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28 Janvier 2008
EXTRAITS DU LIVRE MAURICE BLONDEL ET LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE
Descartes et Malebranche vu par Blondel (Extraits)
« S’appuyant sur un ensemble de faits nombreux et concordants, Blondel ne met pas en doute que, dans son for extérieur, Descartes ait été croyant et même pratiquant. Mais n’y avait-il pas à cette attitude des raisons secrètes tenant à son désir de tranquillité et à la prudence qui lui paraissait indispensable pour la conserver ? Car voulant édifier une nouvelle philosophie, pouvait-il ne pas se heurté, par rapport au Christianisme, à des problèmes que lui imposait son rationalisme. Il est un parfait positiviste, « positiviste, il l’est plus que personne. » Il l’est par ses buts, recherchant en ce monde la perfection de la connaissance et le bonheur du genre humain. Refusant de poser de problèmes insolubles, il est par sa méthode rigoureusement scientifique, il l’est par ces résultats obtenus : un corps de vérités démontrées, dont toute erreur est exclue. Elle l’est peut-être enfin surtout, en traitant la métaphysique comme une science rationnelle, racine de l’arbre d’un savoir où la morale même trouve sa place. « Il n’oppose, il ne sépare, il ne combine pas, il distingue ».
« Tandis que Descartes, écrit-il, sous de prudentes apparences et aussi à travers les sincères désirs de sa foi, cherche dans la connaissance de Dieu, de nous-mêmes et du monde un moyen d'obtenir, de justifier, d'étendre l'emprise de l'homme sur la nature, un moyen donc d'améliorer ou même de prolonger notre existence terrestre et de conquérir l'avenir, Malebranche, lui, ne considère la vie présente, la science humaine, la philosophie que comme les échelons de notre réintégration en Dieu, comme la préparation et l'anticipation ébauchée de l'autre vie, comme le moyen de conquérir ou si ce mot évoque une idée d'activité qui répugne à sa doctrine, d'accueillir l'éternité».
« À l'inverse, Malebranche va bien au-delà de l'accord traditionnel entre la raison et la foi. « Il va d'emblée, écrit Blondel, à la réunion, à la fusion même de la métaphysique et de la théologie spéculative, ascétique et mystique, par l'identification constante du Verbe et de la Raison... Descartes s'adossait à Dieu... pour aller au monde : Malebranche tourne le dos au monde pour trouver Dieu et en Lui la lumière. »
« Descartes a exclu de la philosophie tout ce qui révèle proprement de la théologie chrétienne « A chacun son métier » C’est là, toute l’orientation de sa philosophie. »
« Pour Malebranche c'est tout le contraire : «la religion c'est la vraie philosophie » et « la religion est parfaitement conforme à la raison ». Davantage, non seulement la métaphysique peut servir la religion, mais elle lui est redevable tant dans le domaine des vérités éternelles que contient le divin que dans celui des fins de la création mises en œuvre par puissance divine. »
Blondel et Pascal (extraits)
« Le projet de Pascal n'est donc pas de fournir des preuves ou un exposé des beautés de la religion chrétienne, mais d'agir sur le lecteur. Les Pensées sont elles-mêmes une action, elles veulent conduire le lecteur à faire retour sur lui-même, à s'interroger sur le sens de sa vie. Pour cela, comme le dit Blondel, il faut le déloger des positions où le tient son amour-propre et vaincre les obstacles qui sont en lui : la peur de la religion et le mépris de celle-ci. Répondre à la peur en rendant la religion aimable parce que seule elle prend pleinement en compte le désir et promet le bonheur. Répondre au mépris en montrant que la religion est raisonnable « car elle a bien : connu l'homme ». Ainsi Pascal peut-il dire : « Je ne prends point cela par bigoterie, mais par la manière dont le cœur de l'homme est fait » De Dieu il ne sera guère question, mais de sa place au cœur de l'homme, place vide du désir. Cette méthode est bien celle de l’immanence d'où sourd l'appel à la nécessaire transcendance. Passer par la manière dont le cœur de l'homme est fait, c'est-à-dire par une anthropologie, non par la nature, telle est la seule voie qui reste à l'apologétique quand le mécanisme coupe toute voie allant de la nature à Dieu : « Et quoi ne dites-vous pas vous-même que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu? Non. Et votre religion ne le dît-elle pas? Non. Car encore que cela est vrai pour quelques âmes à qui Dieu donna cette lumière, néanmoins cela est faux à l'égard de la plupart. ».
