Sa haute exception dans notre obscure sphère,
    C'est que, n'ayant rien fait, lui seul n'a pu mal faire ;
    Le monde est un mystère inondé de clarté,
    L'enfant est sous l'énigme adorable abrité ;
    Toutes les vérités couronnent condensées
    Ce doux front qui n'a pas encore de pensées ;
    On comprend que l'enfant, ange de nos douleurs,
    Si petit ici-bas, doit être grand ailleurs.
    Il se traîne, il trébuche ; il n'a dans l'attitude,
    Dans la voix, dans le geste aucune certitude ;
    Un souffle à qui la fleur résiste fait ployer
    Cet être à qui fait peur le grillon du foyer ;
    Il
    site pendant que la lèvre bégaie ;
    Dans ce naïf regard que l'ignorance égaie,
    L'étonnement avec la grâce se confond,
    Et l'immense lueur étoilée est au fond.
    On dirait, tant l'enfance a le reflet du temple
    Que la lumière, chose étrange, nous contemple ;
    Toute la profondeur du ciel est dans cet
    œil.
    Dans cette pureté sans trouble et sans orgueil
    Se révèle on ne sait quelle auguste présence ;
    Et la vertu ne craint qu'un juge : l'innocence.

    Juin 1874

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  • Je pressais ton bras qui tremble

    Je pressais ton bras qui tremble ;
    Nous marchions tous deux ensemble,
    Tous deux heureux et vainqueurs.
    La nuit était calme et pure ;
    Dieu remplissait la nature
    L'amour emplissait nos cœurs

    Tendre extase ! Saint mystère !
    Entre le ciel et la terre
    Nos deux esprits se parlaient.
    A travers l'ombre et ses voiles,
    Tu regardais les étoiles,
    Les astres te contemplaient.

    Et sentant jusqu'à ton âme
    Pénétrer la douce flamme
    De tous ces mondes vermeils,
    Tu disais : Dieu de l'abîme,
    Seigneur, vous êtes sublime ;
    Vous avez fait les soleils !

    Et les astres à voix basse
    Disaient au Dieu de l'espace,
    Au Dieu de l'éternité :
    Seigneur, C'est par vous qu'on aime ;
    Vous êtes grand, Dieu suprême,
    Vous avez fait la beauté !

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  • J'aime un petit enfant, et je suis un vieux fou.

    - Grand-père ? - Quoi ? - Je veux m'en aller. - Aller où ?
    - Où je voudrai. - Partons. - Je veux rester, grand-père.
    - Restons. - Grand-père ? - Quoi ? - Pleuvra-t-il ? - Non, j'espère.
    - Je veux qu'il pleuve, moi. - Pourquoi ? - Pour faire un peu
    Pousser mon haricot dans mon jardin. - C'est Dieu
    Qui fait la pluie. - Eh bien, je veux que Dieu la fasse.
    - Mais s'il ne voulait pas ? - Moi, je veux. Si je casse
    Mon joujou, le bon Dieu ne peut pas m'empêcher.
    Ainsi... - C'est juste. Il va peut-être se fâcher,
    Mais passons-nous de lui. - Pour qu'il pleuve ? - Sans doute.
    Viens, prenons l'arrosoir du jardinier Jacquot,
    Et nous ferons pleuvoir. - Où ? - Sur ton haricot

     

    neige réduite

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  • Hier au soir

    Hier, le vent du soir, dont le souffle caresse,
    Nous apportait l'odeur des fleurs qui s'ouvrent tard ;
    La nuit tombait ; l'oiseau dormait dans l'ombre épaisse.
    Le printemps embaumait, moins que votre jeunesse ;
    Les astres rayonnaient, moins que votre regard.

    Moi, je parlais tout bas. C'est l'heure solennelle
    Où l'âme aime à chanter son hymne le plus doux.
    Voyant la nuit si pure et vous voyant si belle,
    J'ai dit aux astres d'or : Versez le ciel sur elle !
    Et j'ai dit à vos yeux : Versez l'amour sur nous

     


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  • Heureux l'homme occupé ...

    Heureux l'homme, occupé de l'éternel destin,
    Qui, tel qu'un voyageur qui part de grand matin,
    Se réveille, l'esprit rempli de rêverie,
    Et, dès l'aube du jour, se met à lire et prie !
    A mesure qu'il lit, le jour vient lentement
    Et se fait dans son âme ainsi qu'au firmament.
    Il voit distinctement, à cette clarté blême,
    Des choses dans sa chambre et d'autres en lui-même ;
    Tout dort dans la maison; il est seul, il le croit ;
    Et, cependant, fermant leur bouche de leur doigt,
    Derrière lui, tandis que l'extase l'enivre,
    Les anges souriants se penchent sur son livre.


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