• Maurice ZUNDEL

    EXTRAIT DU LIVRE DE BERNARD DE BOISSIERE  ET France MARIE DE CHAUVELOT 

     

    « Maurice Zundel »

     Car il n'y a rien dans ce monde qui soit profondément mauvais ; tout dans ce monde peut être transfiguré, tout dans ce monde peut revêtir la splendeur de Dieu, tout dans ce monde peut devenir entre nos mains une offrande diaphane de lumière et d'amour. La Vierge est donc pour chacun de nous un élément virginisant, c'est-à-dire qu'elle crée en nous le vide, elle suscite en nous cet espace illimité où Dieu se donne, elle permet d'accueillir les autres, elle permet de transformer leur vie en des vases très beaux et nous ramène toujours à cette pauvreté qui est au cœur de 

     

    ’Évangile comme elle est au cœur de la divinité1... »   «L'Évangile n'est pas comme une doctrine... mais comme une amitié divine : "Ce que vous avez fait au plus petit d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait"... Le dernier mot de l'Évangile c'est l'homme parce qu'il n'y a pas d'autre sanctuaire de la divinité. » 

     

    Pour Zundel, tout homme est le chemin de Dieu. Dès lors, à chaque rencontre, et cela tout au long de sa vie, il se fera attentif à la manifestation divine que chacun recèle, donnant à l'interlocuteur sensible l'impression unique d’être mis en contact avec son propre sanctuaire intérieur. « L'important c'est qu'il règne et que sa joie et sa beauté se reflètent sur le visage de ses créatures. C'est à quoi il faut nous employer de toutes nos forces.

     

    Il lui souhaite tout particulièrement d'acquérir la paix du cœur, «celle qui tient de la présence de Jésus, et qui malgré tous les orages intérieurs, nous maintient dans notre calme et domine nos sens, comme un phare promène sa lumière tranquille sur la mer démontée », invitant son ami à développer « ce sublime ornement chrétien » : la pureté. Lui-même s'y maintient fermement : « L'amour qui pour l'instant m'occupe, qui probablement durera autant que moi-même, c'est un amour sublime, grand, immense, auquel l'objet aimé correspond et est infiniment aimant et infiniment fidèle. Cet Amour, je me permets d'y mettre un grand A, c'est l'Amour de Dieu1. » 

     

    Le seul moyen de vaincre la timidité est de s’oublier et de se perdre de vue, en s’effaçant en Dieu. C’est aussi bien le chemin de toute grandeur. 

    Dieu ne peut se manifester qu'en transparence, à travers une expérience humaine et cette expérience est d'autant plus parfaite que l'être est plus dépouillé. Le grand homme est celui qui n'est pas accroché à son moi, mais qui gravite autour d'une Présence en lui et se dépasse dans les autres. Le dépouillement qui constitue la grandeur de Dieu réalise celle de l'homme. 

    Il est en effet impossible de découvrir Dieu ailleurs que dans le phénomène humain. C'est à travers l'expérience humaine que Dieu se fait jour : la fraction du pain est l'aboutissement le plus pathétique de l'itinéraire qui rejoint le commencement. 

    Qui se donne à Dieu, devient capable de donner Dieu. 

     

    On n'est libre qu'en aimant. Et cette liberté est si chère à Dieu qu'il a voulu nous laisser libres de ne pas L'aimer, qu'il nous a laissés courir ce risque, pour nous laisser tout le mérite d'un amour libre. Il faut nous effacer tellement devant Dieu que les âmes ne voient plus en nous que Lui : le Père, l'Amour. 

     

    L'essentiel est de montrer Dieu, non pas comme une solitude égoïste, repliée sur elle-même, mais une  Générosité  en  perpétuelle  expansion,  la  Divinité n'ayant prise sur son acte qu'en le communiquant. Il y a là un dépouillement infini qui est l'exemplaire éternel de la Pauvreté selon l'Esprit. C'est la suprême confidence de l’Amour qui n'est qu'Amour. La création ne pourra jaillir de cette intimité, qui est altruisme, pur élan vers l'autre, que par un débordement d'amour : pour susciter un amour qui ramènera de quelque manière, tout le créé à cette intimité

     

    Dieu est le Soleil qui ne cesse de luire. L'homme est la maison toujours baignée de Soleil, mais dont les volets peuvent être fermés. S'ils sont fermés, la lumière n'entre pas, mais ce n'est pas la faute du Soleil.

