23 Février 2012
Les gazelles et la fourmi
On dit que le roi Salomon, un jour qu'il était fatigué de ses palais et de ses femmes, s'en fut méditer au désert. Or, comme il cheminait à longs pas dans le sable, au bout de sa sandale il vit une fourmi qui marchait, le front bas, têtue comme au labour, refusant l'abri des cailloux, la halte au frais des herbes rares. Salomon, la voyant si brave et obstinée, se pencha sur elle. Il lui dit :
Elle répondit :
la poursuite des gazelles.
Salomon haussa les sourcils.
- Amie, dit-il, l'œil amusé, je connais ces sœurs du désert. Elles sont si vives, si légères qu'elles semblent jouer avec Dieu. En vérité, que sais-tu d'elles? En as-tu déjà rencontré sur tes minuscules chemins ?
- Hélas non, répondit l'insecte, mais j'ai vu leurs ombres passer. Leur miraculeuse beauté m'a pris l'âme, le cœur, les sens. Je ne peux plus vivre sans elles.
Le roi des rois s'agenouilla, la prit sur le bout de son doigt.
- Tu rêves, lui dit-il. Tu voudrais les rejoindre? Elles franchissent d'un saut la dune que tu escalades en cent jours ! Qu'espères-tu? À les poursuivre, tu dégringoleras bientôt dans une empreinte de leur course et le vent t'enfouira dedans. Abandonne tes illusions. Retourne auprès de tes pareilles que tu n'aurais pas dû quitter !
- Je sais que la raison t'inspire, ô roi des rois, dit la fourmi. Mon pas est court, ma vie n’est qu’un jour de la tienne, mon ciel n’est pas plus haut qu’un brin d’herbes naissant. Je ne suis rien, j’aspire à la grâce parfaite. J’avoue que c’est une folie. Mais qu’importe à mon cœur aimant ? Le désir me tient, il me pousse, il ne me laisse aucun repos. Je me soumets à ce qu’il veut, et la mort ne me sera rien si elle me prend sur mon chemin, à la poursuite des gazelles.
(Extrait du livre "L'amour foudre)