• La caravane humaine

    La caravane humaine

     

    J'ai connu,

    dans ma vie,

    qui s'étire déjà pas mal,

    quelques grands vivants.

     

    Ils n'étaient pas tous célèbres,

    loin de là.

    Mais ils avaient tous

    assez d'amour dans le coeur

    pour en donner

    à beaucoup.

     

    Ils n'avaient pas tous un épais portefeuille,

    tant s'en faut.

    Mais ils avaient tous

    une grande passion dans l'âme

    qui donnait du sens

    à tout ce qu'ils faisaient.

     

    Ils n'étaient pas tous très instruits,

    oh non !

    Mais ils avaient tous développé

    une sagesse en leur esprit

    qui en faisait

    de merveilleux conseillers.

     

    Ils avaient souffert,

    souvent même beaucoup :

    maladies, échecs, abandons, trahisons.

    Mais jamais,

    ils ne s'étaient laissés abattre.

    Toujours,

    ils avaient rebondi

    devant l'épreuve.

     

    Ils avaient compris

    depuis longtemps

    que donner

    est plus agréable que recevoir,

    qu'écouter

    est plus intéressant que parler,

    qu'admirer

    est plus utile que condamner.

     

    Ils avaient découvert

    que l'intelligence sans le coeur

    est bien malcommode

    et que le coeur sans les mains

    ne vaut guère mieux.

     

    Ils avaient trouvé aussi,

    souvent péniblement,

    que la vraie vie

    ne se vit pas tout seul.

    Il y a les autres

    sur qui on peut s'appuyer.

     

    Ils avaient tous gardé

    un sens de l'émerveillement peu commun.

    Capables de se pâmer

    devant une rose fraîchement éclose

    autant que devant le sourire d'un enfant

    ou les mains ridées d'un vieillard.

     

    Ils étaient ardent à l'ouvrage

    et fervents pour l'amour.

    Ils avaient la force des départs

    et le courage des recommencements.

    Ils avaient du coeur au ventre

    et aussi plein les mains.

     

    Il émanait de leur personne

    une sorte de magnétisme

    qui donnait le goût

    de faire un bout de chemin avec eux.

    Leur seule présence inspirait confiance.

    Ils dégageaient beaucoup d'amour.

    On était bien avec eux.

     

    A les voir,

    on avait le sentiment d'être meilleur.

    A côté d'eux,

    on avait envie de grandir.

    Ils avaient du feu

    dans les yeux et dans le coeur.

     

    Et certains,

    au cours du voyage,

    avaient rencontré Dieu

    qui avait éclairé leurs pas,

    guéri leurs blessures

    et réchauffé leurs froidures.

     

    Bref,

    ils avaient le goût de vivre

    et ils donnaient le goût de vivre.

     

    * * *

     

    Mais j'en ai connu d'autres

    qui avaient perdu

    ce goût de vivre

    et qui traînaient à pas lents

    une vie lourde de misères.

    Grands blessés,

    oubliés, déprimés,

    angoissés, perdus.

     

    Ce n'était pas toujours

    de leur faute.

    Ils ont excité en moi

    la pitié,

    puis la compassion,

    et enfin l'amour.

    Je leur ai voué

    une bonne partie de ma vie.

    Ils sont devenus

    des maîtres pour moi

    et je compte parmi eux

    quelques-uns de mes meilleurs amis.

     

    Et, il faut le dire,

    j'en ai connu enfin

    qui enlevaient aux autres

    le goût de vivre,

    qui utilisaient les gens

    plutôt que de les aimer.

    Mesquins, égoïstes,

    ambitieux, hypocrites,

    veules, jaloux,

    jugeurs, exploiteurs.

     

    Eux aussi

    n'étaient pas toujours coupables.

    Ils m'ont souvent donné

    l'envie de vomir

    quand ils croisaient ma route.

    Peu à peu, cependant,

    ils m'ont appris

    la compréhension, la bonté

    et surtout le pardon.

     

    * * *

     

    Dans la caravane humaine,

    il y a toutes sortes de marcheurs.

    Des leaders et des suiveurs,

    des infatigables et des fatigués,

    des joyeux et des tristes,

    des bons vivants et des agressifs,

    des grands, des moyens, des petits,

    des fins et des pas-fins,

    des forts et des faibles...

     

    Les uns courent,

    d'autres s'essoufflent à rien,

    d'autres s'assoient sur le bord de route,

    d'autres enfin rebroussent chemin.

     

    Mais tous sont portés ou emportés

    par cette marée humaine.

    Tous, même sans le savoir,

    sont avides d'amour,

    sont assoiffés de vie.

    Ils veulent VIVRE.

    Ils portent en eux,

    comme le trésor le plus précieux,

    cet acharnement à vouloir vivre.

     

    Qui leur a rivé au coeur

    ce goût de vivre,

    dites-le moi ?

    Je ne serais pas surpris que ce soit

    Celui qui est la Vie,

    Celui qui a brisé

    les chaînes de toutes nos morts

    afin que nous puissions

    VIVRE TOUJOURS !

    Jules Beaulac, Que c'est bon la vie !, Ed. du Levain, l990 

     

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