• Socrate Jésus Bouddha »

     

    EXTRAIT DU LIVRE DE FRÉDÉRIC LENOIR  « Socrate Jésus Bouddha »

     

    « La vrai question qui se pose à nous est la suivante : l’être humain peut-il être heureux et vivre en harmonie avec autrui dans une civilisation entièrement construite autour d’un idéal de l’ « avoir » ? Non, répondent avec force le Bouddha, Socrate et Jésus. L’argent et l’acquisition de biens matériels ne sont que des moyens, certes précieux, mais jamais une fin en soi. Le désir de possession est, par nature, insatiable. Et il engendre frustration et violence. L’être humain est ainsi fait qu’il désire sans cesse posséder ce qu’il n’a pas, quitte à le prendre par la force chez son voisin. Or, une fois ses besoins matériel essentiels assurés : se nourrir, avoir un toit et de quoi vivre décemment, l’homme a besoin d’entrer dans une autre logique que celle de l’ « avoir » pour être satisfait et devenir pleinement humain : celle de l’ « être ». Il doit apprendre à se connaître et à se maîtriser, à appréhender le monde qui l’entoure et à le respecter. Il doit découvrir comment aimer, comment vivre avec les autres, gérer ses frustrations, acquérir la sérénité, surmonter les souffrances inévitables de la vie, mais aussi se prépare à mourir les yeux ouverts. Car si l’existence est un fait, vivre est un art. Un art qui s’apprend, en interrogeant les sages et en travaillant sur soi.

    « Parmi les points communs de leur vie, l’un d’entre eux est assez singulier et mérite d’emblée d’être souligné : le Bouddha, Socrate et Jésus n’ont laissé aucune trace écrite. »

     

    « Le Bouddha, Socrate et Jésus sont les fondateurs de ce que j’appellerais un « humanisme spirituels»

     

    « Les enseignements de Bouddha, Socrate et Jésus ont traversé les siècles et les millénaires sans prendre une ride. Cela s’explique très certainement par l’exemplarité de leur vie, par le caractère profondément novateur de leur pensée en regard des opinions dominantes de leur époque et par la portée universelle de leur message. Il me semble cependant qu’un autre facteur a contribué au rayonnement de leur pensée et de leur personnalité aussi bien auprès de leurs disciples immédiats qu’auprès de tous ceux qui les ont aimés et suivis à travers les siècles. Ce facteur, c’est l’art d’enseigner, qu’ils ont porté à la perfection. »

     

    Leurs discours frappaient ceux qui les écoutaient non parce qu’ils étaient des orateurs exceptionnels ayant acquis une technique quelconque, mais parce qu’ils savaient parler un langage de vérité et qu’ils trouvèrent les mots pour exprimer une authentique expérience de la sagesse

     

    Chacun pourtant avait sa manière propre de discourir et d’enseigner : Socrate à travers le questionnement et l’ironie, Bouddha, par l’autorité de ses sermons et son regard acéré sur le monde, Jésus, par la force mêlée de douceur de ses enseignements et de ses gestes. Et tous trois ont traversé les siècles en raison de ce parfum d’authenticité et de cette exigence de vérité qui se dégagent de leur vie et de leurs paroles

     

    La recherche de la vérité conduit à la vraie liberté : liberté de l’individu qui s’émancipe à l’égard de la tradition, de l’autorité ou des opinions dominantes de la société ; mais aussi surtout liberté intérieure de l’être humain qui apprend, grâce à cette vérité, à se connaître et à se dominer

     

    « C’est à chaque individu que s’adresse Socrate, c’est sur chaque individu qu’il parie en affirmant que chacun peut se parfaire, devenir vertueux et sage. Car pour lui la voie de la vertu et de la sagesse est, celle de la connaissance. Socrate est convaincu qu’un homme éclairé, un homme qui  « se connaît lui-même », ne peut pas choisir le mal. »

     

    « Jésus appelle ses disciples au même retournement ; « Le Royaume de Dieu est à l’intérieur de vous » proclame t-il. Il les incite à aller vers eux-mêmes, à chercher Dieu et la vérité au plus profond de leur cœur et de leur conscience, et non pas simplement à travers l’observance du rite. »

     

    « Jésus dit : le véritable temple, c’est le for intérieur de l’être humain, son cœur et son esprit où il rencontre Dieu. Et c’est en écoutant la voix intérieure de sa conscience éclairée par l’Esprit de Dieu qu’il agira de manière vraie, juste et bonne. »

     

