12 Septembre 2014
Le rêve
" Il ventait dehors. Sous la lampe frêle devant Confucius étaient sept disciples assis sur des nattes. Chacun se taisait.
- Mon rêve, mes fils, dit enfin le maître, c'est de voir un jour le vaste océan.
- Pourquoi l'océan, demanda, surpris, le premier disciple.
Confucius, songeur, fit un geste vague.
- Il est ici-bas le commencement et la fin de tout.
- Je peux vous y mener, lui dit, les yeux brillants, le deuxième disciple.
- Toi, pauvre enfant ? Allons ! Tu ne sais même pas sous quel soleil il est !
- Je le sais, moi, j'y suis allé, chantonne, rieur, le troisième.
- Retrouverais-tu le chemin, pauvre étourdi ? J'en doute fort.
- Moi, dit le quatrième, je crois que je pourrais. J'y suis allé deux fois.
- Et moi trois fois, dit le cinquième. Je connais aussi bien l'aller que le retour.
- Certes, dit Confucius, mais sais-tu seulement quel bord de l'océan j'aimerais contempler ?
- Maître, dit le sixième, je sais tout de ses plages et tout de ses rochers.
- Voyez, dit le septième, à nous sept nous pouvons exaucer votre vœu.
Confucius soupira, puis il hocha la tête.
- Sans doute, mes enfants, dit-il. Mais une fois là-bas, face au vaste océan, que restera-t-il de mon rêve ? "
(Henri Gougaud, L'almanach)