• « Le trésor intérieur »

     EXTRAIT DU LIVRE D’ANSELM GRÜN 

    « Le trésor intérieur » 

     

    Anselm Grün est moine à l'abbaye bénédictine de Münsterschwarzach depuis l'âge de 19 ans. 

    Dans les années 1970, il découvrit la tradition des moines de l'Antiquité et entrevit leur signification nouvelle, en lien avec la psychologie moderne. Après ses études de philosophie, de théologie et d'économie, il est cellérier depuis 1977, ce qui fait de lui le directeur financier et le chef du personnel de l'abbaye. 

    C'est un auteur chrétien de renommée internationale. Son succès a pu être attribué au fait que ses ouvrages s'inspirent de sagesse chrétienne sans s'embarrasser de la dureté des dogmes de la foi. 

                         

    "Les moines des premiers temps disent que l’ambition pousse le jeune moine à exercer la discipline et à lutter contre ses passions. Elle me stimule à un travail soigné : elle m’incite à beaucoup lire et à bien me préparer à la prédication. En un sens, nous avons besoin de cette ambition. Mais elle peut devenir un piège si je veux me pousser toujours d’avantage et faire tout à la perfection. Elle devient alors une pression qui m’affecte. Dans ce cas, il ne s’agit plus de Dieu, mais uniquement de moi et de ma réputation." 

     

    "Dans la parole d’un être humain, nous reconnaissons s’il aime, s’il porte sur lui un regard sincère et s’il est en paix avec lui-même, ou en revanche s’il se méprise ou se montre impitoyable. Parfois la parole de certains théologiens m’effraie. Par pur intellectualisme, ils ne reconnaissent pas qu’ils se contentent de se dire eux-mêmes. Et trop souvent s’exprime un cœur encombré, confus et amer." 

     

    "Les états de découragement ne me sont pas étrangers. Même si j’ai souvent confiance en moi se produisent aussi des phases où j’ai peur de savoir si je ne me surcharge pas trop. Dans ce cas, je ne tente pas de lutter contre ce découragement, mais je l’envisage comme un défi, m’invitant à réfléchir sur mes propres critères, à réduire mes attentes pour me jeter totalement dans les bras de Dieu" 

     

    "Il est essentiel qu’il y ait une liaison étroite entre le plan spirituel et le plan thérapeutique. La thérapie aide à se libérer des mauvais schémas de vie qui manquent aussi la vie spirituelle. La spiritualité aide à voir dans les blessures une chance de rencontrer Dieu et de s’ouvrir aux autres de façon nouvelle." 

     

    "La spiritualité bénédictine est caractérisée par la nostalgie de l'Église des premiers siècles et par une communion dans l’Esprit de Jésus Christ. Il faut la pratiquer de manière concrète en se témoignant du respect les uns pour les autres et en adoptant un mode de communication de bon aloi. Quand on vit ensemble, on ne peut se camoufler derrière aucune idéologie : il faut que l'être humain se montre tel qu'il est. Et on le comprend: on ne peut tenir ensemble que si l'on est miséricordieux les uns envers les autres et envers soi-même. 

    La seconde mission des Bénédictins est de traduire dans notre époque la spiritualité des premiers moines et des Pères de l'Église pour annoncer, contre des courants moralisants, une spiritualité qui mène à l'expérience de Dieu et qui invite également à une sincère rencontre avec soi. Saint Benoît a placé cette quête de Dieu au centre de sa spiritualité. Je considère qu'il est de notre devoir de tenir ouverte dans notre société la question Dieu et de ne pas mentir aux hommes. 

    La spiritualité bénédictine est une spiritualité concrète qui prend cette terre au sérieux, qui se traduit concrètement et qui de la sorte devient visible et viable aux yeux des autres, qui relativise toutes les envolées spirituelles qui proviennent d'idéaux mirifiques incapables de transformer la terre. Si notre spiritualité n'assume pas sérieusement la chair et l’environnement, elle deviendra sans signification pour ce monde." 

