28 Octobre 2010
Les Philo-fables de Michel Piquemal
Les deux moines et la jeune fille
Deux moines zen s'apprêtaient à traverser une rivière à gué lors qu’arriva une belle jeune fille. Elle aussi souhaitait traverser mais elle était effrayée par a violence du courant.
Alors l'un des moines la prit en souriant sur ses épaules et la porta de l'autre côté de la rivière. Son compagnon fulminait : un moine ne doit pas toucher le corps d'une femme... Et tout le long du trajet, il ne desserra plus les dents. Deux heures plus tard, lorsqu'ils arrivèrent en vue du monastère, il lui annonça même sur un ton de reproche qu'il allait informer leur maître de ce qui s'était passé :
- Ce que tu as fait est honteux et interdit par notre règle !
Son compagnon s'étonna :
- Qu'est-ce qui est honteux ? Qu'est-ce qui est interdit ?
- Comment ? Tu as oublié ce que tu as fait ? Tu ne t'en souviens donc pas ? Tu as porté une belle jeune fille sur tes épaules !
- Ah oui, se souvint le premier, en riant. Tu as raison. Mais il y a deux bonnes heures que je l'ai laissée sur l'autre rive, tandis que toi, tu la portes toujours sur ton dos !
(Conte zen)
« Le deuxième moine n'a pas porté la jeune fille mais il en mourait visiblement d'envie, puisqu'il n'est pas parvenu à l'oublier. S'il n'a pas désobéi à la règle monastique dans ses actes, il l'a fait en pensée et son désir continue à le ronger. À sa frustration s'ajoute encore la jalousie.
Par ailleurs, n'y a-t-il pas des situations où, pour aider quelqu'un, on se détourne d'une règle ou même de la loi ? Les règles ne sont-elles pas faites pour être parfois transgressées ? (Michel Piquemal)