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Ton poème
Ton poème, m’a dit l’enfant,
J’en ferai un petit bateau,
Et il ira si loin sur l’eau
En bavardant avec les vents,
Il contournera tant d’îlots
Qu’il rencontrera le cobra
Qui joue de la flûte d’ébène
Pour faire danser les rajas
Dont tu parles dans ton poème.
Maurice Carême
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La source
Le sommeil qui se pose sur les yeux de Bébé, quelqu'un sait-il d'où il vient ?
Oui, le bruit court que dans la forêt ombreuse il habite un village de fées, éclairé par les vers luisants. Là, deux boutons de pavot enchanté s'ouvrent comme en émoi : c'est de là que le sommeil part pour venir baiser les yeux de Bébé.
Le sourire qui palpite sur les lèvres de Bébé, quand il sommeille, quelqu'un sait-il où il est né ?
Oui, le bruit court qu'un rayon jeune et pâle du croissant de la lune effleura le bord d'une nuée d'automne prête à disparaître et là, dans le rêve d'un matin trempé de rosée, naquit le sourire qui palpite sur les lèvres de Bébé quand il sommeille.
La fraîcheur douce et veloutée qui s'épanouit sur les membres de Bébé, quelqu'un sait-il où elle a été cachée si longtemps ?
Oui, quand sa mère était jeune, la fraîcheur douce et veloutée qui s'épanouit aujourd'hui sur les membres de Bébé emplissait son cœur virginal : tendre et silencieux mystère d'amour !
Rabindranath Tagore(extrait de La mère et l’enfant)
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Le Berceau
Dans la chambre paisible où tout bas la veilleuse
Palpite comme une âme humble et mystérieuse.
Le père, en étouffant ses pas, s'est approché
Du petit lit candide où l'enfant est couché,
Et sur cette faiblesse et ces douceurs de neige
Pose un regard profond qui couve et qui protège.
Un souffle imperceptible aux lèvres, l'enfant dort,
Penchant la tête ainsi qu'un petit oiseau mort,
Et, les doigts repliés au creux de ses mains closes,
Laisse à travers le lit traîner ses bras de rosé.
D'un fin poudroiement d'or ses cheveux l'ont nimbé,
Un peu de moiteur perle à son beau front bombé,
Ses pieds ont repoussé les draps, la couverture,
Et libre maintenant, nu jusqu'à la ceinture,
II laisse voir, ainsi qu'un lis éblouissant
La pure nudité de sa chair d'innocent.
Le père le contemple, ému jusqu'aux entrailles...
La veilleuse agrandit les ombres aux murailles ;
Et soudain, dans le calme immense de la nuit,
Sous un souffle venu des siècles jusqu'à lui,
II sent, plein d'un bonheur que nul verbe ne nomme,
Le grand frisson du sang passer dans son cœur d'homme.
Albert Samain (extrait de La mère et l’enfant)
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L’oiseau de clarté
"Avec un morceau de journal,
Leur dit cet enfant peu banal,
Je fais un oiseau de clarté."
Il l'enferma dans une cage.
"Vous verrez, lorsque je crierai
Simplement le mot : liberté !
Mon oiseau blanc va s'envoler."
Les gens riaient un peu gênés
De crainte de le détromper.
Mais il fallut voir leurs visages
Lorsque l'enfant ouvrit la cage.
Maurice Carême
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