21 Avril 2010
EXTRAIT DU LIVRE D’ÉRIC AUMONIER
« Semez l’Évangile »
« Le chrétien est toujours, si on veut bien y réfléchir, dans une situation missionnaire, sur un terrain de mission, parce qu'il est toujours au milieu de ses contemporains. Il l'est aussi, parce que, appelé et transformé, orienté par le baptême reçu dans la foi, il |a été marqué de la grâce pour témoigner. Il a la capacité de le faire dans son milieu familial et professionnel, associatif, politique ou social, avec l'aide et l'inspiration de l'Esprit Saint. Encore faut-il se mettre sur la bonne fréquence... »
« Même si les contours de notre mission ne nous apparaissent que progressivement, même si nous ignorons souvent, où, comment et avec qui nous l’accomplirons, nous y sommes ouverts et disposés depuis le baptême. Le croyons-nous vraiment? C'est le Christ qui vit en nous. Nous pouvons constater que l'amour dont nous sommes aimés est attractif et diffusif. Malgré nos limites personnelles, nous constatons que nous sommes aimés de Dieu et capables d'amour. Et cet amour, dès lors qu'il est désintéressé, est communicatif et contagieux. »
« L'engagement dans la mission ne consiste pas d'abord à faire des choses ou à prendre des initiatives plus ou moins spectaculaires, mais à laisser agir et se déployer la puissance de Dieu à travers notre faiblesse dans la vie théologale, et la pratique des conseils évangéliques, dans une vie à la fois active et contemplative, contemplative dans l'action. C'est le rayonnement du Christ qui transfigure les visages, les existences des hommes et des femmes
« quelconques » que nous sommes, et qui nous rend témoins et missionnaires. Croyons-nous assez que notre vie, notre façon de vivre peut rayonner, à travers sa simplicité, une force et une vérité qui vient d'ailleurs et qui pourtant nous est personnelle, originale ? »
« C'est pourquoi, dans les relations interpersonnelles, la première des choses à chercher ou à entretenir, et pas la plus facile, est la confiance. Cela a du prix quand règnent ordinairement les relations intéressées et superficielles. Cela peut prendre du temps. Les conversations, mais pas seulement elles, préparent ou suivent la relation de confiance. Notre présence et notre aide dans les coups durs, nos délicatesses, mais aussi notre capacité à pleurer avec qui pleure, et à rire avec celui qui rit, notre simplicité à vivre les mêmes soucis pourront faire qu'on sera écouté d'autant mieux dans les choses sérieuses qu'on est approchable dans la réalité quotidienne. «
« La foi et la conversion ont Dieu seul pour origine, car Dieu nous parle en son Fils et par la grâce de son Esprit. A strictement parler, nous ne convertissons personne, et nous ne l’avons été par personne sinon par la force de Dieu lui-même, agissant par des frères et sœurs, des « médiations ».
« Vivre, être ce qu'on est, poser les paroles et les actes qui expriment notre foi, notre amour et notre espérance... tout cela a plus d'importance que nous ne l'imaginons nous-mêmes. On est beaucoup plus regardé dans l'entreprise ou chez les siens qu'on ne le croit. Il est curieux de constater qu'on est souvent deviné comme chrétien, alors qu'on n'en a rien dit, ni caché. Le moment venu, une question qu'on nous pose appelle une réponse ou le récit d'un brin de notre propre histoire. Pour peu qu'on laisse en nous le feu agir, brûler, éclairer, en l’alimentant et en ne le recouvrant pas. »
« La prédication et le témoignage des chrétiens sont une proposition de foi offerte à tous. Une proposition qui respecte et s'adresse à la liberté humaine. C'est ! Pourquoi laisser quelqu'un « deviner » ou chercher Dieu sans que personne ne lui en fasse un jour l'annonce n'est pas respecter sa liberté, c'est l'abandonner. La liberté d'un homme et d'une femme se construisent et se déterminent, non pas dans le vague et le vide, mais dans la réponse à des appels et dans des décisions qu'elle prend. Et l'annonce de la foi est précisément invitation à se décider vis-à-vis de Celui qui vient ! Ceci n'a rien à voir avec des méthodes qui prétendent gagner, à toute force, l'interlocuteur sans discrétion et sans respect pour sa conscience, ni avec la manière de faire de certains prédicateurs plus ou moins inspirés des télévangélistes américains, confondant la simplicité avec le simplisme, la prédication avec la vente d'un produit.
