• Apprendre à s’aimer

     

    Il le faut, un petit peu,

    S’aimer soi-même,

    Assez pour se respecter,

    Assez pour s’accepter,

     

    Il le faut, un petit peu,

    Apprendre à s’aimer,

    Pour à son tour aimer,

    Pour à son tour donner,

     

    Il le faut, un petit peu,

    S’aimer soi-même,

    Afin de ne pas se blesser,

    Afin de ne pas en chagriner,

     

    Il le faut, un petit peu,

    Apprendre à s’aimer,

    Dans cet amour, s’abriter,

    De ses racines, se relever,

     

    Il le faut, un petit peu,

    S’aimer soi-même,

    S’estimer et s’en habiller,

    Se mouvoir avec dignité,

     

    Il le faut, un petit peu,

    Apprendre à s’aimer,

    Éducation inachevée,

    Celle qui ne l’a enseigné.

     

    Il le faut, un petit peu,

    S’aimer soi-même,

    Contours clairement tracés,

    De cette âme, à toujours respecter.

     

    Nashmia Noormohamed, 2016

     

    Photo Renal. Chacra


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  • Enfermée

     

    Elle s’est enfermée peu à peu du dedans

    Pour vivre dans son monde un monde tout à elle

    Une vie sans passé sans futur sans présent

    Une vie sans attache aérienne irréelle.

     

    Elle n’invente rien elle coud des morceaux

    De vérité d’amours d’espoirs comme un puzzle

    C’est une vie rêvée où tout paraît très beau

    Sur ce chemin qui s’ouvre à elle toute seule.

     

    Éloignée peu à peu maintenant elle est loin

    Ses mots n’ont plus de voix ses yeux fixent le vide

    Où nous ne sommes plus nous qui ne sommes rien.

    Est-elle gaie ou triste heureuse à sa manière

    Ses expressions se sont figées comme ses rides

    Nous ne saurons plus rien de notre propre mère.

     

    Philippe Simon

     

    Enfermée

    Lac de Blérancourt. Photo Renal


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  • Devant la mer, un soir

     

     

    Devant la mer, un soir, un beau soir d’Italie,

    Nous rêvions… toi, câline et d’amour amollie,

    Tu regardais, bercée au cœur de ton amant,

    Le ciel qui s’allumait d’astres splendidement.

     

    Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ;

    Là-bas, d’un bal lointain, à travers le silence,

    Douces comme un sanglot qu’on exhale à genoux,

    Des valses d’Allemagne arrivaient jusqu’à nous.

     

    Incliné sur ton cou, j’aspirais à pleine âme

    Ta vie intense et tes secrets parfums de femme,

    Et je posais, comme une extase, par instants,

    Ma lèvre au ciel voilé de tes yeux palpitants !

     

    Des arbres parfumés encensaient la terrasse,

    Et la mer, comme un monstre apaisé par ta grâce,

    La mer jusqu’à tes pieds allongeait son velours,

    La mer…

     

    … Tu te taisais ; sous tes beaux cheveux lourds

    Ta tête à l’abandon, lasse, s’était penchée,

    Et l’indéfinissable douceur épanchée

    À travers le ciel tiède et le parfum amer

    De la grève noyait ton cœur d’une autre mer,

     

    Si bien que, lentement, sur ta main pâle et chaude

    Une larme tomba de tes yeux d’émeraude.

    Pauvre, comme une enfant tu te mis à pleurer,

    Souffrante de n’avoir nul mot à proférer.

     

    Or, dans le même instant, à travers les espaces

    Les étoiles tombaient, on eût dit, comme lasses,

    Et je sentis mon coeur, tout mon cœur fondre en moi

    Devant le ciel mourant qui pleurait comme toi…

     

    C’était devant la mer, un beau soir d’Italie,

    Un soir de volupté suprême, où tout s’oublie,

    Ô Ange de faiblesse et de mélancolie.

     

    Albert Samain, Le chariot d’or (1900)

     


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  • Au bord de la mer

     

    La lune de ses mains distraites

    A laissé choir, du haut de l’air,

    Son grand éventail à paillettes

    Sur le bleu tapis de la mer.

     

    Pour le ravoir elle se penche

    Et tend son beau bras argenté ;

    Mais l’éventail fuit sa main blanche,

    Par le flot qui passe emporté.

