3 Février 2014
Extraits du livre d’Henri Gougaud
« Les Dits de Maître SHONGLANG » (2)
« Maître Shonglang demeuré seul
Près de la lampe qui faiblit
Affûte son crayon,
Disperse les copeaux,
Se penche,
Et trace ces mots appliqués :
« Petite Vertu,
Cette feuille jaunie où j’écris pour toi ce poème
Est la dernière page de ma vieille clé des songes.
Le jour tombe.
Le vent pâle emporte
Les feuilles du chêne.
L’apprenti mélancolique
Frissonne le long de la route déserte.
Il espère ta rencontre.
Comme j’aimerais avoir froid moi aussi ;
Mon épaule contre la sienne !
Toi
Dans la chaleur robuste de ta cuisine
Tu attises les braises sous le chaudron
Et ton visage rougeoie, tes yeux brillent.
Dès que la première étoile paraîtra
Pour l’amour de toi
J’ouvrirai la lucarne de l’atelier
Et la cage de l’oiseau
Dont j’envie le chant. »
« Elle était si pure,
Dit l’apprenti, sanglotant,
Si limpide et fidèle !
Pourquoi s’est elle enfuie ?
Dites le moi, mon maître,
Avant que je meure de son absence.
Maître Shonglang chausse ses lunettes,
Prend son cahier de maximes
Sur l’étagère poussiéreuse,
L’ouvre,
Pique de son crayon pointu le bout de la langue
Et inscrit :
« Dans une source bienfaisante
On peut aussi se noyer. »
Pourrais-je un jour atteindre la perfection ?
Demande l’apprenti.
(il est inquiet, ses yeux sont tristes
Son hautbois chante pauvrement.)
Maître Shongland caresse avec délices
La planche bouclée de copeaux.
Que son rabot vient de lisser.
La tranquillité dans le désordre du monde,
Dit-il, telle est la perfection. (A suivre)