11 Avril 2010
POÈMES EXTRAITS DU LIVRE DE RENÉ LELIÈVRE
« Si faible que soit ton cri, crie-le »
« La poésie est faite pour être partagée et cela par le plus grand nombre. La poésie est quotidienne et se trouve dans chaque événement journalier que le matin soit noir, le soir bleu ou le midi plein de questions... Le fil rouge de ces poèmes est la vie. Une vie de luttes qui épuisent, redonnent force, traduisent la volonté toujours tendue vers « l'être ensemble ». Chacun des poèmes qui sont proposés est né à partir d'événements dont j'ai été acteur ou témoin. Surgis d'une rencontre, d'une écoute, d'une parole, de gestes, ils sont l'expression de ce que j'ai ressenti au plus profond de moi, le fruit de coups de cœur tristes ou joyeux en vivant avec les femmes, les hommes, les enfants ou en les regardant, dans leur actualité, vivre de tragiques ou heureux épisodes. »
SI FAIBLE QUE SOIT TON CRI
Si faible que soit ton cri
Crie-le !
C'est en entendant le chien hurler
Qu'on sait qu'il est arrivé quelque chose
Jette ton cri
Quelqu'un le ramassera
Pour le relancer
C'est en criant
Qu'on forme un peuple
Un peuple formé d'hommes
Qui étouffaient leur cri
Parce qu'ils ne savaient pas
Ils ne savaient pas que leur cri
C'était le cri d'un peuple
Si faible que soit ton espoir
Espère-le!
C'est en voyant l'oiseau se lancer
Qu'on devine quel était son espoir
Jette ton espoir
Quelqu'un le ramassera
Pour le relancer
C'est en espérant
Qu'on forme un peuple
Un peuple formé d'hommes
Qui cachaient leur espoir
Parce qu'ils ne savaient pas
Ils ne savaient pas que leur espoir
C'était l'espoir d'un peuple
UN PEU DE SILENCE
S'il suffisait d'une minute de silence Pour que la paix revienne Là où la guerre avance
* * *
II faudrait des heures et des jours Sans parole, sans bruit, sans tambour, Tant les lieux et les risques nous entourent
* * *
Si les hommes ne font pas silence La terre finira sa tragique danse Dans une éternité de silence
* * *
MIRABELLE CREE
Elle touche l'argile
De ses doigts agiles
Et la forme informe
Prend forme
La terre rouge
Entre ses doigts bouge
C'est la création.
La révélation
Entre le créateur qui offre
Et la créature qui s'offre
Le créateur qui pétrit
La créature qui prend vie
Comme de deux pierres frottées jaillit le feu
De ses mains naissent peu à peu
Des lignes et des angles fragiles
Elles se font, se défont dociles
À la manière des vagues de la mer
Ou de la mouette virevoltant à la recherche de la terre
Pour enfin se poser
Et ne plus bouger
Elle frappe, caresse la matière
L'écrase, la rend fière
La force, la laisse faire
L'emprisonne, la libère
Bientôt les mains s'ouvrent et dévoilent
La beauté, la pureté
De lignes caressantes ou révoltées
Aimantes ou angoissées
Joyeuses ou désespérées.
SUPPLIQUE AUX FEMMES
Sans vous, femmes,
Jeunes filles ou belles dames,
Que la vie serait triste
Si vous n'étiez pas sur la piste !
Les mots froids sortis de la bouche Tomberaient comme des mouches. Quand vous les dites, c'est la douceur Qui nous emplit de sa chaleur.
Les gestes lourds ébauchés par les hommes Seraient rudes comme une pluie de pommes. Quand vous les faites, c'est un envol d’'oiseaux sortis de leurs geôles !
Les pas éléphantesques que nous posons Abîmeraient la terre de leurs sillons. • Avec vous, ce sont des danses dessinées au pinceau Évoquant la légèreté d'une nuée d'oiseaux!
Les guerres sans fin que nous inventons Détruiraient la vie pour un oui, pour un non. Vos yeux emplis de douleur et de tristesse Reconstruisent un monde qui se redresse !
L'amour épuisé par les coups répétés Mourrait à force d'être rejeté. Votre infinie tendresse le fait renaître, L'empêche de disparaître.
Puissiez-vous ne jamais abandonner
Par fatigue de l’impuissante randonnée !
Ne partez pas ! Restez !
Votre présence nous donne la force de la beauté !
