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Extraits de livres lus : Petit traité de l?abandon

Extrait du livre «  Petit traité de l’abandon »

D’Alexandre Jollien

 

«Être vrai, me dépouiller des masques, oser l'abandon plutôt que la lutte, voilà qui me guide dans le périple de l'existence, où jamais nous ne pouvons nous installer. Pour demeurer fidèle à soi, pour vivre une authentique simplicité du cœur, tout un art est requis. C'est celui-ci que j'ai librement esquissé ici. Comment s'abandonner à la vie sans baisser les bras ? Comment goûter la joie sans nier le tragique de l'existence? Comment traverser le découragement sans devenir amer ? Ce Petit Traité de l'abandon tente de dégager un chemin vers la liberté intérieure et de dessiner un art de vivre qui permette d'assumer les hauts et les bas du quotidien. Ni mode d'emploi ni recette, juste des explorations pour découvrir quelques outils, et des exercices spirituels pour avancer. Ainsi, j'ai puisé dans la tradition philosophique et celle du zen une invitation à une vie plus simple, car le bonheur ne procède pas de l'accumulation mais du dépouillement. C'est la joie qui mène au détachement et non le contraire. D'où cet itinéraire vers l'abandon, né de mes joies et de mes blessures.»

 

 

« Apprendre à ne plus refuser le réel, à accueillir ce qui est sans résister, sans lutter sans cesse, cette fâcheuse tendance qui me mène à l’épuisement. Tel est le thème de ces pensées que je vous invite à lire. »

 

« Je pense que la souffrance, la tristesse ont leur place en nous. Elles durent peut être précisément parce que l’on n’ose pas les vivre à fond. Ce qui me frappe en observant les enfants, c’est lorsqu’ils pleurent, ils pleurent  à fond, et leur tristesse s’en va. Peut être qu’il y a des blessures d’enfance qui n’ont pas pu être vécues à fond, et qui pour cette raison demeurent. »

 

« J’ai compris un jour que le moi est programmé pour refuser Il s’agit donc davantage de « laisser être », que d’accepter. »

 

Aristote disait que l’ami et le sel de la vie ! Lorsque je considère mon existence, je me rends compte en effet que ce qui lui donne du prix, c’est, outre mes enfants et ma famille : l’ami. Je tiens à être un ami dans le bien pour mes proches, pour ma femme, pour mes enfants. »

 

« La  chose la plus difficile, en tout cas à mes yeux, est d’écouter l’autre sans le juger. Parfois, quand on écoute l’ami qui est dans le pétrin, qui ne s’en sort pas, qui coule, qui pleure, la tentation immédiate, et c’est un instinct de vie, c’est de passer à l’action, de trouver des solutions. Et quand il n’y a pas de solutions ? l’ami dans le bien, c’est de larges bras ouverts qui accueillent l’autre tel qu’il est et nourrit pour lui un amour inconditionnel. Il aime sans condition. Je t’aime sans que tu aies besoin de faire quoi que ce soit »

 

« Vouloir le bien de l’autre sans lui imposer sa propre version du bien », voila une belle définition de l’amour et de l’amitié. »

 

« Ce qui accroît la souffrance et crée le manque, c’est la comparaison. Le chemin de ma vie, c’est d’accepter, ou plutôt d’accueillir tout mon être, sans rien rejeter de lui. Trouvé la beauté, la joie là où elles se donnent : dans ce corps, dans cet être, dans cette vie et non dans une vie rêvée, idéalisée. C’est dans le quotidien, dans le banal que la joie réside. Une conversion de ma vie fut de ne plus me demander : «  Qu’est ce qu’il me faut pour être heureux ? » mais : « Comment être dans la joie, ici et maintenant ? »

 

« Aimer quelqu’un, c’est l’aimer pour ce qu’il est dans sa singularité. Il n’y a pas à le comparer avec des canons de beauté mais simplement, et c’est peut être ce que m’apprend la pratique du zen, à laisser la réalité être pleinement ce qu’elle est sans la rapporter à nos idéaux. »