     

    C'est donc l'homme qui est le principe et le créateur de son enfer, qui est son enfer, quand il se bloque en soi en se fermant à Dieu, en se livrant, du même coup, au déchaînement des forces extérieures qu'il avait mission d'intérioriser. »

     

    La Connaissance est une vie et la vérité une Personne. La vérité est une personne avec laquelle il est véritablement possible de communiquer, mystère qui fait que lorsque deux personnes se parlent en vérité, un courant passe. Ce courant c’est l’Esprit. Il vient animer la relation, la rendre vivante.

     

    Dieu intérieur à nous-mêmes, plus Intime à nous-mêmes que nous-mêmes. » « Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous, vous êtes le tabernacle vivant où Dieu demeure. »

     

    « L'univers est un cadeau, il suppose un échange : Dieu a besoin de notre oui. Il ne peut sauver le monde tout seul. Dieu a infiniment besoin de nous parce qu'il est amour. Le sens de notre vie c'est de sauver Dieu en nous. Nous sommes habités par une présence, la vie se poursuit à travers notre oui Il est le visage que chacun reconnaît dans son cœur, l'espace d'amour qui nous transfigure. On ne peut pas le représenter. On peut le découvrir, le rencontrer, naître à nouveau, devenir une autre existence, un immense espace d'amour, comme est le Dieu vivant. Nous Le reconnaîtrons quand nous serons devenus son Visage. Dieu se confie à nous : Je suis toi. »

     

    Cela explique que Zundel, intellectuel reconnu et apprécié, n'ait pas cherché à établir de contacts particuliers avec les grands esprits de son temps, se contentant le plus souvent de les rencontrer dans leurs œuvres. En chacun,  qu'il  soit philosophe,  savant  ou  clochard, il y recherche le désir de Dieu, la conscience de la souffrance ' de Dieu. Les trouver est sa plus grande joie.

     

     

    « Dieu n'attend rien moins de chacun que de s'atteindre à soi-même, en se débarrassant de notre moi préfabriqué pour devenir créateurs de nous-mêmes. Il nous invite à la dignité divine, dans un respect infini de notre liberté. Loin de nous juger, il attend de nous d'être aimé et souffre de ne pas être aimé1. »

    À ceux et celles qui se demandent comment ils vont pouvoir cheminer sans lui, Zundel répond : « II faut écouter cette voix en vous, c'est la réponse à tout. Il faut écouter la voix intérieure, il y a toujours Quelqu'un, quelqu'un qui sait, il faut seulement apprendre à l'écouter. » 

     

    « Mon dieu cachez-moi dans votre lumière, rendez-moi transparent à votre présence et apprenez-moi à être le sourire de votre bonté ». Jusqu’à ce qu’elle devienne un axe de vie. « Chacun est  appelé à devenir transparent  à la lumière, à l’amour et à la vérité. »

     

    Où est le vrai Dieu ? Il est en nous, c'est là seulement que nous pourrons le trouver. Et comment savoir quand c'est Lui et pas Lui ? Quand ce n'est plus nous, quand nous nous oublions. Là où est l'Amour, la bonté, c'est là que Jésus est. Il faut que nous sentions que Dieu a besoin de nous. Quand nous sommes tout élan, nous sentons bien que nous sommes la créature de ce Dieu intérieur. Dès que nous nous regardons, nous ne sommes plus de ce Dieu-là. Un sourire, c'est la chose la plus importante, c'est ce qui crée la vie. Si vous cessez de sourire, vous tuez la vie, plus de joie, plus de communication. Quand je suis le sourire d'amour, je sais que je nais du Dieu intérieur ; dès que j'échappe au sourire de la bonté de Dieu, je ne suis plus qu'un paquet1.

