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Le chemin
Il était un jour un prince nommé Tsao. C'était jeune homme robuste, de grande beauté et d'intelligence vive. Pourtant il vivait perpétuellement malheureux et enragé. Il se mêlait de batailles indignes dans les basses ruelles de la capitale, buvait et paillardait sans bonheur tous les soirs de sa vie.
Une nuit, dans un recoin de taverne crasseuse, l'esprit tout embrumé de souffrance après s'être lourdement enivré, il empoigna par la taille une servante adolescente qui passait à sa portée et voulut la mener sur la paillasse d'une chambre. Elle lui résista. Harcelé par ses compagnons aussi ivres que lui qui le défiaient riant de soumettre cette fille, il la battit, la laissa inanimée sur une table et s'en alla seul dans le jour gris qui commençait à poindre.
Il marcha droit devant lui sans rien voir du monde qui s'éveillait, et sortit de la ville. Quand les brumes de l'alcool se dissipèrent dans son esprit, il se trouva en rase campagne, sur le chemin des montagnes de l'Ouest. Alors son existence lui apparut si honteuse et désolante qu'il décida d'abandonner pour toujours les palais parfumés qui peuplaient ses journées et les bas-fonds qui encombraient ses nuits. Seule la solitude lui parut désormais désirable. Cheminant vers la montagne au sommet inaccessible, la figure battue par le vent et les yeux brûlés par les larmes séchées, il espéra même, dans son désespoir et son dégoût de sa vie, la rencontre de quelque bêtes sauvage qui d'un coup de griffe au travers de sa poitrine offerte mettrait fin à son errance, mais il n'en vit aucune.
Il parvint après trois journées de fuite épuisante au pied des monts. Il prit une courte nuit de repos, puis se mit à les gravir. Peu à peu aux buissons traversés il laissa par lambeaux ses vêtements brodés, aux soleils et aux tempêtes la séduction de son visage, à la rudesse des rocs l'agressive puissance de son corps. Il s'établit dans une grotte, et trois années durant, sans rien attendre que la mort, il se nourrit de fruits, de racines et de noix sauvages. Mais la mort ne vint pas.
Alors il grimpa plus haut, où ne poussaient que de rares herbages parmi les rochers, et comme il montait vers ces hauteurs où n'étaient plus de sentiers, son ancienne vie de débauche lui apparut si lointaine qu'il douta d'être celui qui l'avait vécue. Les femmes, le luxe le vin ne le préoccupaient plus. Il se dit qu'il était lui-être devenu un esprit du vent, et cela le fit rire. En vérité n'importe qui passant par les rochers où il vivait l’aurait pris pour un fou, le voyant errer, nu sur ses jambes maigres, sa chevelure terreuse mêlée à sa barbe. Parfois les yeux brillants comme deux étoiles noires dans les broussailles de son visage, il s'immobilisait de longues heures pour contempler la cime neigeuse de la montagne, d'où il n'attendait personne.
Cette cime l'emplissait de paix infinie. Quinze années durant il ne sut jamais pourquoi, jusqu'à ce qu'un jour quelqu'un vienne de ces neiges éternelles : un homme presque transparent, tant il était pâle et fluet. Il était vêtu d'une robe rouge qu'aucun vent poussiéreux qu'aucune branche épineuse ne semblait avoir effleurée. Cet homme était de ces Immortels qui vi autrefois au plus haut de la montagne de l'Ouest ne fut pas étonné de le voir. L'Immortel s'assit à quelques pas de lui, sur un caillou. Tsao s'approcha et s’assit face, comme pour une conversation, mais rien ne lui vint qu'il ait envie de dire. Alentour n'étaient que le vent et la lumière du ciel.
- Te souviens-tu que tu fus prince ? lui demanda son visiteur, d'une voix nette et paisible.
- Prince ? lui répondit Tsao. Je ne sais pas ce que signifie ce mot.