    Mais au-delà de la liberté de choisir, le Bouddha, Socrate et Jésus insistent sur un point essentiel : la véritable liberté intérieure, celle que l’on acquiert progressivement en faisant un travail sur soi, en progressant dans la connaissance, en écoutant la voix de l’Esprit. Si ces trois maîtres de sagesse entendent libérer l’individu des chaînes du groupe et du poids de la tradition, ce n’est pas simplement pour le rendre politiquement autonome. C’est pour qu’il puisse accomplir un chemin de libération intérieure. Car aussi précieuse soit-elle, la liberté politique ne sert à rien si elle ne permet pas à chacun, par ce cheminement personnel, de sortir de l’esclavage le plus profond qui soit ; pour Socrate l’ignorance, pour Jésus, le péché ; pour le Bouddha, le désir-attachement.

     

    Aux yeux de Bouddha, en effet, la vraie liberté est celle que chaque être humain doit acquérir en combattant ses passions, ses désirs, ses envies, qui sont, de son enseignement, nous l’avons vu, tient en ces quatre vérités sur la soif et l’attachement qui lient l’individu à la ronde infernale des renaissances.

     

    Pour Socrate, le pire des maux n’est pas le désir-attachement, mais l’ignorance. C’est elle qui est cause de tous les maux : l’erreur, l’injustice, la méchanceté, la vie déréglée toutes choses qui font du tort à autrui, mais surtout à soi-même. C’est par ignorance, en somme, que les hommes font leurs propres malheurs. » Il est donc de toute nécessité, que l’homme tempéré qui, ainsi que nous l’avons vu, sera juste, courageux et pieux, soit un homme parfaitement bon, et que l’homme bon agisse bien et noblement dans tout ce qu’il fait, et que celui qui agit bien connaisse félicité et bonheur ; et que le méchant qui agit méchamment soit malheureux (Gorgias,507bc-c7)  

     

    Le message de Jésus entre encore une fois en résonnance avec ceux de Socrate et de Bouddha : «  Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera » promet-il à ceux qui l’écoutent (Jean, 8, 33-36)  

     

    Profonde similarité entre l’enseignement de Jésus et ceux de Socrate et du Bouddha : la gravité du péché n’est pas liée à la faute en soi, mais à l’intention qui y préside, et à son caractère plus ou moins volontaire. Plus la faute est consciente et intentionnelle, plus elle est lourde et asservit celui qui la commet à ses pulsions, à ses passions, à son orgueil ou à sa son égoïsme. A l’inverse, lorsqu’on commet une faute par ignorance ou par passion aveugle, elle est davantage pardonnable.

     

    Le Bouddha, Socrate et Jésus s’accordent donc pour affirmer que l’homme ne naît pas libre, qu’il le devient. Il le devient en sortant de l’ignorance, en apprenant à discerner le vrai du faux, le bien du mal, le juste de l’injuste ; en apprenant à se connaître, à se maîtriser, à agir avec sagesse. Et pour Jésus, cette formation n’est pas seulement morale, elle ne s’acquiert pas seulement par l’éducation, l’expérience, la connaissance rationnelle, mais aussi par la foi et par la grâce divine qui instruit tout être humain en son propre cœur.

     

    Quel est le couronnement de la vie morale et spirituelle, l’essentiel qui doit être mis en pratique ? Pour Socrate la vertu suprême est la justice. Pour Bouddha, la compassion. Pour Jésus, l’amour.

     

    Le plus grand de tous les maux affirme Socrate : est de commettre une injustice. Commettre l’injustice est en effet le pire des crimes : non seulement parce qu’il rend impossible la vie en société, mais aussi parce qu’il souille l’âme de celui qui la commet. Un homme qui a découvert la vérité, un homme bon, un homme vertueux, ne peut être injuste et se doit de se plier aux lois de la cité. Il faut mieux subir l’injustice que de la commettre.

     

    On ne peut qu’être troublé devant la similitude entre la mort de Socrate et celle de Jésus : l’un et l’autre auraient pu fuir, et ont refusé. L’un et l’autre ont accepté de subir une injustice morale et une sanction aussi terrible qu’injuste pour ne pas se soustraire à la justice politique de la cité. L’un comme l’autre s’en remettent aux Dieux ou à Dieu comme seule véritable instance de jugement.

     

    Pour Socrate, tous les citoyens sont égaux devant la loi. Le Bouddha affirme que chaque individu subira la loi de rétribution du Karma, quelle que soit sa condition. Et pour Jésus, tous les êtres humains sont égaux devant Dieu, qui les jugera non en fonction de leur statut social, ou même de leur religion, mais uniquement d’après l’intention de leurs actes et leur amour du prochain.

