• Extraits de livres lus Les amitiés célestes

    Extraits du livre « Les amitiés célestes »

    De Jacqueline Kelen

     

    L’Amitié

     

    L’amitié n’est pas un sentiment mais bien une vertu. Sur ce point essentiel tous les philosophes de l’Antiquité, tous les chercheurs spirituels se rencontrent. 

     

    L’amitié est un accord en toutes choses divines et humaines auquel se joignent la bienveillance et l’affection mutuelles : je me demande si elle ne serait pas, la sagesse exceptée, ce que l’homme a reçu de meilleur des dieux immortels.

     

    L’égalité entre amis induit la réciprocité, le respect, l’estime, et bannit toute domination et tout avilissement. L’amitié est bien une élection entre deux individus, libres et égaux, elle exclut donc le rapport de force, le mépris, l’injure, l’abus de pouvoir.

     

    Faire de la place pour l’autre, c’est la condition nécessaire pour que naisse une véritable relation, c’est la condition aussi de toute vie sociale harmonieuse, mais cela désigne avant tout la qualité spirituelle d’un homme qui s’est délivré de ses prétentions égocentriques. La plupart des gens sont tellement encombrés d’eux-mêmes qu’ils sont incapables d’entrer en relation, alors que l’être d’amitié est nécessairement un homme tourné vers autrui et qui a le souci de l’autre.

     

    Loin d’apparaître comme une parente pauvre de l’amour ou sa faible compensation, l’amitié est au contraire la préceptrice, celle qui enseigne aux êtres humains à aimer dans le respect et la liberté, avec courage, perspicacité et grande attention. Elle représente un amour de qualité ; un amour qui répond présent, qui soutient, qui ne se dérobe ni ne ment, et un amour intelligent, qui guide et éclaire. On peut tout aussi bien dire qu’elle est une qualité d’amour-désintéressé, gratuit, bienveillant ; qu’elle est la bonté et la beauté de l’amour. »

     

    L’amitié apprend à aimer l’autre sans vouloir le capturer, sans vouloir le rendre pareil à soi, sans chercher à le changer. Elle n’entretient ni illusion ni confusion entre deux personnes, elle est un engagement, elle veut le bien de l’autre et elle partage ses joies comme ses peines.

     

    La bienveillance qui est au cœur de l’amitié comprend la gentillesse, l’attention, l’indulgence et la générosité. Elle consiste à ne pas nuire à l’autre, à ne pas avoir de mauvaise pensées à son égard, à lui faire entièrement confiance. Et encore à le protéger ou le défendre, à ne pas le renier. Voilà pourquoi l’amitié est une pédagogie de l’amour et demande à s’exercer, à s’affiner durant toute une vie.

     

    « Entourez vous d’amis pareils à un jardin ou à une musique sur l’eau, quand le soir tombe et que le jour déjà se change en souvenir. »

     

    Aristote le premier montre que la pratique de l’amitié instaure la justice, l’entente et l’entraide entre les citoyens. Pour les Anciens, l’amitié qui rapproche deux personnes peut s’appliquer à toute l’humanité et devenir philanthropie, une valeur chère aux stoïciens. Du côté chrétien, l’amitié qui unit deux individus épris de perfection se dépasse et s’accomplit sur terre dans l’exercice de la charité (caritas, agapê), un amour qui n’exclut personne, qui embrasse même les ennemis. 

    Le propre de l’amitié est d’ouvrir des fenêtres, de bondir par-dessus les frontières, afin de rencontrer et d’accueillir l’autre dans sa singularité. Sans vouloir le changer ni le convertir. Ce dialogue n’est possible que si la liberté de chacun est respectée et même chérie et que la valeur des son expérience spirituelle est prise au sérieux au lieu d’être contestée ou minimisée.

    Le véritable solitaire est un être libre, qui ne dépend ni du jugement ni de l’approbation des autres, et un être qui aime la profondeur et l’intensité. Comme il n’est pas en manque ni en demande, il apprécie les relations de qualité, les rencontres qui ont lieu sous le signe de la gratuité et de la grâce. Ainsi, ses amitiés ne sont pas suspectes ni intéressées parce qu’elles ne sont pas dictées par le besoin, par l’ambition, par le désir de convaincre l’autre et d’avoir raison. Une vie solitaire ouvre tout l’espace intérieur, elle permet ainsi que l’autre trouve sa place et l’amitié ne peut apparaître sans ce dégagement préalable, sans ce retrait de soi.

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