« Ne nous épuisons pas à offrir un objet, alors que c’est le sujet qui n’est pas disposé. Ce n’est pas du côté de la vérité divine, c’est du côté de la préparation humaine qu’il y a défaut et que l’effort de la démonstration doit porter. »
« La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles que nos instruments sont trop mousses pour y toucher exactement S’ils y arrivent, ils en écachent la pointe et appuient tout autour, plus sur le faux que sur le vrai. » Quand l'imagination l'emporte de toutes parts sur la raison, il n'y a pas à hésiter sur les moyens de la persuasion. (Pascal) »
Blondel a plus de scrupules et refuse que la philosophie soit un simple moyen au service de la persuasion : » La philosophie, dit-il ne peut être ni un simple instrument ni un moyen. »
Charité ou violence ?
« Relisons la formule de Blondel-« nous faire aux autres pour la faire à nous. » Ce projet peut bien être compris comme celui d’une charité de la pensée qui passe par une pleine loyauté sans arrière pensées. La contradiction qui est au cœur de toute apologétique est bien celle-ci : l'interlocuteur est-il l'adversaire que je veux vaincre ou le frère égaré que je veux sauver? Comment puis-je le déloger des positions où je le vois tenu par son amour-propre sans que cela soit ressenti comme une violence? Dans les Carnets Intimes, le jeune Blondel se pose joliment la question : « pourquoi l'Évangile parle t-il toujours des pêcheurs et non des chasseurs d'hommes? » »
« La charité seule est toute puissante …. » L’honnêteté intellectuelle serait ainsi une forme de la charité. (Blondel) »
« Pascal reste tragique et conduit à Dieu à partir des blessures de l’humanité déchue. »
« Blondel se veut pleinement catholique en embrassant la vérité des leçons d’une philosophie où il voit un progrès même quand elle rejette la religion. »
« Si Pascal reste un penseur du paradoxe seulement réconcilié dans le Christ où s'unissent toutes les contradictions, Blondel apparaît davantage comme un penseur de médiation ; le Christ est médiateur par une pleine fécondation de nature.
Sans doute le point névralgique du dialogue est-il le sens du péché et particulièrement du péché originel ».
Ollé-Laprune et Blondel, héritiers de Newman (extraits)
« La décision est le fruit de l'action d'un esprit, guidé et contenu par des règles assurément, mais souple néanmoins, souple comme la réalité et la vie, capable de se plier aux circonstances, et par cela les dominer. Voilà bien cette vraie prudence, ce bon sens dont Aristote a si bien parlé : 'Esprit de finesse', comme Pascal... » (Ollé, Certitude (1880)
« On est frappé par le fait que Blondel et Newman fassent l’éloge de l’ »esprit du peuple » et de la forme la plus élevée de la logique des « humbles et petits » contre l’érudition des savants car les « humbles » savent plus sur « le secret de la vie » que les « savants » L’action synthétique de Blondel et (l’illative sense) de Newman sont dégagés à travers une analyse phénoménologique. »
« L’adhésion se fait comme acte véridique de la personne humaine tout entière qui unit la vérité, la connaissance et la volonté. »(Newman)
« Aux yeux de Blondel et Newman, les décisions fondamentales de la vie, tout comme les connaissances décisives et vitales, adviennent à l’intérieur. «
« Le même principe vaut aussi pour la connaissance de soi du sujet et d'autrui. La connaissance personnelle d'autrui passe elle aussi par une saisie sur-logique et dynamique de l'intérieur de l'homme. Blondel dirait que c'est là aussi l'efficace de la méthode d'immanence. »
« Sans avoir conscience de ce qui se passe en nos semblables, nous leur attribuons la pensée et le sentiment, parce que nous saisissons chez eux des indices, des signes expressifs et révélateurs, analogues à ceux par lesquels nous manifestons nous-mêmes notre propre vie intérieure. » (Certitude (1880)
