15 Février 2013
Le mouton et le corbeau
Un jeune mouton
Tout blanc, tout blanc,
Et un vieux corbeau
Tout noir, tout noir
Devisaient sagement
Dans un pré accueillant.
« Je rêve d’avoir des ailes
Comme toi, dit le mouton.
Je pourrais à volonté
Me rouler dans le ciel
Sans crainte, ni surprise. »
« Moi, dit le corbeau, je hais
Le ciel pour trois raisons.
D’abord il est vide et trop haut,
Ensuite parce que, le plus souvent,
Il est couvert d’épais nuages
Et, enfin, parce qu’aucun oiseau
Ne peut s’y tenir debout.
Veux –tu savoir de quoi je rêve ?
D’un tendre fromage de chèvre. »
Et, sans un mot d’adieu, s’envola
Vers le vaste pays de l’oubli,
Un pays d’air, de vent, de neige, de pluie
Mais aussi de soleil, à ses meilleurs moments.
Abandonnant le mouton, tout interdit,
A son champ délimité, aux couleurs
De paresse et de mélancolie.
Edmond Jabès