- Que cherches-tu dans ces montagnes ?
- Rien, répondit Tsao. Je suis mon chemin.
- Où se trouve donc ton chemin ?
Tsao, levant la tête, désigna le ciel. ;
- Et où se trouve le ciel ? demanda l'homme.
Tsao posa la main sur sa poitrine, et ainsi désigna son cœur Alors l'homme sourit.
- Bienvenue chez les Immortels, dit-il. Et ils s'en furent ensemble vers la cime.
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L’arbre qui voulait rester nu
Il était une fois un arbre. Au beau milieu d'un verger, il était sorti de terre, petite pousse verte et fragile se confondant avec les herbes alentours. Curieux de tout, il regarda bien vite le monde qui l'entourait, les fleurs qui s'ouvraient le matin et se refermaient le soir, les oiseaux qui sifflaient en sautant de branche en branche, le paysan qui venait tôt le matin cueillir les fruits des arbres, les graminées qui ondulaient sous la caresse des vents…
Ah!, il le trouvait beau ce monde autour de lui, il avait envie lui aussi de participer à cette beauté, de trouver sa place dans cette harmonie. Une année s'écoula et, ayant grandi, il était devenu un petit rameau portant quelques tiges. Il se rendit compte qu'il n'était pas un brin d'herbe comme il l'avait crû tout d'abord, mais un arbre et se mit à observer plus attentivement ses aînés.
Il les trouvait si grands, si beaux recouverts de leurs feuilles et de leurs fleurs.
Il fût si émerveillé de voir toutes ces fleurs se transformer en fruits, il fût si attendri des soins attentifs que leur apportait le paysan, mais…
Mais, se regardant, il s'aperçut que son écorce ne ressemblait à aucune de celles qui les habillaient, que ses branches n'avaient pas la même forme que les leurs. Alors, il eût peur, peur de n'être pas assez grand, peur de n'être pas assez beau, peur de ne pas porter assez de fruits, il eût peur que les autres, pommiers, poiriers, mirabelliers… n'acceptent pas sa différence et il décida de ne produire ni feuille, ni fleur, ni fruit.
C'est ainsi que les années passèrent, à chaque printemps, son tronc s'épaississait, s'allongeait, de nouvelles branches poussaient, mais… ni feuille, ni fleur, ni fruit.Pour ne pas se trouver nu face aux autres, il s'était depuis son jeune âge laissé peu à peu recouvrir par un lierre grimpant, par des liserons et par des bouquets de gui : ne sachant à quoi il pourrait ressembler, il se couvrait d'une beauté qui n'était pas la sienne.
Le jardinier plus d'une fois projeta de le couper pour en faire du bois de chauffage, mais trop occupé par ailleurs, il remit chaque fois cette tâche à plus tard. Un matin pourtant il vint, armé d'une grande hache et commença par couper le lierre qui enserrait l'arbre. Du lierre, il y en avait tellement que cela lui prit toute la journée et qu'une fois de plus, il remit l'abattage à plus tard. Cette nuit là, un petit ver parasite piqua le liseron qui en mourut aussitôt et le lendemain, les oiseaux du ciel apercevant le gui vinrent le picorer.Il ne restait plus de l'arbre au milieu du verger qu'un tronc et des branches : il ne restait plus que l'arbre au milieu du verger.
S'apercevant soudain de sa nudité et ne sachant par quel artifice la couvrir, il se décida enfin à laisser pousser tout au long de ses branches de belles petites feuilles d'un vert tendre, à laisser éclore au bout de chaque rameau de mignonnes petites fleurs blanches contrastant joliment avec le brun de la ramure et le vert du feuillageLe paysan, sur ces entrefaites, revint avec sa hache et découvrant à la place du tronc inutile un magnifique cerisier, ne trouva plus aucune raison de le couper. Il le laissa donc, trop heureux du miracle qui s'était produit.