     

    "Les jeunes me disent souvent qu’ils sentent dans mes livres une certaine profondeur. Je crois qu’ils recherchent ce qui facilite leur vie. Vous savez aussi que l’on ne peut y parvenir par des méthodes purement psychologiques. Quelques-uns m’assurent qu’ils y ont découvert une trace d’amour. Souvent ils viennent me rendre visite et me disent que mes livres répondent à leurs sentiments intimes." 

     

    "En aucun cas, je ne voudrais devenir l’auteur d’un grand nombre de livres. J’ai vraiment peur que le niveau de mes livres baisse. Aussi refusé-je souvent la demande des éditeurs qui me sollicitent. 

    Je me fie à mon sentiment pour savoir si un sujet m'inspire vraiment. Je ne voudrais pas écrire sur des sujets que j'ai déjà traités auparavant. Naturellement, beaucoup d'affirmations reviennent et je reprends bien des sujets. J'éprouve le sentiment que j'ai toujours davantage besoin d'écouter ma voix intérieure pour aller de l'avant. Écrire ne doit pas aboutir à l’interruption  de la réflexion et à la répétition des mêmes réponses. Écrire implique, selon moi, la persistance de ma vitalité et la découverte de nouvelles conceptions. En ce sens, j’écoute mes sentiments. Je refuse la pression qui m'obligerait à continuer d'écrire parce qu'on l'attend de moi. Il est possible que dans un avenir proche, je me contente de me taire que j'attende jusqu'à ce que quelque chose de nouveau sorte de moi qui ne demanderait alors qu'à s'exprimer." 

     

    "Le dialogue avec Dieu ne peut se nouer que si nous sommes en mesure de communiquer avec nous-mêmes. La première condition est le silence. Un silence qui me permet de connaître mes propres pensées afin de pouvoir les présenter à Dieu. Il suffit de se contenter d’être en silence en présence de Dieu et de lui offrir ce que l’on est en train de vivre. Cette démarche est un bienfait pour notre âme et elle nous apprend à vivre soi-même tels qu’on est. Mais il est bon aussi de réfléchir dans le silence à une parole spirituelle, par exemple aux versets d’un psaume, pour tenter de trouver quelle expérience se cache derrière ces paroles." 

     

    "Dieu attend de nous que nous le rencontrions dans la prière. Cela ne se réalisera que si tout ce qui est en nous se met en relation avec Dieu. Notre prière ne doit pas être pieuse, elle doit être sincère. Il faut laisser à Dieu la possibilité de regarder tous les recoins de mon cœur : je dois lui présenter toutes les parts d’ombre, la passion, l’entêtement, l’amertume, mais aussi toute mes aspirations et mes désirs non avoués. Je peux étaler ma vie avec tous ses évènements actuels. Dans la prière je dois dévoiler tout ce que j’ai réprimé ou refoulé, ce que j’ai refusé de m’avouer à moi-même parce que cela altère cette image idéale que je me suis construite de moi-même. Je dois exprimer ma peur ou mon désespoir. Ma connaissance de moi n’est pas une fin en soi, mais elle contribue à rencontrer Dieu avec tout ce  que je suis devenu : Dieu désire mon cœur avec tout ce qu’il anime afin de pouvoir le combler de son amour." 

     

    "Qui prie sincèrement et s’expose en silence devant Dieu avec tout ce qui est en lui, découvre l’état de son cœur. Alors sa joie s’exprime ainsi que sa paresse sa colère et sa jalousie, ses désirs et sa déception. Quand je me place devant Dieu sans protection, je suis confronté à ma vérité intérieure. Et l’inconscient émerge aussi. Ce que j’ai refoulé depuis longtemps surgit dans une prière intensive du fond de mon âme." 

     

    "Si les mots me manquent, il me suffira de présenter mon cœur à Dieu. J’ouvre toutes les cellules de .mon corps et de mon âme devant Dieu pour qu'il puisse y pénétrer avec sa lumière. Une fois que je pense avoir tout dit, je dois simplement faire silence et écouter ce que Lui cherche me dire." 

