• Pensées de Pascal

     

    PENSÉES DE PASCAL

     

    Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer à un autre qu'il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. Il se contente de cela, car il voit qu'il ne se trompait pas, et qu'il manquait seulement à voir tous les côtés ; or on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne Veut pas s’être trompé ; et peut-être que cela vient  ce que, naturellement l'homme ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne se peut tromper dans le côté qu’il envisage ; comme les appréhensions des sens toujours vraies.

     

    On se persuade mieux, pour l’ordinaire par les raisons qu’on a soi-même trouvées, que par celles qui sont venues dans l’esprit des autres.

     

    Les rivières sont des chemins qui marchent, et qui portent où l’on veut aller. 

     

    La maladie principale de l’homme est la curiosité inquiète des choses qu’il ne peut savoir ; et il ne lui est pas si mauvais d’être dans l’erreur, que dans sa curiosité inutile.

     

    Il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose ; cette universalité est la plus belle. Si on pouvait avoir les deux, encore mieux, mais s’il faut choisir, il faut choisir celle-là, et le monde le sent et le fait, car le monde est un bon juge souvent.

     

    Il faut se connaître soi-même : quand cela ne servirait pas à trouver le vrai, cela au moins sert à régler sa vie, et il n’y a rien de plus juste.

     

    D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite pas, et un esprit boiteux nous irrite ? A cause qu’un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons ; sans cela, nous en aurions pitié et non colère.

     

    C’est sans doute un mal que d’être plein de défauts ; mais c’est encore plus grand mal que d’en être plein et de ne vouloir les reconnaître, puisque c’est y ajouter encore celui d’une illusion volontaire.

     

    Le temps guérit les douleurs et les querelles, parce qu’on change : on n’est plus la même personne. Ni l’offensant ni l’offensé, ne sont plus eux-mêmes.

     

    Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passion, sans affaire, sans divertissement, sans applications. Il sent alors son néant, son abondance, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de don âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir.

     

    Il y a du plaisir à voir deux contraires se heurter ; mais, quand  l’une est maîtresse, ce n’est plus que brutalité.

     

    Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous volons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable.

     

    Les belles actions cachées sont les plus estimables.

     

    La conduite de Dieu, qui dispose toutes choses avec douceur, est de mettre la religion dans l’esprit par les raisons, et dans le cœur par la grâce. Mais de la  vouloir mettre dans l’esprit et dans le cœur par la force et par les menaces, ce n’est pas y mettre la religion, mais la terreur.

     

    Entre nous et l’enfer ou le ciel, il n’y a que la vie entre deux, qui est la chose du monde la plus fragile.

     

    J’aurai bien plus peur de me tromper, et de trouver que la religion chrétienne soit vraie, que non pas de me tromper en la croyant vraie.

     

    Il faut mettre notre foi dans le sentiment ; autrement, elle sera toujours vacillante.

     

    La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute. La bonne crainte, jointe à l’espérance, parce qu’elle naît de la foi, et qu’on espère au Dieu que l’on croit ; la mauvaise, jointe au désespoir, parce qu’on craint le Dieu auquel on n’a point de foi. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le trouver.

     

    La foi dit bien ce que les sens ne disent pas, mais non le contraire de ce qu’ils voient. Elle est au-dessus, et non pas contre.

     

    Le cœur  a ses raisons, que la raison ne connaît point ; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l’être universelle naturellement, et soi-même naturellement selon qu’il s’y adonne ; et il se durcit contre l’un ou l’autre à son choix. Vous avez rejeté l’un et conservé l’autre : es-ce par raison que vous vous aimez ?

     

    C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. La foi est un don de Dieu.

     

    C’est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitiment persuadés. Mais ceux qui ne l’ont pas nous ne pouvons  la (leur) donné que par raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment de cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut.

     

    J’avoue bien qu’un Chrétien  qui croie sans preuve n’aura peut être pas de quoi convaincre un infidèle qui en dira autant de soi. Mais ceux qui savent les preuves de la religion prouveront sans difficultés, que ce fidèle est véritablement inspiré  de Dieu, quoiqu’il ne pût le prouver lui-même.

     

    Dieu  d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob,  le Dieu des chrétiens, est un Dieu d'amour et de consolation ; c'est un Dieu qui remplit l’âme et le  cœur de ceux qu'il possède ; c'est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère, et sa miséricorde infinie ; qui s'unit au fond de leur âme ; qui remplit d'humilité, de joie, de confiance, d’amour ; qui les rend incapables d'autre fin que de lui-même, tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ et qui s'arrêtent dans la nature, ou ils ne trouvent  aucune lumière qui les satisfasse, ou ils arrivent à se  former un moyen de connaître Dieu et de le servir sans  médiateur, et par là ils tombent ou dans l’athéisme  ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion  chrétienne abhorre presque également.

     

    Les prophéties, les miracles mêmes et les preuves de notre religion ne sont pas de telle nature qu’on puisse dire qu’ils sont absolument convaincants. Mais ils le sont aussi de telle sorte qu’on ne peut dire que ce soit être sans raison que de le croire. 

     

     


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