Depuis ce jour, l'arbre vit heureux au milieu du verger, il n'est pas comme les autres, ni plus beau, ni plus grand, mais tout aussi utile. Il a compris que ni la texture de l'écorce, ni le tracé des branches, ni la forme des feuilles, ni la couleur des fleurs n'ont d'importance : seuls importent les fruits qu'il porte et que nul autre que lui ne peut porter.Aussi, tous les ans, à la belle saison, les enfants du paysan viennent avec une échelle et, s'éparpillant dans sa ramure, se gavent de ses fruits et le réjouissent par leurs rires.
N'ayons pas peur des fruits que nous pourrions porter,
car nul autre ne pourra les porter pour nous, mais chacun pourra s'en nourrir.
N'ayons pas peur des fruits que nous pourrions porter.
Car chaque fois que nous les refuserons,
il manquera quelque chose dans le monde.
N'ayons pas peur des fruits que nous pourrions porter,
car chacun d'eux permettra de faire grandir
la Vie et l'Amour qui nous ont été donnés en partage.
(Antoine Lang)
(Offert par Kriss avec mille mercis)
http://sesouvenirdesbelleschoses.over-blog.com
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Le trésor du baobab(l'arbre aux trésors)
Un jour de grande chaleur, un lièvre fit halte dans l'ombre d'un baobab, s'assit sur son train et, contemplant au loin la brousse bruissante sous le vent brûlant, il se sentit infiniment bien. « Baobab, pensa-t-il, comme ton ombre est fraîche et légère dans le brasier de midi ! » II leva le museau vers les branches puissantes. Les feuilles se mirent à frissonner d'aise, heureuses des pensées amicales qui montaient vers elles. Le lièvre rit, les voyant contentes. Il resta un moment béat, puis clignant de l'œil et claquant de la langue, pris de malice joueuse :
-Certes, ton ombre est bonne, dit-il. Assurément meilleure que ton fruit. Je ne veux pas médire, mais celui qui me pend au-dessus de la tête m'a tout l'air d'une outre d'eau tiède.
Le baobab, dépité d'entendre ainsi douter de ses saveurs, après le compliment qui lui avait ouvert l'âme, se piqua au jeu. Il laissa tomber son fruit dans une touffe d'herbe. Le lièvre le flaira, le goûta, le trouva délicieux. Alors il le dévora, s'en pourlécha le museau, hocha la tête. Le grand arbre, impatient d'entendre son verdict, se retint de respirer.
- Ton fruit est bon, admit le lièvre.
Puis il sourit, repris par son allégresse taquine, et dit encore :
- Assurément il est meilleur que ton cœur. Pardonne ma franchise : ce cœur qui bat en toi me paraît plus dur qu'une pierre.
Le baobab, entendant ces paroles, se sentit envahi par une émotion qu'il n'avait jamais connue. Offrir à ce petit être ses beautés les plus secrètes, Dieu du ciel, il le désirait, mais tout à coup, quelle peur il avait de les dévoiler au grand jour ! Lentement il entrouvrit son écorce. Alors apparurent des perles en colliers, des pagnes brodés, des sandales fines, des bijoux d'or. Toutes ces merveilles qui emplissaient le cœur du baobab se déversèrent à profusion devant le lièvre dont le museau frémit et les yeux s'éblouirent.
- Merci, merci, tu es le meilleur et le plus bel arbre du monde, dit-il, riant comme un enfant comblé et ramassant fiévreusement le magnifique trésor.
Il s'en revint chez lui, l'échiné lourde de tous ces biens. Sa femme l'accueillit avec une joie bondissante. Elle le déchargea à la hâte de son beau fardeau, revêtit pagnes et sandales, orna son cou de bijoux et sortit dans la brousse, impatiente de s'y faire admirer de ses compagnes.