Parfois certains chrétiens sont agacés par ceux qui présentent une méthode ou un chemin d'évangélisation, comme étant Le seul chemin ou La seule méthode pour la véritable évangélisation... Il faut ici accepter d'apprendre humblement les uns des autres, en commençant tous par écouter Celui qui tire de son .trésor du neuf et du vieux. »
« La pauvreté veut dire aussi de ne pas se laisser encombrer par soi-même! Jésus rend grâces au Père parce qu'il s'est révélé aux tout petits, et par les tout petits. L'orgueil qui consiste à se mettre en avant empêche la lumière de pénétrer dans la maison ; cet orgueil n'écoute pas et ne respecte pas l'autre dans sa personne et dans sa culture. L'homme centré sur lui-même « même s'il a une foi à déplacer les montagnes, s'il n'a pas la charité » (1 Co 1 13,2), ne « sert de rien ». L'homme qui prétend annoncer l'Évangile, alors qu'il est centré sur lui-même, ne respectera pas le temps de Dieu. Pour une urgence, il ne dira et ne fera rien ; lorsqu'il faudra de la patience, il se précipitera. L'humilité et l'amour, et non -pas la violence et l'irrespect liés au prosélytisme ; c'est cela la pauvreté. »
« Il s'agit de faire ce que avons à faire maintenant, de saisir l'urgence; ce n'est pas de l'avenir seul dont nous avons la charge, mais du présent, et c'est à vivre l'aujourd'hui de Dieu que ne sommes appelés. Il ne s'agit pas seulement d'avoir cette espèce de recul, d'humour humble qui sait ce que valent les calculs humains, mais d'un acte de foi qui se souvient que « demain s'occupera de demain » Ne nous laissons pas inhiber par un avenir que nous ne connaissons pas. N'est-il pas plus juste se dire: « C'est aujourd'hui que je vis ce que je vis; ce que je fais ou ne fais pas, ce que je donne ou donne pas, personne ne peut le faire ou le donner à ma place »? Nous n'avons pas tant à nous préoccuper lendemain, qu'à fonder, à avancer, à lancer des ponts, à proposer le cœur de la foi, bref à inviter au bonheur offert aujourd'hui par le Christ vivant. »
« L'Église ne se divise pas entre « spécialistes » de l'annonce de l'Évangile, tandis que d'autres seraient « spécialistes » de la prière et d'autres « spécialistes » du service des plus pauvres. La mission fait partie intégrante de la vie selon l'Esprit Saint, elle pénètre toutes les « spiritualités » et concerne tous et chacun d'entre nous : les plus connus comme les plus cachés, les plus vigoureux comme les malades ou les souffrants, les plus simples comme les plus instruits... Chacun, dans l'état de vie qui est le sien : les familles, les célibataires, les laïcs, les religieux... Chacun, selon son âge : enfants, jeunes, adultes ou personnes âgées. Chaque baptisé qui vient de naître à « la liberté nouvelle des enfants de Dieu » est envoyé. Chaque chrétien est appelé à la mission. »
« C’est seulement lorsque les chrétiens cherchent à se comporter avec douceur, souci d’instruire et humilité, qu’ils peuvent servir le travail de Dieu. L’amour de Dieu et des frères nourrit en eux une attitude de respect et d’écoute, un apriori de confiance. »
« Le mensonge a des conséquences néfastes non seulement pour l'individu mais pour la société, lorsqu'il prend une dimension politique.
C'est ainsi qu'en invoquant le bien de tous, dans l'intention souvent sincère de construire une société plus humaine, et en disant que cela prendrait du temps, on a fait accepter, en se servant de la peur et de la jalousie, que des hommes et des femmes soient exécutés, emprisonnés et qu'on passe leur disparition au compte des pertes inévitables, comme si la personne n'avait pas d'importance par elle-même. On a cherché ainsi à justifier des guerres, des génocides, des déportations. Du jour où on a réussi à faire croire inexistence d'une race supérieure, on a pratiquement fait admettre l'extermination des Juifs, des Tziganes, et d'autres.
Et ceci n'appartient pas qu'au passé : quand on cherche à persuader qu'un embryon n'est pas une personne humaine, ou qu'une personne handicapée n'est pas utile, ou qu'on devrait favoriser l'euthanasie des personnes âgées, la société qu'on s'apprête à construire devient aseptisée et suicidaire. De même, devant le problème énorme de la faim dans le monde, ou les questions écologiques, on voit bien que des questions de vérité sont en cause, et mettent en jeu la responsabilité de l'homme. Et combien d'autres exemples... »
« La recherche et l'écoute de la vérité doivent passer par le dialogue, comme l'ont bien compris Platon, Socrate, et saint Augustin autrefois, ainsi que le cardinal Newman, Frédéric Ozanam et Edith Stein. Il ne s'agit pas ici du plaisir de se retrouver pour bavarder, mais de s'encourager et de mettre en œuvre l'amitié véritable dans l'accueil et la recherche de la vérité. II y a surtout ceci : s'il existe une vérité, elle existe pour tous et non seulement pour moi. La vérité n'est pas sectaire, et n'y ont pas accès que quelques privilégiés ou initiés. Elle n'est pas faite pour être cachée mais pour briller et être offerte. »
« Le courage de la vérité est nécessaire. Il implique deux exigences. La première consiste à approfondir, à aller jusqu'au bout d'une recherche, juste à dire qu'on ne peut plus par ses propres forces trouver, et que la raison humaine constate ses limites. La seconde c'est de dire la vérité quand on l'a trouvée, quand on a mission de l'annoncer ou de l'enseigner, mais « avec beaucoup d'humilité et le souci d'instruire » même si cela déclenche l'incompréhension et si cela nous coûte l'estime et l'amitié de nos amis. »