     

    "Dans notre prière, nous ne pouvons pas forcer Dieu à nous parler. Le silence de Dieu est parfois bénéfique. Cela nous force à nous dépouiller de nos propres images pour nous tourner vers le Dieu incommensurable et invisible. Dieu est toujours le tout Autre. Il n'existe aucune technique de prière qui pourrait disposer de Dieu. Dieu n'est pas à notre disposition. Et son silence et son apparente absence découlent du fait qu'on n'a pas lie sur Dieu. L'absence de Dieu veut me purifier intérieurement afin que, cessant de confondre mes projections avec Dieu je puisse m'ouvrir à son mystère insondable".

     

    "Quand une souffrance m’atteint, je peux l’accueillir comme un défi lancé à ma vie spirituelle. La souffrance peut me purifier. Elle brise les illusions que je me suis faites de ma personne et de ma vie, illusions de croire que je dois réussir dans la vie en m’appuyant sur ma vie spirituelle et me contentant d’observer les lois de la psychologie. La souffrance me fait découvrir que je ne suis pas maître de ma vie."

     

     

    "En tout homme se trouve effectivement l'espace du silence. Souvent, nous en sommes coupés. Une épaisse chape de béton, faite de nos soucis et de nos problèmes, s'est déposée sur cet espace de silence. En faisant silence dans la prière et la méditation et en nous mettant à l'écoute à l'intérieur de nous-mêmes, nous sommes à même d'entrer en contact avec ce lieu de silence — ne serait-ce que pour un bref instant.

     

    Cet espace de silence est le lieu où Dieu demeure en nous. Avec leurs requêtes et leurs attentes, leurs jugements et leurs condamnations, les hommes n'ont aucun accès à ce lieu d’intimité  Isaac de Ninive nomme joliment ce lieu : « la chambre du trésor de mon intériorité ». C’est justement là où Dieu demeure en nous que j’entre en contact avec mon être intime, avec l’image originelle et inaltérée que je me fais de Dieu." 

     

    "J'ai appris de la méditation zen à m'asseoir en silence et elle m'a enseigné la position assise. J'ai appris qu'il ne s'agissait pas de réfléchir mais d'exister simplement dans l'instant et de chercher la voie qui conduit à mon centre intime. La psychologie de Jung m'a appris que la religion appartient essentiellement à l'homme. La fréquentation de Jung m'a encouragé à réinterpréter et à comprendre les symboles de la liturgie et les images de la Bible. Et en même temps, j'ai appris de Jung à prêter attention à l'action que produit la spiritualité sur les hommes. Chaque fois que la spiritualité rend l'homme malade et le guinde, c'est qu'elle ne correspond pas à l'esprit de Jésus. La spiritualité a toujours quelque chose à voir avec le processus de l'épanouissement des hommes. Se mettre en route vers la spiritualité, c'est trouver son véritable soi. Mais sur cette route, il faut précisément regarder et travailler sa réalité propre, avec ses parts d'ombre". 

     

    "L’homme est un être comportant des faiblesses et une part  d'ombre. C'est seulement quand l'homme s'accepte lui même avec tout ce qu'il y a en lui, qu'il peut se transformer et poursuivre son chemin intérieur. Celui qui lutte contre tous défauts fait une fixation sur eux et il ne s'en affranchira  pas Les défauts engendreront une force contraire si intense que l'on en sera désarmé ou de plus en plus féroce contre soi et cela conduira à une dureté envers soi encore plus grande,  et en conséquence, également contre autrui." 

     

    "Bien des gens ne peuvent pas se pardonner à eux-mêmes. Ils viennent se confesser pour vivre le pardon de Dieu, mais au fond de leur cœur, ils ne cessent de se faire des reproches. Se pardonner implique de renoncer à l'illusion que l'on est parfait. Cela requiert aussi de l'humilité. Il arrive que des personnes ont d'elles une image trop idéale et qu'elles ne peuvent pas se pardonner parce qu'il leur faudrait renoncer à cette illusion. Elles préfèrent tenir à leurs idées et, en conséquence, elles sont incapables de se changer.