« Je suis ce que je suis, ou alors je ne suis rien. Je ne peux penser, réfléchir ou juger sur mon être sans partir du point même que je m'efforce d'élucider. Toutes mes idées sont des présuppositions et je progresse dans un cercle » (Newman)
« C’est donc avec cette « connaissance du cœur » de Blondel que nous concluons nos réflexions. »
« Et ce qu’il faut ici nommer Dieu, c’est un sentiment tout concret et pratique : pour le trouver, ce n’est point la tête qu’il faut se rompre, c’est le cœur »
Blondel et l'école française de l’action
« Blondel ne se limite pas à l'ordre humain, celui des personnes, des êtres intelligents et spirituels : Il examine leur insertion dans l'univers, se demande pourquoi n’existent pas seulement l'univers physico-chimique et, greffé sur lui le monde des êtres vivants et mourants, maïs aussi celui d'êtres qui s’interrogent sur leur destin et ne l'accomplissent que dans l’action. »
« De même, la religion ne peut pas faire l'impasse sur les sciences. Le lien entre la foi et la raison doit être, au contraire, renforcé : « De ce que les bouleversements scientifiques et les souffrances de notre civilisation déconcertent nos habituelles perspectives de sens commun ou de foi, il ne faut tirer qu'une conclusion : il y a urgence, il y aura profit à rajuster l'adaptation de notre spéculation et de notre vie spirituelle à des données enrichies et renouvelées par une connaissance plus complète des relations même les plus subalternes et des solidarités entre les forces de la nature et les emplois que l’homme réussit à en faire. » En d'autres termes, l'action humaine demande à être référée à la fois à Dieu et à l'univers. »
« La grandeur de Blondel, en tant que philosophe, est de ne pas se contenter de l’attitude du croyant, mais de sonder, avec les instruments de la raison, la possibilité effective pour un être de combiner harmonieusement l’intensification de ses "liens vitaux et substantiels" (avec les autres êtres, avec l'Être et même avec l'univers), tout en progressant dans la réalisation de son destin singulier. »
« La foi ne tient pas lieu de méditation philosophique : elle propose ici une énigme, mais c’est à la métaphysique et à l’ontologie de se saisir de cette énigme et de tenter de la résoudre. »
« Les êtres, ne sont pas seulement à voir, à décrire, à déterminer ; ils sont à faire, ils sont à se faire »
« L'être n'est pas seulement ce qui est vu ou visible; il est aussi cette vie jaillissante, cette conquête ou cette perte de l'absolu, cette acceptation ou ce refus d'un don qui, gratuitement offert, engage à fond la responsabilité et la destinée des êtres spirituels; et peut-être par eux verrons-nous une solidarité réciproque intéresser l'univers entier. C'est une conception catholique de l'interconnexité des êtres qu'expose ici Blondel : même si le lien de chaque être à l'absolu et donc à Dieu est l'essentiel, puisque c'est ainsi qu'apparaît le caractère infini du cheminement singulier de chaque être humain, le lien avec Dieu ne se réduit pas à un colloque direct de l'individu avec son Créateur; indissolublement et simultanément se renforce le lien substantiel de chaque être avec les autres êtres et, ainsi, avec l'univers tout entier. »
Conclusion
Dieu aurait pu ne créer que l'univers physico-chimique; ou y ajouter des organismes « vivants et mourants », sans pensée. Il a fait autre chose : il a introduit dans l'univers des êtres pourvus de liberté et d'intelligence. Du même coup, l'univers s'est transformé en une scène où se joue un drame ; drame dont Dieu n'est pas le spectateur mais aussi l'acteur. La cosmogonie devient théogonie.
