• Poèmes de Victor Hugo : Les rayons et les ombres (extrait)

    Les rayons et les ombres (extrait)

     

    Oh ! Que j'étais heureux ! Oh ! Que j'étais candide !

    En classe, un banc de chêne, usé, lustré, splendide,

    Une table, un pupitre, un lourd encrier noir,

    Une lampe, humble sœur de l'étoile du soir,

    M'accueillaient gravement et doucement.  Mon maître,

    Comme je vous l'ai dit souvent, était un prêtre

    À l'accent calme et bon, au regard réchauffant,

    Naïf comme un savant, malin comme un enfant,

    Qui m'embrassait, disant, car un éloge excite : -

    Quoiqu'il n'ait que neuf ans, il explique Tacite.

    Puis, près d'Eugène, esprit qu'hélas !

    Dieu submergea,

    Je travaillais dans l'ombre, et je songeais déjà.

    Tandis que j'écrivais, sans peur, mais sans système,

    Versant le barbarisme à grands flots sur le thème,

    Inventant aux auteurs des sens inattendus,

    Le dos courbé, le front touchant presque au Gradus,

    Je croyais, car toujours l'esprit de l'enfant veille,

    Ouïr confusément, tout près de mon oreille,

    Les mots grecs et latins, bavards et familiers,

    Barbouillés d'encre, et gais comme des écoliers,

    Chuchoter, comme font les oiseaux dans une aire,

    Entre les noirs feuillets du lourd dictionnaire.

    Bruits plus doux que le bruit d'un essaim qui s'enfuit,

    Souffles plus étouffés qu'un soupir de la nuit,

    Qui faisaient par instants, sous les fermoirs de cuivre,

    Frissonner vaguement les pages du vieux livre !

     

    Victor Hugo

     

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