• Poemes de maurice carême au creux de l'ombre

    Au creux de l’ombre

     

    Pour épargner l’huile et la mèche,

    On n’allumait jamais la lampe

    Avant que le soir, bien à l’aise

    Se fût installé dans la chambre.

     

    Le buffet était le premier

    A entrer sans façon dans l’ombre

    Qui allait faire ressembler

    La cuisine à un autre monde.

     

    Puis c’était la table où les bols

    De lait mettaient une pâleur

    Etrange et pleine de douceur

    Où semblaient passer des lucioles ;

     

    Par les fentes de son couvercle,

    Le poêle, comme un magicien,

    Faisait naître partout des cercles

    Scintillants et mourant sans fin.

     

    De ma mère, je ne voyais

    Plus que les mains continuant

    Malgré l’obscurité croissant

    A faire ce qu’elle devait.

     

    Et, tranquille, je restais là

    Si bien caché au creux de l’ombre

    Que l’on aurait pu me confondre

    Avec tout ce qui était là.

    Maurice Carême

    (Extrait de  « Souvenir »)

     

    sam_0064

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