Le Monde de la Philo et de la Poésie

Extraits de livres lus, poèmes perso, poème divers, beaux textes...

ELEGIE

ELEGIE

 

Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras !

Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;

Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force,

Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ? Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur

Pour piller un butin de bien peu de valeur,

Combien de feux, de fers, de morts, et de détresses, Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?

 

Forêt, haute maison des oiseaux bocagers,

Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers

Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière

Plus du soleil d été ne rompra la lumière.

Plus l'amoureux pasteur, sur un tronc adossé,

Enflant son flageolet à quatre trous percé,

Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,

Ne dira plus l’ardeur de sa belle Jeannette.

Tout deviendra muet, Écho sera sans voix,

Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois

Dont l’ombrage incertain lentement se remue,

Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;

Tu perdras ton silence, et, haletants d'effroi,

Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi.

 

PIERRE DE RONSARD(1524-1585)

 

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