     

    L’enseignement de Socrate, Bouddha et Jésus a aussi une dimension égalitaire : tout être humain peut effectuer un chemin spirituel, chercher la vérité, devenir libre, accéder à la connaissance véritable et au salut ; nous sommes tous égaux face à l’énigme de l’existence, face à la mort, face à la nécessité et aux difficultés de se connaître et de travailler sur soi.

     

    Pour le Bouddha et pour Jésus, il y a une double vertu plus importante encore que la justice : l’amour désintéressé et la compassion.

     

    Jésus montre que l’amour et la compassion sont au-dessus de la justice. Il faut certes qu’il y ait des règles, des lois, de bornes, et nulle part il n’en conteste la nécessité, amis pour lui, l’application de la justice doit se faire avec miséricorde, en tenant compte de chaque personne, de son histoire, du contexte, mais aussi de l’intention, de ce qui se passe dans l’intimité de l’âme, que nul ne peut sonder et encore moins condamner de l’extérieur.

     

    L’amour comme le soutient Socrate, est un élan, une force qui nous meut, mais elle n’est en rien une vertu, puisque la vertu est un couronnement, une qualité stable de l’âme. L’amour peut conduire au meilleur comme au pire. On peut se sacrifier par amour, on peut aussi tuer par amour. On peut s’attacher par amour à ce qui nous fait du mal comme à notre plus grand bien. L’amour en soi n’est ni un vice, ni un bien ni un mal. L’amour est cette force universelle aveugle qui nous pousse sans cesse à rechercher quelque chose qui nous manque, et qui demande à être éduquée, maîtrisée et ordonnée.

     

    Jésus affirme que Dieu aime tous les hommes d’un amour totalement désintéressé et inconditionnel. Et son amour devient le modèle dont les hommes doivent s’inspirer pour aimer Dieu et leur prochain.

     

    Jésus explique que, lorsque l’amour divin, donné par grâce avec la           coopération de l’homme, s’enracine dans les cœurs, il cesse d’être un effort. Il coule telle « une source vive », il rend libre, heureux, joyeux. Ce n’est plus le plaisir lié à la satisfaction du désir. C’est la joie du don. Une expérience que chacun peut faire : la joie de donner gratuitement, sans rien attendre en retour, pas même un remerciement ou un signe de gratitude.

     

    Le propre de l’égoïsme, qui est universel, c’est de toujours vouloir s’affirmer davantage, quitte à dominer l’autre ; c’est la volonté d’affirmation de soi et de  puissance qui est à l’origine de toutes les tyrannies et de toutes les guerres.

     

    La compassion du Bouddha est encore plus universelle que celle du Christ, puisque c’est à tout être vivant que s’adresse son enseignement salvateur. En cela, il va plus loin que Jésus et Socrate, qui demeurent cantonnés à un horizon anthropocentrique. L’une des conséquences qui découlent de la pensée du Bouddha est un profond respect pour les animaux et la nature dans sa totalité. Ce respect qui imprègne la tradition bouddhiste est loin d’être partagé par la tradition occidentale grecque et judéo-chrétienne, où la compassion à l’égard de la souffrance animale est quasi absente

     

    Pour conclure ce livre, je pourrais dire que Socrate, Jésus et Bouddha ont été mes trois principaux éducateurs. Loin de s’opposer, ils n’ont cessé, dans mon esprit et dans ma vie, de renvoyer l’un à l’autre. Chacun à sa manière, ils m’ont donné la force de vivre pleinement, les yeux ouverts, en communion joyeuse ave tant d’autres humains de culture et de religions diverses. Ils m’ont aussi appris à accepter mes limites et mes pauvretés, tout en me montrant sans cesse la voie d’un nécessaire progrès. La vie est courte, mais le chemin de la sagesse est long ! Dans la vision de sagesse qui est celle de nos trois maîtres, le vrai et le bien coïncident.  La connaissance  du vrai n’a de sens que si elle nous permet d’agir de manière bonne. C’est pourquoi les messages du Bouddha, de Socrate et de Jésus, est, de manière ultime, un message éthique. Une vie réussie est une vie qui  a mis la vérité en pratique. D’où l’importance de leur propre témoignage : ils ont marqués des générations d’homme et de femmes, et s’ils sont encore si crédibles à nos yeux, c’est parce qu’ils ont mis lémur enseignement en pratique. Ils ont témoigné par leurs actes de pertinence de leur message. Et ce qui importe le plus pour eux, c’est la transformation de leurs auditeurs..

     

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