« Blondel se fonde l'aspiration intime que ressentent les êtres libres pour discerner ce que leur désir implique de la part du Dieu
Créateur : celui-ci, s'il veut ne pas brider la liberté et l'intelligence des êtres qu'il a créés doit faire d'eux les co-auteurs de son action cosmique. Plus, il doit lui même consentir à ne pas rester dans l'immobilité de sa perfection mais entrer en devenir: la création ne concerne plus seulement les créatures: elle concerne aussi le Créateur. Du même coup, la doctrine de l'action prend une ampleur tout autre. Son étude, qui lute dans le laboratoire humain, se poursuit dans le laboratoire de l’univers et s'achève dans le laboratoire du Créateur qui consent au devenir, dans la mesure où la création se déploie en Dieu même en qui s’opère « l'éternelle génération divine. »
Blondel et Bergson
« Tous les philosophes qui ont donné un tableau de la philosophie entre 1880 et 1940, pour prendre les dates où les deux penseurs ont été actifs, classent Blondel parmi les philosophes catholiques avec, Ollé-Laprune, Laberthonnière et Edouard Le Roy, en les distinguant des néo-thomistes , Maritain, Sertillanges et Gilson, et des , bergsoniens, de loin les plus nombreux »
« Bergson et Blondel n’appartiennent pas à la même famille d’esprit, même si on peut les considérer tous les deux comme des spiritualistes. Mais la pensée de Bergson reste au fond un « psychologisme » alors que Blondel construit une ontologie qui conduit de la réalité du monde à la réalité de Dieu. »
« Bergson dilate la raison jusqu’à l’intuition, mais soucieux de toujours dépasser les limites de l’intelligence, Blondel insiste sur le fait que la raison, pour aller au bout d’elle-même, doit s’humilier dans la foi nue. Mais en leur fond, hérité de Saint Paul, ils sont proches, car pour l’un comme pour l’autre, le primat de la charité dans les conceptions vivantes du Dieu amour va de pair avec la concentration et l’effort de la vie spirituelle. »
« Bergson et Blondel avaient le même âge; Bergson est né en 1859, Blondel deux ans plus tard; Bergson est mort en 1941 Blondel en 1949. Ce sont donc de vrais contemporains. Bergson soutien t sa thèse en 1889, Blondel en 1893. Ensuite, ils se sont connus et respectés comme des collègues. Ils appartenaient l’un et l’autre aux premiers membres de la Société française de Philosophie, à laquelle ils étaient attachés, avec Lalande, Brunschvig, dans un milieu philosophique beaucoup plus restreint qu'aujourd'hui. »
« Blondel applique à Bergson son idée profonde que la foi est un mystère ; et il respect une âme dont tous ont reconnu l’intégrité et la générosité. L’ouverture de la philosophie ne consiste pas à fouiller les secrets intimes ; elle est dans la pensée elle-même. Blondel caractérise la pensée bergsonienne comme une doctrine mouvante du mouvement. »
Sur un plan général, on peut dire que les deux philosophes se sont opposés à ce que la religion chrétienne, en particulier catholique, soient exclue à priori du champs de la réflexion philosophique. Mais, le souci de la religion catholique est premier chez Blondel, comme exigence de vérité inscrite dans la foi chrétienne ; alors que Bergson, étranger à toute formation religieuse et à la tradition judéo-chrétienne, a découvert le fait religieux à partir de l’expérience mystique, et en mettant entre parenthèses toutes données proprement révélées.