« Le dépouillement auquel invite le zen, et par là toute la tradition philosophique du bouddhisme, c’est voie du détachement. Se débarrasser  de toutes les représentations mentales dont on recouvre les choses, les êtres, et nous-mêmes en fin de compte. »

 

« Être dans le dépouillement, c’est être totalement soi, totalement nu pour laisser éclater cette joie qui est déjà présente en nous, qui nous précède. Nul besoin d’aller la chercher, de la séduire pour qu’elle vienne. Elle est déjà là. »

 

« C’est en faisant chaque jour un tout petit peu confiance à la vie, que, peu à peu, la confiance se découvre. Il ne s’agit pas d’importer la confiance mais de voir qu’elle est déjà en nous. »

« Plein de joie, j’ai réalisé que je devais tendre l’oreille à mon cœur qui, lui est déjà en paix. Le cœur, d’ailleurs, ne dis jamais non. J’ai constaté que le cœur accepte la réalité, le handicap, la souffrance, les quolibets, les regards. C’est l’esprit qui m’en éloigne. C’est le mental, c’est la psychologie à deux sous que je me suis fabriquée. »

 

« Quand l’autre souffre à côté, on a tendance à meubler sa détresse par des discours, en jouant un rôle social, au lieu de faire silence quand il y a en nous des blessures qui ressurgissent comme des vagues de fragilité, de faiblesse passe, je m’agite et je noie encore plus. »

 

« L’abandon, c’est peut être ne plus considérer se fragilités comme des ennemies à abattre. Ne plus considérer les blessures comme l’adversaire numéro un, mais les accueillir. »

 

« On peut marcher quarante ans dans la blessure et l’angoisse et être dans la joie. Ce n’est pas quand j’aurais réglé tous mes comptes avec la vie que je serais heureux. C’est ici et maintenant avec mes milles blessures, que je suis déjà dans la joie. »

 

« La joie, c’est peut être tout simplement et ce n’est pas si simple que cela, s’ouvrir à  ce qui est, donner quotidiennement. La joie procéderait à mes yeux plus de l’acte de recevoir que de celui de conquérir. »

 

« Une très belle phrase de Blaise Pascal m’invite à la gratitude et à la non-fixation ; « C’est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » Quand on commence à considérer la vie comme un dû et non comme un cadeau, quand on dit : «  c’est cela, ma place au soleil », on se prépare à beaucoup de souffrances. Car une chose est certaine : au terme de la vie, nous perdrons tout. Alors autant tout lui donner. Autant considérer la santé des enfants, notre propre santé, nos amis, comme des cadeaux immenses et non comme un dû. En somme, la gratitude, c’est revisiter tout ce que l’on reçoit avec une liberté nouvelle et en profiter encore plus, sans s’accrocher, sans s’agripper. »

 

« Rencontrer l’autre, c’est se reposer un peu de soi. La plus grande souffrance est selon moi celle qui nous replie sur nous-mêmes, celle qui nous referme sur notre petit moi. Et ça finit par sentir le renfermé là-dedans. Rencontrer l’autre, c’est se dépouiller un peu de soi se dépouiller de tout ce que l’on projette sur l’autre. Rencontrer l’autre, c’est mettre à bas nos préjugés. On ne se prépare pas à la rencontre, il n’y a pas de protocole. »

 

« Mener une vie simple, c’est s’abandonner à tout. Il ne s’agit même pas de vouloir faire disparaître ses regrets. Si les regrets sont là, pas de problème, ils ont leur place. Commencer une vie simple, c’est se demander ce qu’il y a de central dans mon existences : les problèmes, les crispations, les tensions ? Et vivre simplement.

La simplicité, c’est bien davantage que l’acceptation de soi. C’est être avec soi, avec une infinie bienveillance. » (Fin)

 

Néen 1975, Alexandre jollien a vécu dix-sept ans dans une institution spécialisée pour personnes handicapées physiques. Philosophe et écrivain, il est l'auteur d'une œuvre qui connaît un succès constant, avec Éloge de la faiblesse (Cerf, 1999, prix de l'Académie française) et, au Seuil : Le Métier d'homme (2002), La Construction de soi (2006), Le Philosophe nu (2010).

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