Elle rencontra une hyène. Cette charognarde, éblouie par les enviables richesses qui lui venaient devant, s'en fut aussitôt à la tanière du lièvre et lui demanda où il avait trouvé ces ornements superbes dont son épouse était vêtue. L'autre lui conta ce qu'il avait dit et fait à l'ombre du baobab. La hyène y courut, les yeux allumés, avide des mêmes biens. Elle y joua le même jeu. Le baobab, que la joie du lièvre avait grandement réjoui, à nouveau se plut à donner sa fraîcheur, puis la musique de son feuillage, puis la saveur de son fruit, enfin la beauté de son cœur. Mais, quand l'écorce se fendit, la hyène se jeta sur les merveilles offertes comme sur une proie, et fouillant des | griffes et des crocs les profondeurs du grand arbre pour i arracher plus encore, elle se mit à gronder : • Et dans tes entrailles, qu'y a-t-il ? Je veux aussi dévorer tes entrailles ! Je veux tout de toi, jusqu'à tes cinés ! Je veux tout, entends-tu ? Le baobab blessé, déchiré, pris d'effroi aussitôt se •ferma sur ses trésors et la hyène insatisfaite et rageuse |en retourna bredouille vers la forêt. Depuis ce jour elle cherche désespérément d'illusoires jouissances dans les bêtes mortes qu'elle rencontre, sans jamais entendre la brise simple qui apaise l'esprit. Quant au baobab, il n'ouvre plus son cœur à personne il a peur. Il faut le comprendre : le mal qui lui fut fait est invisible, mais inguérissable.
En vérité, le cœur des hommes est semblable à celui de cet arbre prodigieux : empli de richesses et de bienfaits. Pourquoi s'ouvre-t-il si petitement, quand il s'ouvre ? De quelle hyène se souvient-il ?
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Le rayon de lune (extrait du livre "l'arbre aux trésors")
Quand il vécut ce que je vais vous dire, Mackam était un jeune homme au cœur bon, à l'esprit rêveur, à la beauté simple. Il souffrait pourtant d'une blessure secrète, d'un désir douloureux qui lui paraissait inguérissable et donnait à son visage, quand il cheminait dans ses songes, une sorte de majesté mélancolique, il voulait sans cesse savoir. Savoir quoi, il n'aurait pas su dire. Son désir était comme une soif sans nom, une soif qui n'était pas de bouche, mais de cœur. Il lui semblait que sa poitrine en était perpétuellement creusée, asséchée. Il en tombait parfois dans un désespoir inexprimable.
Il fréquentait assidûment la mosquée, mais dans ses prières, ce n'était pas le savoir qu'il désirait. Il les disait pourtant tous les soirs, lisait le Coran, cherchait la paix dans sa sagesse. Il s'y décourageait souvent. En vérité, plus que les paroles sacrées, il goûtait le silence qu'il appelait à voix basse : « le bruit du rien », à l'heure où la lune s'allume dans le ciel.
La lune, il l'aimait d'amitié forte et fidèle. Elle lui avait appris à dépouiller la vie de ses détails inutiles. Quand elle apparaissait, il la contemplait comme une mère parfaite. Sa seule présence simplifiait l'aridité et les obstacles du monde. Ne restait alentour que la pointe
de la mosquée, l'ombre noire de la hutte, la courbe pure du chemin, rien d'autre que l'essentiel, et cela plaisait 1 infiniment à Mackam.
Or, une nuit de chaleur lourde, comme il revenait, le long du fleuve aux eaux sombres et silencieuses, de l'école coranique où il avait longtemps médité, l'envie le prit de dormir dans cette tranquillité où son âme baignait. À la lisière du village, il se coucha donc sous un baobab, mit son Coran sous sa nuque, croisa ses doigts sur son ventre et écouta les menus bruits du rien, alentour. Le ciel était magnifique. Les étoiles brillaient comme d’innombrables espérances dans les ténèbres. Le cœur de Mackam en fut empli d'une telle douceur que sa gorge se noua. « Savoir la vérité du monde, soupira-t-il, savoir ! » Ce mot lui parut plus torturant et beau qu'il ne l'avait jamais été jusqu'à cette nuit délicieuse. Il regarda la lune.
