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Paysage de mon amour
Paysage de mon amour
Tout entier dans ce village
Dont je défais journellement
Les liens de chanvre et de fumée
Tuiles baignées de tourterelles
Qui chantez sous la main du soir
Écailles des saisons nouvelles
Plaques tournantes de l’espoir
Prairies des peintres du dimanche
Passerelles des bois dormants
Ô bêtes qui remuez les hanches
Dans un long rêve de froment
Et toi rivière sous les saules
Blanche fenêtre caressée
Par une truite et mon épaule
Et tous les jours qui sont passés
Je crois en vous en toutes choses
Qui par souci de vérité
Parlent pour moi trouvent réponse
Dans la raison de mon silence.
René Guy Cadou
Lanzarote.
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Les valeurs de l'hospitalité sont essentielles »
Saïd Oujibou, pasteur protestant évangélique à Paris.
Ma famille et moi sommes venus en France pour rejoindre mon père, dans le cadre du regroupement familial. Nous venions du Maroc, et lorsque nous avons atterri dans les Vosges en février 1972, je n'avais que trois ans. Mais la rupture brutale entre la fraternité ouverte que nous vivions au bled et les regards méfiants de la population française reste gravée en moi.
L'islam était notre religion. Les seuls chrétiens qui osèrent frapper à notre porte furent nos voisins du dessous qui, alors que ma mère venait d'être hospitalisée, proposèrent de garder mes petits frères et sœurs. J'avais treize ans, et c'était la première fois que je voyais une famille française offrir de nous aider. Leur relation au Christ et l'amour du prochain qui en découlait m'ont peu à peu conduit sur le chemin de la conversion.
Pour le Marocain que je suis, l'hospitalité est inscrite dans mon ADN. C'est un honneur et une joie d'accueillir l'étranger, parce qu'à travers lui, c'est un peu Dieu qui vient à moi. Ma paroisse à Paris est une casbah évangélique ouverte à toutes les communautés du quartier. À n'importe quelle heure, pour chaque personne qui arrive, on réitère la cérémonie du thé comme au Maroc, et on s'intéresse à la personne tout entière et à sa famille.
L'Occident a besoin de redécouvrir ce qu'est la véritable hospitalité, parce qu'on ne sait plus prendre soin des gens juste pour ce qu'ils sont : des humains comme nous. Les valeurs de l'hospitalité sont essentielles pour toute la société et pas uniquement à enseigner aux étudiants qui se destinent au commerce international. Dans notre monde où elles sont souvent remplacées par de l'assistanat, psychologique ou associatif, j'estime que c'est à chacun de les incarner. La parabole du Samaritain nous concerne tous, parce que l'hospitalité est d'abord biblique avant d'être culturelle. Dieu nous demande de tendre la main à l'étranger, et notre façon d'accueillir, par le regard ou le geste, révèle nos qualités spirituelles et notre conviction.
Extrait des Cahiers croire n° 272, novembre 2010. Propos recueillis par Evelyne Montigny.
Photo : Renal
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Mélopée d’été
Crissent les cigales,
Frémit le citronnier,
Dans la buée saumonée.
Bourdonnent les abeilles
Autour du chèvrefeuille.
La lavande en sillons
Jusqu’aux cyprès se fond.
A l’ombre feuille morte
Les enfants complotent.
Le ruisseau chuchote leur épopée.
Rolande Causse
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"En Chine, la vie quotidienne était dure..."
Bin Wang, pianiste.
En Chine, on ne reçoit chez soi que des gens qu’on connaît. Aussi, quelle n’a pas été ma surprise de voir un étranger accueillir une dizaine de Chinois chaque jour pour déjeuner ! La vie quotidienne était dure, il y avait beaucoup de misère. Jean de Miribel (installé en Chine en 1972, décédé en 2015), professeur l’Université des études internationales de X’ian, ma ville natale, passait son temps à aider les autres. Il donnait de l’argent à tel étudiant pour qu’il puisse passer ses concours. Il distribuait des manteaux pendant l’hiver qu’il achetait avec sa maigre retraite. Il ne demandait jamais rien pour lui. Il se nourrissait très simplement de nouilles, de thé rouge et de lait en poudre. Il gardait tout le reste pour les autres. Pour nous tous, c’était un saint homme. « Bin, que puis-je faire pour toi ? », m’a-t-il demandé la première que nous nous sommes rencontrés. Cela m’a beaucoup touchée. Je me demandais : mais d’où lui vient cette force, cet amour pour les autres ? Moi qui ai grandi sous le drapeau rouge, je ne savais pas ce qu’était un prêtre, encore moins un catholique. Au fil des ans, Jean de Miribel est devenu un père spirituel pour moi qui ai perdu mon propre père pendant la révolution culturelle. C’est sa bonté qui m’a poussée à demander le baptême dans l’Église catholique. Après mon installation en France en 1991, je me rendais en Chine chaque année. Pour son anniversaire, j’organisais, quand c’était possible, un concert en son honneur chez moi. Il aimait Mozart. Mais l’été dernier, il était trop faible, il ne pouvait plus parler. Alors, quand je l’ai vu chez lui, j’ai joué sur son bras le début de « Ah vous dirais-je maman ». Il a souri et moi j’ai pleuré. Il est mort quelques heures plus tard. Quand je rencontre des difficultés, je pense à lui et cela me redonne de la force. Grâce à lui, j’ai découvert le vrai sens de la vie : l’important, ce n’est pas la richesse ou le luxe mais d’aider les gens autour de soi.
Extrait des Cahiers croire n° 303, janvier 2016. Propos recueillis par Gilles Donada.
Photo Renal
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