     

    « Comme elle est fragile cette paix et comme il faut la porter en nous dans le silence de Dieu. Je sens toujours plus fort que c'est en ne faisant pas de bruit avec nous-mêmes, en écoutant, dans cette région silencieuse où notre vie s'enracine en Dieu que la Voix de l'Amour se fait entendre et que notre âme peut devenir universelle, en échappant à toute limite et à toute frontière. L'unique nécessaire dont Jésus parlait à Marthe, c'est cela : écouter, et devenir l'hostie silencieuse qui laisse rayonner la présence de Dieu. C'est cette vie de Dieu qu'il faut sauver : que tous les hommes, tous les peuples, que chacun de nous est appelé à sauver. C'est cette charge, cette maternité divine, ce souci d'exprimer et de communiquer Dieu qui doit faire fleurir le désert et germer la Paix2. »

     

    ZUNDEL PAR CEUX QUI L’ONT CONNU

     

    On a vu suivre Zundel les auditoires les plus variés. Chrétiens, juifs et musulmans, croyants aussi bien qu'incroyants, marxistes et anarchistes, philosophes, artistes et moins cultivés, jeunesses de tout bord. Certains ne pouvaient l'accompagner jusqu'au bout de sa démarche, mais, chose extraordinaire, ils demeuraient à l'écoute parce que le témoin qui leur parlait était identique à sa pensée

     

    Je n'ai jamais entendu l'abbé Zundel, non pas dire du mal de quelqu'un, mais avoir une réflexion désobligeante ou désagréable. Jamais ! Cela n'existait pas. 

    Ce qui me frappait le plus, c'était de me confesser à

    Lui. Cela sortait tellement du commun, quand il vous

    disait : « Soyez le sourire de Dieu », c'est toute une vie.

    Le monde, pour garder l'espérance, a besoin que nous

    soyons pour lui le sourire de Dieu, alors soyez ce sourire.

     

    Il avait une telle culture aussi. Il rendait les gens intelligents. Il partageait comme si vous aviez toute sa culture. C’était merveilleux, je dois dire. On ne se sentait jamais diminué ou ignorant.

     

    Je me trouvais en présence d’un être tout de douceur, de don, un sourire merveilleux. Mais ce qui m’a  frappée ; c’est son regard. Je n’avais jamais vu quelqu’un regarder à l’intérieur et qui vous communiquais quelque chose uniquement par le regard, avec une douceur, une discrétion. Ah ! J’étais complètement émerveillée.

     

    Dés qu’il voyait quelqu’un, ce qui l’intéressait c’était de savoir si le travail allait bien, comment allaient les enfants. Que la personne soit croyante ou pas lui était égale. C’est l’affaire de Dieu. Mais lui, s’il y avait quelque chose à faire, il le faisait.

     

    Jamais je n’ai vu Zundel dans un état de stress, jamais. C’était un homme d’une sérénité absolue.

     

    Je crois que ses silences étaient, pour lui, et selon les cas, une prière, une attente du plus intime et du plus vrai de « L’Autre », une grande force et une sorte de défense. Il était émotif et sensible à l’extrême. Il craignait de faire de la peine de blesser et aussi d’être blessé. Le silence était chez lui une façon de se dominer.

     

    Le Père avait ce don d’écoute et d’identification avec l’autre, extraordinaire, tel qu’en somme il se mettait à l’intérieur de l’autre, essayait d’épouser tous ses sentiments.

     

    Je n'oublierai jamais son regard. C'est un regard d’aigle, d'une pénétration, d'une acuité, ce regard intérieur et qui, en même temps, transperce avec douceur, avec douceur... par une espèce de charisme. Vous êtes avec lui, et déjà il vous a pénétré par son regard et saisi intérieurement..

     

    Ce que le père avait vraiment, un don que je n’ai  jamais retrouvé chez personne : le don de vous libérer de  toutes vos angoisses, de tous vos soucis, de votre tristesse, de votre désespoir, et de vraiment vous porter au paradis  C'était une transfiguration de tout l'être.

     

     

    Zundel ne parlait jamais de sa foi, mais il la vivait. Même un incroyant croyait Zundel. Avec l'abbé Zundel, on n'avait pas de carte d'identité. Que l'on soit princesse, pauvre ou hippie, il avait le même respect. 

     

    Son accueil ? Inoubliable, unique ! Avec ce sourire et ce regard qui lisait en vous. Son extrême douceur, son souci de ne pas risquer l'ombre d'une égratignure envers cette âme qui s'ouvrait à lui. Son silence est peut-être né de ce respect absolu de l'autre. Ce silence où un geste, un signe remplaçaient souvent une réponse : inclinaison de tête, sourire. Un silence persistant pouvait inciter à chercher mieux en soi et à découvrir l'essentiel.

     

    Maurice ZUNDEL 

    Maurice ZUNDEL


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