Le Monde de la Philo et de la Poésie

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QUI SERIONS-NOUS SANS NOS BLESSURES ?

 

QUI SERIONS-NOUS SANS NOS BLESSURES ?
 
Quoi qu'on en dise, il est plus difficile de croire en soi que de croire en Dieu.
Et peut-on prétendre croire en Dieu,
sans croire en soi
- si peu que ce soit !
- Là est le vrai débat :
s'accepter, s'aimer humblement et fermement soi-même...
il est si courant de se mal supporter, voire même de se détester.
 
Si nous étions des frères...
 
Nous saurions respecter la difficulté des autres à s'aimer eux-mêmes ;
nous serions sans dureté et sans arrière-pensée devant des échecs
qui ont aussi le visage d'un inviolable et douloureux secret.
Nous saurions respecter davantage distance et différence
comme les chemins obligés d'une possible rencontre. 
 
Quant aux désespoirs,
si souvent pris pour des lâchetés, qu'en savons-nous ?
Seuls ceux qui y sont passés
ont le droit d'en parler.
Et ceux-ci se taisent, car leur soif est sans remède et leur appel sans écho :
la vie, trop étroite, ne saurait contenir - et encore moins combler l'ampleur d'un désir que rien n'a jamais su tromper.
Peut-on aimer la Vie
- aimer tout court-
sans en être « BLESSÉ »
Blessures peut-être nécessaires pour pratiquer en nous
la brèche indispensable
à une irruption totale de la vie.
 
Oui, je sais, il faut y croire...
 
Mais je me dis : même sans croire à une « autre vie »,
qui serais-je,
qui serions-nous - en celle-ci –
sans nos « blessures » ?
 
Ce sont elles qui nous empêchent de mourir de solitude et d'ennui
dans le « palais de cristal » des âges atomiques.
C'est en elles, et en elles seules,
qu'on ose s'approcher de ceux qui souffrent sans risquer de s'entendre dire :
« vous ne savez pas ce que c'est »
Leur braise ardente empêche à jamais que se refroidisse l'amour
et que d'autres soient condamnés à mourir de froid.
Elles font que les victimes seront pour toujours plus humaines que leurs bourreaux.
Et nous ne cesserons plus de nous recevoir d'elles
« capables de pardon ».
J'entends, plus certain que tous mes désespoirs,
le dernier murmure de leur confidence :
les êtres disgraciés sont ceux qui n'ont jamais souffert.
Et c'est sous l'empreinte de mes propres blessures que j'ai la ferme assurance
de pouvoir dire :
personne n'est jamais un être « fini »
Car c'est aussi du côté du terme que sont les vrais commencements.
Paul Baudiquey

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