18 Mars 2008
Donc l'enfant dessina le roi
Avec un splendide uniforme,
Puis des bataillons de soldats
Avec le fusil sur l'épaule.
Il mit, devant eux, des canons
Montés sur des chariots énormes
Et, tout au dessus, des avions
Effrayants comme des fantômes.
Ensuite, il s'écria : " je suis
La paix ! "Alors, dans son étui,
Il prit sa gomme préférée.
Et, de quelques coups vigoureux,
Il effaça toute l'armée
Et ajouta "Béni soit Dieu!"
MERE
J’ai de toi une image
Qui ne vit qu’en mon cœur.
Là, tes traits sont si purs
Que tu n’as aucun âge.
Là, tu peux me parler
Sans remuer les lèvres,
Tu peux me regarder
Sans ouvrir les paupières.
Et lorsque le malheur
M’attend sur le chemin,
Je le sais par ton cœur
Qui bat contre le mien
Vers le soir, tu me parles parfois de la mort
Comme si tu étais déjà un peu absente,
Comme si ton cœur se détachait sans effort
De la vie dont tu fus la docile servante.
Tu me parles paisiblement de la maison
Qu’il ne faudra pas vendre et des vieux groseilliers
De ton jardin qu’on ne devra pas arracher,
Et des miettes de pain à donner aux pinsons
Qui viennent dès l’hiver picorer dans la cour,
Et de tous ces simples travaux de tous les jours
Que tes mains dénouées auront abandonnés.
Et ta voix coule alors, pareille à un ruisseau
Qui s’en va humblement, comme le veut sa pente,
Mais qui, sans le savoir, fait refleurir la menthe
Et met au creux des prés des morceaux de ciel bleu.
LA BOUTEILLE D’ENCRE
D'une bouteille d'encre,
On peut tout retirer :
Le navire avec l'ancre,
La chèvre avec le pré,
La tour avec la reine,
La branche avec l'oiseau,
L'esclave avec la chaîne,
L'ours avec l'Esquimau.
D'une bouteille d'encre,
On peut tout retirer
Si l'on n'est pas un cancre
Et qu'on sait dessiner.
L'enfant et le tilleul
Cette petite enfant croyait
- Quand elle chantait toute seule
Dans le fond du jardin -
Que personne ne l'écoutait.
Mais elle oubliait le tilleul
A qui le vent prêtait
Sa longue flûte verte,
Le tilleul qui se croyait seul
Lui aussi au coeur de l'été.
Et les étoiles, sur le bord
Bleu du ciel, se penchaient si fort
Pour mieux les écouter
Qu'on les voyait tomber
Toutes luisantes par milliers
MAURICE CAREME
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