Alors il sentit un rayon pâle et droit comme une lance entrer en lui par la secrète blessure de son esprit. Aussitôt, le long de ce rayon fragile, il se mit à monter vers la lumière. Cela lui parut facile. Il était soudain d'une légèreté merveilleuse. Une avidité jubilante l'envahit. La pesanteur du monde, les chagrins de la terre lui parurent bientôt comme de vieux vêtements délaissés. Il se dit qu'il allait enfin atteindre cette science qu'il ne pourrait peut-être jamais apprendre à personne, mais qui l'apaiserait pour toujours. Il bondit plus haut. Les étoiles disparurent alentour de la lune ronde, il se retint de respirer pour ne point rompre le fil qui le tenait à l'infini céleste. il s'éleva encore, parvint au seuil d'un vide immense et lumineux.
C'est alors qu'il entendit un cri d'enfant lointain, menu, pitoyable. Un bref instant, il l'écouta. Quelque chose en lui remuai, un chagrin oublié peut-être, un lambeau de peine terrestre emporté dans le ciel. Mackam se sentit descendre, imperceptiblement. Le cri se fit gémissant dans la nuit. Il s'émut, s'inquiéta. « Pourquoi ne donne-t-on pas d'amour à cet enfant ? » se dit-il, et il eut tout à coup envie de pleurer. Il se tourna sur le côté. Il était à nouveau dans son corps, sous l'arbre.
Et dans son corps, les yeux mi-clos à la lumière des étoiles revenues, il vit la cour d'une case, et dans cette cour un nourrisson couché qui sanglotait, les bras tendus à une mère absente. Mackam se dressa sur le coude, le cœur battant, la bouche ouverte. Il n'y avait pas d'habitation à cet endroit du village. Il murmura :
- Qui est cet enfant ?
- C'est toi-même, répondit une voix fluette, au-dessus de sa tête.
Il leva le front, tendit le cou et vit un oiseau noir perché sur une branche basse du baobab. Il lui demanda :
- Si c'est moi, pourquoi ai-je crié ?
- Parce que la seule puissance de ton esprit ne pouvait suffire à atteindre la vraie connaissance, lui dit l'oiseau. Il y fallait aussi ton cœur, ta chair, tes souffrances, tes joies. L'enfant qui vit en toi t'a sauvé, Mackam. S'il ne t'avait pas rappelé, tu serais entré dans l'éternité sans espérance, la pire mort : celle où rien ne germe. Brûle-toi à tous les feux, autant ceux du soleil que ceux de la douleur et de l'amour. C'est ainsi que l'on entre dans le vrai savoir.
L'oiseau s'envola. Mackam se leva et s'en fut lentement par les ruelles de son village. De-ci, de-là, devant des portes obscures, brillaient des lumières. Près du puits, l'âne gris dormait, environné d'insectes. Sous l'arbre de la place, une chèvre livrait son flanc à ses petits. Au loin, un chien hurlait à la lune. Pour la première fois, elle parut à Mackam comme une sœur exilée et il se sentit pris de pitié pour elle qui ne connaîtrait jamais le goût du lait et la chaleur d'un lit auprès d'un être aimé.
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Extrait du livre de José Saramago
« La Caverne «
Résumé :
À soixante ans, Cipriano Algor a tort de penser que son existence ne connaîtra plus de grands bouleversements. Potier, il partage son temps entre son atelier et la maison qu'il partage avec sa fille, Marta, et son gendre, Marçal. Quand les dirigeants du centre commercial qu'il approvisionne en vaisselle lui annoncent qu'ils se passeront désormais de ses services, sa vie se brise en mille morceaux...
Voici quelques phrases philosophiques extraites de ce livre.
