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Le langage de l’eau
" Un matin (nous étions au bord de la rivière), El Chura………… m'a pris par le bras et m'a soufflé à l'oreille :
- Aujourd'hui tu vas apprendre son langage. Elle a des choses à te dire.
- Comment apprendre le langage de l'eau, Chura ?
- Plonge ton visage dedans et écoute.
- Mais, Chura, je vais m'étouffer.
- Cesse de te raconter des histoires. Fais ce que je te dis.
Il a tourné les talons, et il est parti. Il n'était pas loin de midi. J'ai hésité à m'agenouiller là, sur la berge de la rivière. Quelqu'un pouvait à tout instant venir. Je craignais de passer pour un jobard si j'étais surpris à plonger ma tête dans le courant, le cul en l'air, comme un flamand rose. J'ai décidé de grimper dans la montagne, où je connaissais un petit lac.
D'un moment, sur le rivage, une sorte de timidité sacrée m'a retenu. Je craignais de faire du bruit. J'étais seul dans le silence de la montagne. Je devais accomplir un rite, et je me sentais maladroit. J'ai regardé l'herbe. Elle m'a dit : " Va, ce n'est pas grave, c'est un jeu." Je me suis accroupi, j'ai pris un grand coup d'air, j'ai enfoncé ma tête dans l'eau, lentement, et j'ai osé ouvrir les yeux. Le soleil, au fond, caressait le sable, et le sable scintillait. Des millions d'étoiles, au gré de la houle, naissaient, s'éteignaient, renaissaient ailleurs. Comme je contemplais cela, je me suis soudain senti prodigieusement vaste, sans questions, sans espoir, sans peur aucune, tranquille comme un dieu veillant sur l'univers. L'eau faisait à mes oreilles une rumeur d'océan. J'ai eu un instant la sensation que des mains amoureuses palpaient ma figure, mon cou, mon crâne. J'ai relevé la tête. J'ai retrouvé l'air du jour, le soleil. J'ai vu mon reflet tourmenté par la pluie de gouttelettes qui retombaient à l'eau. Je n'étais plus qu'un petit homme, presque rien. Je me suis frotté les yeux. La montagne, le ciel, l'herbe m'ont paru tout proches, complices, attentifs. J'ai plongé à nouveau et j'ai plongé encore jusqu'à m'enivrer de cette découverte : au-dedans j'étais un dieu, au dehors, j'étais un nain. Au-dedans j'étais en paix, au-dehors j'étais en doute. Je suis redescendu vers le village. El Chura m'attendait devant ma cabane. Je lui ai raconté ce qui s'était passé. Il m'a dit : - L'eau est une porte. Le vent, la pluie, la nuit, la neige, les pierres sont aussi des portes. Par n'importe laquelle de ces portes tu peux entrer dans la paix."
(Henri Gougaud, Les sept plumes de l'aigle)
http://www.henrigougaud.info
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Prière
Ah ! Si vous saviez comme on pleure
De vivre seul et sans foyers,
Quelquefois devant ma demeure
Vous passeriez.
Si vous saviez ce que fait naître
Dans l'âme triste un pur regard,
Vous regarderiez ma fenêtre
Comme au hasard.
Si vous saviez quel baume apporte
Au cœur la présence d'un cœur,
Vous vous assoiriez sous ma porte
Comme une sœur.
Si vous saviez que je vous aime,
Surtout si vous saviez comment,
Vous entreriez peut-être même
Tout simplement.
René-François Sully Prudhomme.
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Le Fromager
Le fromager appelé aussi kapokier est un arbre imposant, pouvant atteindre 40 mètres de haut (voire 60 m en Afrique). Son tronc lisse est couvert de grosses épines coniques et avec l'âge, il développe d'énormes contreforts épineux. Les branches horizontales sont en général étagées et très étalées. Il peut atteindre 300 à 400 ans
Les fleurs apparaissent avant l'apparition des feuilles (en janvier-février aux Antilles). La pollinisation est faite par les chauves-souris.
Le fruit est une capsule elliptique, ligneuse, pendante, de 10 à 30 cm de long. Il s'ouvre par 5 valves et laisse apparaître un duvet blanchâtre, cotonneux, nommé le kapok et des graines brunes. Le vent entraine au loin les flocons de kapok avec les graines.
Aux Antilles, il pousse dans les forêts mésophiles de bas-fonds et sur le littoral.
Jadis, les Antillais pensaient que le fromager était habité par des esprits appelés Soukougnan. Les Indiens Caraïbes préféraient éviter d'utiliser son coton car selon la légende leur sommeil en eut été hanté. Par contre, les premiers colons l'avaient largement adopté comme bourre pour les oreillers et les traversins.
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ceiba_pentandra
Aout n'étant pas la période de floraison, je n'ai pas de photos de la fleur ni du fruit.
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Prière au printemps
Toi qui fleuris ce que tu touches,
Qui, dans les bois, aux vieilles souches
Rends la vigueur,
Le sourire à toutes les bouches,
La vie au cœur ;
Qui changes la boue en prairies,
Sèmes d'or et de pierreries
Tous les haillons,
Et jusqu'au seuil des boucheries
Mets des rayons !
Ô printemps, alors que tout aime,
Que s'embellit la tombe même,
Verte au dehors,
Fais naître un renouveau suprême
Au cœur des morts !
Qu'ils ne soient pas les seuls au monde
Pour qui tu restes inféconde,
Saison d'amour !
Mais fais germer dans leur poussière
L'espoir divin de la lumière
Et du retour !
René-François Sully Prudhomme.
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