Concluons :la différence est grande entre ces deux grands esprits du XXe siècle. Chacun a son rapport spécifique à la foi catholique Blondel est du côté de Pascal, connaît la différence des ordres et inscrit la foi nue en la révélation de la religion catholique comme la seule issue possible à l'inquiétude humaine. La philosophie examine laborieusement l'insuffisance ontologique de l'homme sans jamais faire œuvre théologique. Bergson est philosophe de la nature et de l'esprit. Henri Gouhier a trop accentué chez Bergson le coté naturaliste. En fait la philosophie de Bergson est plutôt une philosophie de l'unité du sens que de l'unité de la nature ; l'ontologie de la durée est une sémiologie plus qu'une doctrine de la substance, n'y a que des changements dit Bergson, et pas de choses qui changent. Mais entre Bergson et Blondel, il y a incontestablement, Comme entre Bergson et Pascal32, des affinités. Ils n'étaient pas de la même famille d'esprit, mais ils avaient des affinités spirituelles, et chacun des deux a pu sentir en l'autre un allié.
Blondel et Lavelle
« Blondel dit : « L’Être est et il y n’y a point de vide en lui et hors de lui. »
« Pour Lavelle : On ne peut saisir « l’être comme être » qu’a « sa source ou dans sa propre genèse », en reconnaissant la « puissance créatrice » qui lui est « immanente » car « l’être est acte et le propre de l’acte est de s’affirmer lui-même. »
« Pour Blondel : dés le premier rudiment de l’être qui s’agite en nous, nous découvrons ce qu’on peut nommer une auto-affirmation qui restera toujours fondée, indestructible et exigeante et nous reconnaissons dans l’être un principe de vie, de lumière et d’amour toujours actifs et fécond. »
« Lavelle : « Le mystère le plus profond de l’Etre réside sans doute dans sa fécondité intérieure dont nous éprouvons, au cœur même de notre propre expérience, qu’elle est toujours proportionnelle à la capacité qu’il a de se suffire. » il n’y a pas d’intimité sans secret et c’est l’intimité elle-même qui nous apparaît mystérieuse, à la fois cachée et imprévisible comme la liberté. »
« Blondel : « Le Dieu connu des philosophe offre une double certitude, celle qu’il est, dans toute la force du mot être, et qu’il est cependant hors de nos prises, en son secret qui ne peut être violé par aucune intelligence finis »
« Chez Lavelle, plus soucieux de souligner comment se recouvrent la révélation intérieure et la révélation supérieure, la surprise qui accompagne la découverte de soi et de l’être suffit à exprimer l’aspect mystérieux de l’expérience. »
« Lavelle observe : « si Dieu est toujours présent à l’âme qui ne lui est pas toujours présente elle-même, la première démarche de la vie spirituelle est une démarche de purification qui, en nous délivrant de toutes les préoccupations et de toutes les pensées particulières qui dressaient une barrière entre Dieu et nous, ouvre tout à coup notre âme à sa lumière et à son action. Il a besoin que le vide se fasse en nous pour en remplir la capacité. Cependant la contemplation spirituelle ne ressemble point à la contemplation d'un objet. Car nous sommes là dans un monde où il n'y a pas d'objets, mais seulement des opérations intérieures qu'il dépend de nous de produire. Celui qui contemple se tourne vers Dieu par un acte qui laisse Dieu agir en lui Le regard ici est un regard d'amour qui cherche l'union et non point la représentation. C'est pour cela que la contemplation est elle-même active et qu'elle produit sans cesse des actions nouvelles; sans qu’il semble qu'on ait besoin de les choisir. »
« C’est dans le mystère que Dieu nous révèle sa présence véritable, et que c’est cette présence qu’il ne faut point laisser perdre. »
« Blondel lui souligne que la présence de Dieu ne dépend pas ou pas entièrement de nous, puisqu’elle renvoie à la souveraineté du Dieu qui se donne »
« Nous pouvons emprunter à Lavelle une conclusion, pleine d'espérance, qui pourrait être celle de Blondel : « II n'y a que deux philosophies entre lesquelles il faut choisir celle de Protagoras selon laquelle l'homme est la mesure de toutes choses, mais la mesure qu'il se donne est aussi sa propre mesure, et celle de Platon, qui est aussi celle de Descartes, que la mesure: de, toutes choses, c'est Dieu et non point l'homme, mais que Dieu qui se laisse participer Par l’homme qui n’est pas seulement le Dieu des philosophes, mais le Dieu des âmes simples et vigoureuses, qui savent que la vérité et le bien sont au-dessus d'elles, et ne se refusent jamais à ceux qui les cherchent avec assez de courage et d’humilité. »
« Lavelle dit : « Il y a dans la philosophie française un aspect métaphysique et un aspect psychologique qu’elle ne peut pas détacher l’une de l’autre : ce qui est aisé à expliquer si l’on s’aperçoit que nous avons besoin de l’absolu pour asseoir toutes nos certitudes et que chacune de nos certitudes est une épreuve qui ne prendre son sens qu’au fond de nous-mêmes. »
Blondel et Paliard.
