21 Décembre 2011
Histoire du jeune homme et du pissenlit
Sous les rayons du soleil printanier, les feuilles dentelées et robustes des premiers pissenlits firent leur apparition dans l'herbe tendre d'un jardin public. L'un d'eux arborait une splendide fleur jaune fraîche et dorée comme un coucher de soleil au mois de mai. Au bout de quelques jours, la fleur devint aigrette, sphère légère, bordée de minuscules petites plumes ancrées aux graines agglutinées au centre. Ah ! Comme elles rêvaient les petites semences bercées par la brise du soir et la timide sérénade des premiers grillons. « Où irons-nous germer ? - Qui sait ? - Seul le vent le sait ! »... Un matin, l'aigrette fut secouée par les doigts vigoureux et invisibles du vent. Attachées à leur petit parachute, les semences s'envolèrent emportées au loin « Adieu... Adieu... » se dirent-elles. Une à une, elles tombèrent dans la bonne terre de jardins et de prés. Mais la plus petite termina son envol sur un trottoir, dans la fissure du béton recouverte d'une fine couche de poussière. Pellicule bien dérisoire comparée à la terre grasse du pré !
« Mais elle est toute pour moi ! » se dit la semence, qui sans hésiter une seconde, se blottit tout au fond et prit racine. En face de cette lézarde se dressait un vieux banc boiteux et tout gribouillé où venait souvent s'asseoir un jeune homme au regard tourmenté, le cœur rempli d'angoisse. Il avait l'air tendu et les poings crispés. En apercevant deux petites feuilles vert tendre et dentelées se frayer un passage à travers le béton, il se mit à ricaner : « Vous n'y arriverez pas ! Vous êtes comme moi. » Et il les piétina...
Le lendemain, il vit que les feuilles s'étaient redressées. Il y en avait quatre à présent. Depuis, il n'arrivait plus à détourner son regard de cette petite plante courageuse et têtue. Au bout de quelques jours, parut la fleur, d'un jaune brillant comme un cri de bonheur. Pour la première fois depuis bien longtemps, le jeune homme abattu sentit que la rancune et l'amertume qui pesaient sur son cœur commençaient à se dissiper. Il releva la tête, respira à pleins poumons et donna un grand coup au dossier du banc. « Maintenant, s'écria-t-il, j'en suis sûr, il est possible de réussir ! » Il avait à la fois envie de pleurer et de rire. Il caressa la petite tête jaune de la fleur : les plantes savent ressentir l’amour et la bonté des êtres humains. Pour ce pissenlit petit et courageux, cette caresse du jeune homme fut le plus beau moment de sa vie.
Ne demande pas au vent, pourquoi il t’a déposé là où tu te trouves. Même si le béton t’étouffe, prend racine et vis. Tu es un message. (Extrait du livre de « Paraboles d’un curé de campagne tome 3 »)