4 Juillet 2008
EXTRAIT DU LIVRE : LA GRENOUILLE QUI NE SAVAIT PAS
QU'ELLE ÉTAIT CUITE. ET AUTRES LEÇONS DE VIE D’OLIVIER CLERC
Sans conscience, nous devenons moins qu'humains, mus par les seuls instincts et automatismes. La conscience est donc une condition sine qua non de notre humanité : pas de vraie pensée
pas de réflexion, pas de libre arbitre sans conscience. Inconscient, l'homme dort, au propre ou au figuré. C'est pourquoi« l’ « éveil » est au cœur de toutes les formes de spiritualité
2, Privés de mémoire, nous pourrions passer chaque jour de la clarté à la nuit (et inversement) sans nous en apercevoir le moins du monde, car les changements d'intensité lumineuse sont trop lents et trop faibles pour être perçus par la pupille humaine
C'est la mémoire qui nous fait prendre conscience a posteriori de l'alternance du jour et de la nuit, comme c'est elle qui nous permet de mesurer toutes ces évolutions subtiles qui ont lieu en nous et autour de nous, à un rythme très lent. Sans mémoire, pas de comparaison, pas de discernement, donc pas d'évolution possible
Les grands dangers ne sont souvent pas les plus visibles. Des nappes de pétrole dans la mer, cela se voit. Mais quand le fragile équilibre de la composition de l'eau de mer, indispensable à la survie des végétaux et poissons qui en dépendent, commence à se rompre, quand certains composants commencent à faire défaut ou au contraire à être surnuméraires, nous ne le voyons pas. C'est parfois la disparition soudaine d'une espèce végétale ou animale qui nous signale une dégradation passée inaperçue, du fait que certains nutriments fondamentaux, essentiels à leur survie, ne sont plus disponibles pour eux. Il ne faut pas nous fier à des apparences dangereusement trompeuses. Des gaz à effet de serre, dont certains mettent trente ans à atteindre le niveau de l'atmosphère où ils vont produire leurs dégâts, à l'exposition quotidienne à des lignes à haute tension qui, au bout de plusieurs années, finissent par provoquer des cancers, il y a un « effet retard » susceptible d'avoir des conséquences funestes
Au-delà des opinions et des modes et, au-delà des appréciations fluctuantes de chaque époque, le temps reste le juge le plus sûr et le plus impitoyable des œuvres humaines : ne résiste à son usure que la qualité - le beau, le bon, le vrai, le juste. Le reste y succombe. À l'inverse, quand nous voulons aller trop vite
Sans prendre le temps de développer des racines profondes avant de vouloir nous élancer vers le ciel, nous courons le risque de produire quelque chose de faible et fragile qui manquera d'une sève<o:p></o:p>
insuffisante pour nourrir ses branches et produire des fruits. C’est vrai pour les végétaux, comme pour les hommes et les œuvres qu’ils produisent
Avant de naître, un bébé passe neuf mois dans l’obscurité du ventre de sa mère. Avant de germer, toute graine passe un temps plus ou moins long sous terre, dans le noir. De manière analogue, la plupart de nos entreprises et de nos projets ont besoin d’une phrase plus ou moins longue de maturation dans l’obscurité avant que nous ne puissions les présenter au grand jour. Autant la lumière nourrit et vivifie ce qui vit au grand jour, autant elle peut détruire et tuer des formes de vie embryonnaires qui ont encore besoin de grandir et de se fortifier dans le secret de la terre, d’une matrice ou de notre imagination
Un homme du sud de l'Inde, âgé d'une soixantaine d'années, que j'ai rencontré il y a dix ans en France où il était venu négocier la vente d'huiles essentielles que sa société produisait. Cet homme avait connu la dramatique partition de l'Inde, à l'âge de sept ans
Avec ses parents, il avait dû marcher des centaines de kilomètres, en emportant un minimum d'affaires, pour fuir cette région qui allait devenir le Pakistan, car lui et sa famille étaient hindous. Il commença à travailler à sept ans. À force de volonté et d'acharnement, il réussit à créer un jour sa propre entreprise et à la rendre prospère. Pourtant, il me confia qu'à sa mort toute sa fortune irait à des œuvres de charité et qu'il n'en léguerait rien à ses enfants. J'en fus surpris. « S'ils ont les mêmes compétences que moi, ils n'auront pas besoin de ma fortune », m'expliqua-t-il, « ils se créeront la leur par leurs propres moyens. Et s'ils n'ont pas les mêmes capacités que moi, alors ma fortune ne pourra que leur nuire, puisqu'ils n'auront pas les moyens d'en faire bon usage. » Dit d'une autre façon, il laissait à ses enfants le soin de se tailler des habits sur mesure plutôt que de leur léguer les siens, au risque qu'ils soient trop grands pour eux
Il donne la priorité aux qualités intérieures - force, courage, intelligence, leadership, amour, débrouillardise, esprit d'entreprise et j'en passe - et voit dans les moyens et acquis matériels la concrétisation ou le reflet extérieur de ces qualités-là
On ne fait pas un papillon en collant des ailes sur une chenille, ni un roi en posant une couronne sur la tête d'un enfant, ni davantage un homme en passant à un gamin des habits d'adulte. On ne peut pas donner à autrui ce qui ne peut être que le résultat d'une transformation intérieure, strictement personnelle. Nous pouvons, en revanche, favoriser cette maturation intérieure, tout comme on peut arroser une graine pour qu'elle germe
L'évidence, la métaphore du papillon est pleine de sagesse. Elle souligne la primauté de l'intérieur sur l'extérieur, de ce qui est subtil, énergétique ou spirituel sur ce qui est matériel. Inside-out : faire sortir notre potentiel intérieur, favoriser l'émergence de nos ressources, plutôt que de les atrophier par des apports externes. Elle redonne ses lettres de noblesse à nos efforts, dans tous les domaines, et même à nos souffrances, quand elles sont utiles, porteuses de sens, indices d'un dépassement de soi, d'une évolution. Elle évoque une pédagogie de l'accompagnement, de l'émergence, plutôt que de l'aide mal comprise qui affaiblit ou détruit ce qu'elle croit sauver. Quel symbole !
Il ne faut pas nous arrêter à la surface des choses, aux apparences. Mais remonter aux causes premières. D’agir sur les déterminants profonds de ce que nous voulons changer en nous ou dans le monde, plutôt que de perdre notre temps et notre énergie à modifier une forme dont l’agencement obéit de toute façon à des influences cachées
Le monde, découvrons-nous chaque jour davantage, n'est pas que matière, il n'est pas seulement ce que nos cinq sens nous laissent en percevoir. Nous ne voyons qu'une faible proportion de tout le spectre lumineux, nous n'entendons qu'une petite part du spectre auditif, des millions d'informations qui circulent dans l'univers à chaque instant échappent à nos cinq sens, mais jouent cependant un rôle crucial dans le fonctionnement du monde visible