     

    Au gouffre amer pour te le rendre,

    Lune, j’irais bien me jeter,

    Si tu voulais du ciel descendre,

    Au ciel si je pouvais monter !

     

    Théophile Gautier, Espana

     

    Au bord de la mer


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  • Voix des arbres

     

    Les arbres timides et fort à

    La nuit parlent à voix haute

    Mais si simple est leur langage

    Qu’il n’effraie pas les oiseaux

     

    Près du cimetière où les morts

    Remuent leurs lèvres de cendre

    Le printemps en flocons roses

    Rit comme une jeune fille

     

    Et parfois comme le cœur

    Prisonnier d’un vieil amour

    La forêt pousse un long cri

    En secouant ses barreaux

     

    Marcel Béalu

    Extrait du livre : « Les voix du poème »

     

    Photo Forêt Domaniale de Verzy, Site des Faux


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  • Déjà je ne trouve plus ton visage...

     

    Déjà je ne trouve plus ton visage

    Qui dérive sous l’épaisseur des jours

    Et déjà ta voix m’arrive si basse

    Que je ne sais plus écouter ton chant

    Me faudra-t-il oublier ton image

    Me perdre sans toi dans une autre nuit

    Pour qu’au fond de l’ombre et de la souffrance

    Naisse le printemps qui nous est promis.

     

    Tu m’es revenu ce matin

    Le soleil est sur la maison

    Si je savais le retenir

    Dans la corbeille d’un beau jour

    Peut-être viendrais-tu parfois

    Faire halte au milieu de ta nuit

    Et dormir encore avec moi Dans la paille de ses rayons.

     

    Il y avait tant de silence

    Tant de présence dans cette chambre

    Toutes les lampes

    Sur nos lèvres le même sourire

    Que lorsqu’elle est venue vers toi

    Elle avait le visage du printemps.

     

    Je sais que tu m’as inventée

    Que je suis née de ton regard

    Toi qui donnais lumière aux arbres

    Mais depuis que tu m’as quittée

    Pour un sommeil qui te dévore

    Je m’applique à te redonner

    Dans le nid tremblant de mes mains

    Une part de jour assez douce

    Pour t’obliger à vivre encore.

     

    Hélène Cadou

    Extrait du livre : « Les voix du poème »

     

    Déjà je ne trouve plus ton visage...

    Photo Renal


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  • Parfum de la terre

     

    Viens marcher avec le printemps

    Sens le vent sur tes joues

    Sois libre de tes mouvements

    Prends le temps de vivre

    Car demain ne t’appartient pas.

     

    N’oublie pas ta promesse

    D’aller retrouver la paix

    Dans une forêt

    Dans une maison en bois

    Retrouve le battement de ton cœur.

     

    Nous partirons les yeux fermés

    Le cœur enveloppé

    Du parfum de la terre

    L’automne Uashtessiu

    Qui nous dira

    Viens, viens mon ami mon frère

    Oui je t’attends

    Depuis cet instant

    Où ton souffle a touché mon âme

    Oui  je t’attends mon frère

    Alors nous partirons tous deux

     

    J’ai vu la montagne dans sa splendeur

    J’ai entendu la rivière dans son désir

    Quel plaisir et quel bonheur

    D’être dans les bras de la terre

    Et lui ce grand mystère

    Que je découvre dans son absence

    Chercher la vérité au creux de ses mains

    Je respire l’air qu’il habite.

     

    Voir son regard s’évanouir dans le mien

    Pendant qu’il ferme les yeux sur mon corps

    Pour mieux goûter à l’instant

    J’entends son cœur battre.

     

    J’aime son silence

    J’aime sa voix

    J’aime son reflet

    J’aime l’invisible que je ne peux toucher

    Mais que je sens avec force en moi.

     

    Les arbres sont témoins de mon amour

    Les rochers entendent encore aujourd’hui

    L’écho de ma grande tendresse

    Sur le ciel qui nous enveloppe.

     

    Mon cœur est fait de branches de sapin

    Entremêlées à toutes les saisons du monde

     

    Je dors pour mieux tapisser tes rêves

    Et celui du chasseur en quête d’une terre

    Où il pourra alimenter son envie d’être libre

    De marcher en admirant les courbes des rivières

    De nourrir sa faim et d’assouvir sa soif.

     

    Je crois aussi en la force du destin

    Je crois aussi en la confiance de demain

    La patience d’attendre en admirant l’eau des chutes

    En priant pour mon prochain.