    La seule condition qui me permette de me pardonner est la foi dans le pardon de Dieu et l'expérience que j'en fais. Mais je dis à beaucoup de pénitents qui viennent se confesser : « Si Dieu te pardonne, tu dois aussi te pardonner à toi-même. Sinon tu ne crois pas vraiment au pardon de Dieu ! » Se pardonner implique que l'on enfouisse ses sentiments de culpabilité, qu'on abandonne les reproches que l'on s'adresse et que l'on s'accepte comme celui qui a endossé la responsabilité ou comme  celui qui est devenu tel qu'il est à présent." 

     

    "La nature de la liberté réside en ce qu’aucun homme n’a de pouvoir sur moi, qu’aucune attitude et aucune tendance, aucune mode ou aucun schème de vie idéologique ne peuvent me dominer, que je ne suis dépendant d’aucun être humain, ni d’aucun caprice, mais que je puis librement disposer de moi, de mon attitude. Les Pères du désert voyaient la liberté dans la liberté vis-à-vis des désirs et des passions. Quand Dieu règne dans l’âme de l’homme, il est alors véritablement libre." 

     

    "Juger autrui, c’est donner la preuve que l’on n’est pas en harmonie avec soi. Celui-là a besoin de juger autrui pour s’élever au-dessus d’eux. Qui est en paix avec lui-même, qui a trouvé Dieu, n’a pas besoin de juger autrui. Il prie pour tous les hommes afin qu’ils trouvent la paix". 

     

    "On ne peut retenir le bonheur, pas plus qu’on ne peut le voir. Est heureux celui qui est en accord avec lui, manifestant sa reconnaissance pour la vie, à même de s’assumer dans son état actuel. Celui qui ne cesse de tourner autour de cette question sur le bonheur, toujours préoccupé de lui, sur ses gardes, se demandant si finalement il est vraiment heureux, celui-là ne connaîtra jamais le véritable bonheur." 

     

    "Tout être humain aspire à aimer et à être aimer. L’amour peut le fasciner. Mais en même temps, bien des hommes savent que l’amour peut être vulnérable et qu’il peut rapidement aboutir à une attitude inverse. Notre amour humain est toujours abîmé par un mélange de quête de possession et de volonté de contrôle. 

    Dans cette expérience de l'amour fascinant et en même temps fragile, l'homme aspire à un amour plus pur, qui ne soit rien que de l'amour. Si je rejoins ce désir, alors je suis en mesure de rendre intelligible à l'homme que l'amour de Dieu envers nous est absolu, parce qu'il est inconditionnel et qu'il n'est terni par aucune autre intention. Mais le problème réside en ce que nous ne percevons pas souvent cette intensité de l'amour divin." 

     

    "L'homme est aujourd'hui une énigme à ses propres yeux. Il existe de nombreuses explications pour éclaircir ce mystère. L'homme n'a pas d'état ferme qui lui permette d'expliquer ce qui se passe en lui. Il a besoin d'autres hommes qui puissent l'aider à interpréter ses pensées et ses sentiments. L'homme ne se sent pas à son aise. Il a perdu son bon sens. Aussi lui faut-il écouter les explications d'autrui pour pouvoir se comprendre lui-même. Ce sentiment d'étrangeté qu'il éprouve envers lui est la cause de cet état."

     

    "Les chrétiens vivent dans ce monde. Aussi est-il tout à fait  normal qu'ils lisent les mêmes revues et qu'ils regardent les mêmes programmes de télé que les autres consommateurs. La question qui se pose concerne leurs réactions : se laissent-ils manipuler dans leurs opinions par les médias ou conservent-ils un regard critique ? Le regard critique peut aussi les amener à cesser de regarder certains programmes de télé et à se désabonner de certaines revues." 

     

    "Dans le cas où je devrais devenir un ange, je voudrais annoncer aux hommes que Dieu les aime tous inconditionnellement, qu'il leur confère la vraie liberté et qu'il guérit toutes les blessures. Je voudrais en même temps les encourager à ouvrir leur cœur à Dieu, pour qu'il puisse les pénétrer de son amour. Je voudrais aussi leur dire qu'ils ne doivent pas se condamner eux-mêmes, parce que Dieu les accepte tels qu'ils sont et qu'il leur offre le chemin de la conversion et du renouveau. Et s'ils empruntent ce chemin, ils réussiront leur vie !" 

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :