• Il nous a tant aimés

    Extrait de « Il nous a tant aimés… » 

    (Les dernières années de l’Abbé Pierre racontées par ses intimes) 

    De Pierre Lunel 

     

    Résumé : Pierre Lunel, son ami et biographe, a longuement côtoyé l'abbé Pierre et garde de lui un souvenir bouleversé. Pour la première fois il nous fait partager, notamment grâce aux confidences de Laurent Desmard qui fut son dernier secrétaire particulier, l'intimité de cet homme passionné, curieux de tout et de tous, et finalement très secret. 

    Avec pudeur et sincérité, il révèle, au-delà de l'icône médiatique, un personnage facétieux, insolent, obstiné, un insoumis, indifférent aux critiques, fidèle en amitié jusqu'au paradoxe. Un homme également sensible aux femmes, et tourmenté par la tentation de la chair. 

    Mal vu de l'Église, tenu à l'écart par le Vatican, celui qui avait l'anticléricalisme du saint nous a pourtant donné foi en l'homme ! 

    Un témoignage exceptionnel. 

     

     

    « Quand on a mis sa main dans celle des pauvres, on trouve à l’heure de mourir la main de Dieu dans son autre main, semble lui dire encore le combattant infatigable, étendu sur son lit. » 

     

    « En dépit de son apparente fragilité émanait de tout son être une énergie de colosse. Cette force, il l’a puisait chez ceux qu’il appelait « les plus faibles que nous ». Tout au long de sa vie, ce sont eux, se sont leurs plaintes, leur sentiment d’injustice, leur espérances qui avaient alimenté sa révolte et rendu son verbe si contagieux. Il comprenait chacun de ces hommes, chacune de ces femmes, au-delà des mots. A la fin de sa vie, même au plus bas, il continuait à les écouter et à sécher leurs pleurs. Qu’il leur réponde par courrier ou qu’il les reçoive dans son antre, il ne manquait jamais de leur distiller ses conseils, avec une parfaite simplicité. Le temps ne comptait plus alors, seule importait la souffrance de l’autre. » 

     

    « On n’avait pas besoin de lui expliquer, il entrait d’emblée en sympathie avec la souffrance de l’autre, il souffrait avec la personne qui souffrait. » 

     

    « Aimer, c’est avoir mal du mal des autres, disait-il souvent. Et toute sa vie n’a été que l’illustration de cette maxime. Qu’il s’agisse de réveiller les bonnes consciences d’une époque, de porter secours à un ami dans le désarroi ou d’accueillir  à bras ouvert un inconnu en peine, il répondait toujours présent. » 

     

    « De la souffrance des autres, Henri extrayait la sève de ses combats. C’est pourquoi nous le voyions si souvent se jeter tête baissée dans les drames de son prochain. Non seulement sa disponibilité aux autres outrepassait ce qu’on imagine, même chez les plus généreux d’entre nous, mais elle dépassait l’entendement. Elle était si intense, si lumineuse, si inattendue parfois, qu’on ne pouvait blâmer ses proches d’essayer de le protéger en barrant la route aux fâcheux. » 

     

    « La foi d’Henri était incarnée. Elle portait un nom : « Et les autres ? » Cette question lancinante, qui résumait toute sa vie, pouvait être ainsi traduite : « Comprenez que le mode d’emploi de la vie, c’est d’aimer son prochain comme soi-même, c'est-à-dire le servir avant soi tant qu’il est moins heureux que soi. » Branché sur les drames d’autrui, l’abbé était connecté à une source de vie. Cette réalité nous échappe peut être, mais c’est elle qui le rendait disponible à toutes les situations tragique. Doté de cette force inouïe, il changeait la boue en or. Lui seul avait le pouvoir de faire d’êtres anéantis des « sauveurs » à leur tour. » 

     

    C’était un spectacle inoubliable pour tous ses proches que de l’observer quand il écoutait les autres.  Sa compassion vous convainquait qu’il était comme nourri en permanence de la présence de l’Esprit. » 

     

    « Henri n’aura été ni un grand théologien, ni évêque, ni cardinal. Il n’a pas fondé d’ordre comme mère Térésa. Il sera resté toute sa vie celui qui entrevoyait d’être quand, tout jeune il écrivait déjà : « Seigneur, je me suis donné à toi tout entier et maintenant je voudrais mourir…. Et c’est alors que j’ai entendu une voix qui me disait : Tu continueras ! et que je vis un petit homme qui entraînait des foules derrière lui… et la voix disait à nouveau : « Tu seras ce petit homme ! «  Il a entraîné ces foules, puis il s’est arrêté sur le bord de la route, en nous demandant de poursuivre le chemin. 

    Que veut-il nous dire ? L'amour n'est pas inné, on doit sans cesse le chercher et l'inventer. Cette quête permanente qui engage toute une vie est faite de diamants mais aussi de tourments, de terribles régressions, de doutes, d'angoisses : elle n'est pas et ne sera jamais un long fleuve tranquille. C'est un combat terrible mais l'illumination est au bout. Il semble vouloir nous dire : c'est ma souffrance qui a éclairé mon chemin, qui lui a donné un sens ; ce n'est rien d'autre que le prix à payer pour le plus grand amour. Ne vous dérobez pas, n'ayez pas peur. Soyez constants. Ne vous en détournez pas, quoi qu'il advienne ! Ne vous découragez pas ne vous découragez jamais ! La force d'âme se bâtit pas à pas. On a tout ce qu'il faut pour continuer : il suffit qu'on s'y mette, alors rien ne nous sera interdit. 

    -Est-ce que tu te rends compte de la joie que l'on a de pouvoir aider les autres ? 

     


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