     

    Je deviens l’hiver pour me reposer

    Je deviens le printemps pour rêver

    Je deviens l’été pour briller.

     

    Et je suis une femme d’automne

    Née dans un univers qui est aussi le tien.

     

    Rita Mestokosho

    Extrait du livre : « Les voix du poème »

    Forêt Domaniale de Verzy, Site des Faux


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  • Le petit pré

     

    Il suffirait d’un papillon

    Pour que la prairie se mette à voler

    Que l'oiseau moribond

    Cueille son cœur étoilé

    Quand le trèfle sent bon

    Comme un framboisier

    Pourquoi dirait-on

    Que l’oiseau s’est trompé

    De saison

     

    Petit chemin blanc

    Qui t’agenouilles entre les herbes

    Dis-moi quel vent

    T’a dépouillé de tous les gestes

    Si je m’étends comme toi sous la haie

    Serai-je assez inaperçue

    Pour que les enfants ne s'effrayent

    Et pleins de rires me passent dessus

     

    Abeille qu'as-tu fait ?

    Toutes les fleurs te furent prêtées

    On vit couler dans la vallée

    La luzerne et le serpolet

    Nulle excuse pour toi

    Et nul amendement

    L'été fut grand

    Comme un geste de roi

     

    Anne Perrier

     


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  • ÉTÉ

     

    Il est venu l’été si doux !

    Chante, coucou !

    Quelqu'un m'appelle, «m’aimez-vous?»

    La forêt m’a sauté au cou.

    Chante, coucou !

     

    L'agneau bêle après sa maman

    La tourtre fait roucoucou !

    Le canard son petit cancan

    Chante, coucou !

     

    Cou cou ! cou cou ! là-bas ! là-bas ! Chante, chante, coucou ! Comme il fait bon ! comme il fait doux !

    Chante coucou cou ! chante, coucou !

    Chante coucou ! chante coucou... cou !

     

    Paul Claudel (Poésies diverses)

     

    ÉTÉ


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  • Que déjà je me lève

     

    Que déjà je me lève en ce matin d’été

    Sans regretter longtemps la nuit et le repos,

     

    Que déjà je me lève

    Et que j'aie cette envie d’eau froide

    Pour ma nuque et pour mon visage,

     

    Que je regarde avec envie

    L’abeille en grand travail

    Et que je la comprenne,

     

    Que déjà je me lève et voie le buis,

    Qui probablement travaille autant que l'abeille,

    Et que j'en sois content,

     

    Que je me sois levé au-devant de la lumière

    Et que je sache : la journée est à ouvrir,

     

    Déjà, c’est victoire

     

    Guillevic

     


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  • Éloge du silence

     

    Loué sois-tu silence qui entoures la pensée

    Le mot ne vient qu’après. Mais entre lui et la pensée

    Qu’il exprime, il y a cette bande suave de silence

    Comme un jardin entre la maison et la haie-vive.

     

    C’est ainsi que le nageur avant de plonger dans l’eau

    Emplit ses poumons et retient son souffle

    C’est ainsi que l’idée - qui était temps - devient parole - qui est espace

    C’est ainsi qu’entre poème et vers se situe le blanc.

     

    Et peut-être qu’autour de la vie même il y a ce silence

    Qui la sépare et l’unit à la mort : cette bouche d’air

    Entre le corps et le vêtement.

    Car si la vie

    Est la pensée, la mort est le contour qui l’exprime.

     

    Mais si l’oreille entend le mot sans rien savoir

    De la muette musique enfermée en ses murs

    De la mort chacun sait le glorieux silence

    Sans deviner la forme où celui-ci est clos.

     

    Ilarie Voronca

    Extrait du livre : « Les voix du poème »

     

    Éloge du silence


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  • La plus belle

     

    Je suis la plus belle des roses,

    Chantait une rose à ses sœurs.

    - Sache garder tes lèvres closes,

    Conseillait-on avec douceur,

     

    On ne te cherche point querelle,

    Mais sois plus modeste, font-elles.

    Et voilà qu’au matin nouveau,

    La belle crie encor plus haut.

     

    Denise, qui par là se trouve,

    Entend l’orgueilleuse clameur.

    « C’est vrai ! » dit-elle et le lui prouve

    D’un joli coup de sécateur.

     

    Norge (1898-1990)

    Belgique

    Extrait du livre : 100 poèmes du monde pour les enfants

     

    Photo Renal


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