« Le fait de rechercher l’unité de l’être et du connaître, de scruter les secrets de la conscience humaine, telle est l’intuition fondamentale de Paliard qui traverse toute son œuvre d’ « Intuition et réflexion à Profondeur de l’âme. »
« Contrairement à Blondel qui enracine sa philosophie dans l’analyse de l’acte humain et tend vers une adéquation de la volonté volante et de la volonté voulue, Paliard part du rythme réflexif de la conscience, du rapport concret du sujet et de l’objet de la connaissance et tend vers l’unité de la pensée et de la vie qui n’est autre pour lui que celle du cogito concret. C’est pourquoi sa démarche le conduit comme il le précise lui-même, « à un essai qui n’est pas seulement philosophique réflexive, mais philosophie de la réflexion, d’une réflexion dont les degrés et les formes ne suffisent nullement pour constituer les degrés et les formes de la vie spirituelle, mais peuvent les caractériser. »
Influence de Blondel sur la pensée des jésuites français
« En premier lieu, à Fourvière, en ces années il y avait bien une école » proprement dite, mais non pas une, école blondélienne, mais une école traditionnellement néoscolastique. Tous les jeunes Jésuites passaient par cette école, et ils en restaient marqués pour leur vie. Le P. de Tonquédéc est un bel exemple de ce marquage profond et presque inextinguible dans des sujets doués d'une mentalité un peu étriquée. D'autres, plus ouverts à d'autres influences et capables de se les assimiler, s'en inspiraient pour faire des relectures de la philosophie et de la théologie traditionnelles. Par conséquent, afin de discerner l'influence blondélienne sur les jésuites français, il faudra concentrer l'attention sur ces relectures - et là, en effet, on note une profonde et très efficace influence de Blondel qui, dans ses répercussions, dépassera même largement le cercle des jésuites. On peut même dire que c'est surtout par ces relectures jésuites que la pensée de Blondel a contribué au renouvellement de la philosophie et peut-être surtout de la théologie catholiques. »
« Les jésuites de Fourvière étaient, de par leur formation, aussi bien des théologiens » que des philosophes. Par conséquent les aspects théologiques de la pensée blondélienne les intéressaient autant et plus que sa philosophie, surtout en vue de l'apport que cette pensée pouvait donner à un renouvellement de la théologie catholique. »
« L’exemple de Blondel aura contribué à leur rappeler l'indissolubilité du mariage entre discours philosophique et pensée théologique, indissolubilité qui donnera lieu au débat sur la « philosophie chrétienne », débat qui se prolonge jusqu'à nos jours. »
« Enfin, troisième remarque, les scolasticats jésuites sont traditionnellement internationaux et il existe entre eux un échange intellectuel considérable. Non seulement on se lit mutuellement, on s'écrit aussi et on se visite. Ainsi un mouvement intellectuel, aussi souterrain qu'il soit, peut se propager bien au-delà des frontières de la nation où il est né. »
« L’histoire du blondélisme, surtout parmi les jésuites français, fait partie de la face obscure de l’histoire de l’Eglise et elle implique des destinées personnelles parfois très douloureuses. »