« Il est vrai que jeunesse ne sait ce qu’elle peut et que vieillesse ne peut ce qu’elle sait. »
« Cipriano Algor mit la fourgonnette en marche. Il s'était laissé distraire par la démolition des immeubles et il voulait à présent regagner le temps perdu, paroles insensées s'il en fut, expression absurde avec laquelle nous pensons tromper la dure réalité qui veut qu'aucun temps perdu ne puisse être retrouvé, comme si, contrairement à cette vérité, nous croyions que le temps que nous jugions perdu à tout jamais avait finalement décidé de s’arrêter et d’attendre, avec la patience de qui a tout le temps du monde devant lui, que nous nous apercevions de son absence. »
« Montrez-vous compréhensif, ce qui doit être sera, comme dit le dicton, le monde ne s’arrêtera pas de tourner, si les gens dont vous dépendez vous donnent une promotion, il ne vous reste plus qu’à élever les mains vers le ciel et remercier, ce serait de la bêtise de tourner le dos à la chance quand elle vous fait signe. »
« Les jours sont tous pareil, ce sont les heures qui varient, quand les jours s’achèvent ils ont toujours leurs vingt-quatre heures au grand complet, même quand elles ne contiennent rien, mais ce n’est pas le cas ni de vos heures ni de vos jours »
« Autoritaires, paralysantes, circulaires, parfois elliptiques, les phrases à effet, appelées aussi dans un esprit facétieux pépites d'or, sont un des fléaux les plus pernicieux qui aient ravagé le monde. Nous disons aux irréfléchis, Connais-toi toi-même, comme si se connaître n'était pas la cinquième opération de l'arithmétique humaine et la plus ardue, nous disons aux abouliques, Vouloir c'est pouvoir, comme si les réalités bestiales du monde ne s'amusaient pas à intervertir chaque jour la position relative de ces verbes, nous disons aux indécis, II faut commencer par le commencement, comme si ce commencement était l'extrémité toujours visible d'un fil mal enroulé, qu'il suffirait de tirer et de continuer à tirer jusqu'à parvenir à l'autre extrémité, celle de la fin, et comme si, entre la première et la seconde, nous avions eu entre les mains un fil lisse et continu le long duquel il n'avait pas été nécessaire de défaire des nœuds ni de débrouiller des étranglements, ce qui est impensable dans la vie des écheveaux et si une autre expression à effet nous est permise, dans les écheveaux de la vie »
« Le temps est un maître de cérémonie qui finit toujours par nous mettre à la place qui nous revient, nous avançons, nous nous arrêtons et nous reculons à son commandement, notre erreur c’est d’imaginer que nous pouvons inverser l’ordre des choses. »
« Les moments n’arrivent jamais ni trop tard, ni trop tôt, ils arrivent à leur heure à eux, nous n’avons pas à les remercier de la coïncidence, quand elle se produit, entre ce qu’ils avaient à proposer et ce dont nous avions besoin. »
« Les rêves humains sont ainsi, parfois ils s'emparent d'objets réels et les transforment en visions, d'autres fois ils font jouer le délire à cache-cache avec la réalité, voilà pourquoi nous reconnaissons si souvent que nous ne savons plus où nous en sommes, le rêve nous tire d'un côté, la réalité nous pousse de l'autre, en fait la ligne droite n'existe que dans la géométrie et même là elle n'est qu'une abstraction. »
« Personne n’ignore que très souvent même les silences qui paraissent éloquents donnent lieu à des interprétations erronés avec des conséquences graves et parfois fatales. »
« Je crois que dans la vie, il y a des situations où nous devons nous laisser emporter par le courant des événements, comme si les forces pour lui résister nous manquaient. Mais soudain, nous nous rendons compte que le fleuve nous est devenu favorable, personne d’autre ne s’en est aperçu, seulement nous, un spectateur pensera que nous sommes sur le point de faire naufrage, or jamais notre navigation n’a été aussi ferme. «
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