Jeunes filles ou belles dames,
Que la vie serait triste
Si vous n'étiez Sans vous, femmes,
Pas sur la piste !
HANDICAPÉS DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS!
Larmes de souffrance
Larmes de solitude
Quand le silence
Devient habitude
C'est le même cri depuis des milliers d'années
« Pourquoi m'as-tu abandonné? »
Souffrance et solitude Souffrance de la solitude, Solitude de la souffrance
Y'en amarre Toujours se battre France et Zaïre Palestine et Tchétchénie Même combat
Handicapés de tous les pays unissez-vous !
Malades, estropiés
Réfugiés, immigrés
Enfants-ouvriers
Ouvriers exploités
Prisonniers pour des idées
Par ceux qui sont prisonniers de leurs idées
Affamés de pain
De justice, de liberté
Exclus du boulot
De pays, de cours de récré
Révoltez-vous !
Reprenez votre place !
PETIT NUAGE
Le ciel a pour tout bagage
Un joli petit nuage
Moutonneux et blanc,
Léger et riant.
Point perdu dans l'immensité bleu
Comme sur une table de jeu.
Il prend la forme qu'il veut
Tels, entre les doigts habiles du marin, les nœuds.
Je voudrais être ce petit nuage
De tous les âges.
Plume légère me baladant au gré du vent,
M'amuser avec les étoiles par-derrière, par-devant.
Libre de courir,
De me reposer, de rire.
Être ce petit nuage
Jamais bien sage.
Petit nuage toujours heureux,
Note blanche sur une portée bleue.
Enfant du ciel,
Archet de la grande vielle.
Transformé en cerf-volant,
II virevolte en filant,
Montant, descendant, dansant,
Avec des signes d'amitié en passant.
Ah ! Que je voudrais être ce petit nuage
Alors que je suis écrasé sur une plage
Par le soleil implacable
Qui me rend incapable De bouger !
LA TORTUE ET SA MAISON
Un jour qu'il faisait gris
Une tortue se torturait l'esprit.
« J'ai une maison, me murmura-t-elle,
Bien arrondie et bien belle
Mais si petite, si fragile...
J'ai beau être agile
Chaque soir quand je m'allonge
Que je m'apprête à rentrer dans mes songes
J'ai les pieds dans les étoiles
La tête dans la lune et son voile !
J'ai un copain racontait la tortue
II a un mignon petit chapeau pointu
Je l'ai invité dans ma maison
II est resté sur le paillasson.
À deux sous mon toit c'est pas possible, une fois !
Il est reparti lentement
II ne pouvait faire autrement. »
Quittons nos maisons ! Nous nous rencontrerons.
IL EN FAUDRA
II en faudra des combats gagnés
Pour faire oublier le licenciement du délégué
Il en faudra des espérances réalisées
Pour oublier le désespoir du chômeur
II en faudra des rires d'enfants
Pour oublier ce regard douloureux
II en faudra des visages apaisés
Pour oublier l'angoisse des peuples exterminés
II en faudra des lumières vives
Pour oublier les voies sans issue
II en faudra des chants de fête
Pour oublier les cris de haine
II en faudra des pains chauds et odorants
Pour oublier la faim torturante
II en faudra des gestes de paix
Pour oublier cet instant de guerre
Il en faudra des musiques
Pour oublier les pas cadencés et envahissants
II en faudra des arcs-en-ciel
Pour oublier le racisme distillé sournoisement
II en faudra des paroles libérées
Pour oublier l'évêque bâillonné
II en faudra des solidarités
Pour oublier les individualismes
II en faudra des soleils
Pour oublier les nuits angoissantes
II en faudra des gestes d'accueil
Pour oublier le suicide de l'exclu
II en faudra des cris
Pour oublier les silences imposés
II en faudra un réveil tous ensemble
Pour secouer et balayer toutes les injustices
II en faudra de la justice et de la paix
Pour faire naître l'amour
II en faudra...
Y en aura-t-il un jour assez?
Voilà, il y a bien d’autres poèmes très beaux dans ce livre, j’ai choisis ceux qui m’ont touchés le plus, mais en faite j’aurais pu mettre le livre en entier !! Je vous laisse le plaisir de le lire ce livre, ou d’aller retrouver ces beaux poèmes sur le site de René Lelièvre : http://pagesperso-orange.fr/ren.lelievre_airel