28 Février 2008
Les lignes de nos mains
Les lignes de nos mains
ni Jaunes
ni Noires
ni Blanches
Ne sont point des frontières
des fossés entre nos villages
des filins pour lier les faisceaux de rancœurs.
Les lignes de nos mains
sont des lignes de vie,
de Destin
de Cœur
d'Amour,
de douces chaînes qui nous lient les uns aux autres
les vivants aux morts.
Les lignes de nos mains
ni blanches
ni noires
ni jaunes,
Les lignes de nos mains
Unissent les bouquets de nos rêves.
Bernard Dadié (Né en 1916) Côte d’Ivoire
La VEILLÉE
Le clair de lune inonde l'air
Et tout est presque aussi clair
Qu'en plein jour.
On entend tour à tour
Suivant que le vent souffle ou se tait
La musique d'un filao
Ou la plainte que dit tout près
L'eau du moulin à eau.
Asseyons-nous en rond sous la véranda.
Vieille Da,
Asseyez-vous au milieu de nous ;
Et de votre voix cassée par l'âge,
Racontez-nous
Une histoire de l'esclavage.
DanielThafy La Dominique
Vieille chanson du jeune temps
Je ne songeais pas à Rose ;
Rose au bois vint avec moi ;
Nous parlions de quelque chose,
Mais je ne sais plus de quoi.
J'étais froid comme les marbres ;
Je marchais à pas distraits ;
Je parlais des fleurs, des arbres ;
Son œil semblait dire : « Après ? »
La rosée offrait ses perles,
Le taillis ses parasols ;
J'allais ; j'écoutais les merles,
Et Rose les rossignols.
Moi, seize ans, et l'air morose.
Elle vingt ; ses yeux brillaient.
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient.
Rose, droite sur ses hanches,
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches ;
Je ne vis pas son bras blanc.
Une eau courait, fraîche et creuse,
Sur les mousses de velours ;
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds.
Rose défit sa chaussure,
Et mit, d'un air ingénu
Son petit pied dans l'eau pure ;
Je ne vis pas son pied nu.
Je ne savais que lui dire ;
Je la suivais dans le bois,
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois.
je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds.
« Soit ; n'y pensons plus ! » dit-elle.
Depuis, j'y pense toujours.
Victor Hugo
La nuit est une femme inconnue
Le regardant au fond des yeux,
la fille demanda au passant étranger :
« Pourquoi ne fais-tu que passer, alors que j'ai
allumé chez moi ce grand feu ? »
« Jamais je ne m'arrête »,
lui répondît le voyageur. « Je suis poète,
je cherche seulement à connaître la nuit
avec sa lune au fond des puits. »
La fille alors jeta des cendres sur le feu
et l'étranger dans l'ombre entendit une voix
qui murmurait, bouche à oreille : «
Touche-moi, et tu la connaîtras, la nuit ! »
(Pablo Antonio Cuadra) Nicaragua
Un homme est né
Faites l'aumône à l'enfant
dépourvu comme un mendiant :
chantez-lui une berceuse,
femmes, qu'il ne pleure pas
et guidez les premiers pas
de sa marche hasardeuse.
Vous, frères et sœurs, chantez
quand l'effraie l'obscurité,
conduisez vers la lumière
l'intelligence première
qui couve sous ses paupières.
Enseignez-lui la bonté
et la force d'affronter les catastrophes futures,
le travail et l'aventure.
Puis, abandonnez-le, pour
qu'il trouve tout seul l'amour...
Seul un mendiant larmoyant
reçoit l'amour en aumône.
Cet enfant n'est plus mendiant,
il est désormais un homme.
(Robert Rozhdestvensky ) Philippines