• Madame (Maya)

     

    Madame,

    Tes seins sont deux filles qui jouent

    à se frapper quand tu laves ton linge.

    L'arc-en-ciel de ton regard est tendu dans l'écume.

    Qui te verrait soutiendrait que tu ne souffres pas.

    II ne saurait pas qu'au pied de ton bac à lessive

    s'entasse une partie de ton histoire.

    Le sifflement que tu entonnes

    est le fil sur lequel tu accroches ta fatigue.

    Le vent est un gamin moqueur

    qui tire et tend ton linge.

    Sur les arbres de l'orient

    le soleil est un nouveau-né

    qui répand ses larmes tièdes et jaunes

     

    (Briceida Cuevas, traduit par Charles Juliet)

     


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  • Je ne m’adosserai à rien (Japonais)

     

    Finalement

    Je ne m’adosserai à aucune pensée

    Finalement

    Je ne m’adosserai à aucune religion

    Finalement

    Je ne m’abandonnerai à aucun savoir

    Finalement

    Je ne m’abandonnerai à aucun pouvoir

     

    Vivre longtemps m’a appris au plus profond de cœur

    A ne pas croire qu’en ce que je vois et entend moi-même

    A ne me tenir que sur propres jambes

    Face à l’adversité

    Si je devais m’adosser à quelque chose,

    Ca serait seulement à un dossier de siège.

     

    NORIKO IBARAGI (traduction de Camille Loivier)

     


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  •  

    Là sur mon front (Hongrois)

     

    Là sur mon front

    Pose ta main,

    Comme si ta main

    Etait ma main.

     

    Serre-moi fort

    Comme à la mort

    Comme si ma vie

    Etait ta vie

     

    Et aime-moi

    Comme à bonheur

    Comme si mon cœur

    Etait ton cœur.

     

    ATTILA JOZSEF (traduction de Francis Combes)

     


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  • Rêve (Chinois)

    Au réveil

    Ce ne sont qu’illusions

    Le rêve lui vient au moment du sommeil.

    Compagnons des jeux de l’enfance

    Peut être amis de longue date.

     

    Sur un bon lit sentiment douloureux

    Sur la  paille heureuses rencontres

    Le rêve offre dans les temps de dénuement

    Et dérobe dans les temps d’abondance.

     

    Quand il ne s’agit pas d’une fausse alerte

    Alors c’est le sentiment d’avoir loupé quelque chose.

     

    AI QING

    (Traduction de Thierry Renard avec le précieux concours de Joël Bel Lassen)

     


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  • Pouvoir

     

    Il est des mots comme des baumes

    Ils  adoucissent et laissent un goût de menthe

    Il est des regards comme de la laine d’agneau

    Ils enveloppent et réchauffent dans la caresse

    Il est de sourires comme des pleines lunes

    Ils illuminent avec intimité.

     

    Pouvoir !

    Pouvoir regarder

    Pour déceler

    Pouvoir deviner

    Pour sentir

    Et être heureux !

     

    Il est des promiscuités enivrantes

    Et des frôlements comme des caresses de soleil

    Furtives et discrètes et excitantes

    Elles laissent un goût d’attente !

     

    Pouvoir

    Pouvoir sentir

    Et être heureux

     

    Il est des caresses alarmantes

    Qui laissent sur le qui-vive !

    Il est des noms qui augurent du destin

    Et des phrases comme des décrets

     

    Pourvoir déceler

    Pouvoir

    Et être heureux !

     

    Il est des visages comme des proverbes

    Enigmatiques et symboliques

    Ils appellent à la sagesse

    Parce que la vie c’est l’avenir

    Et que l’avenir c’est toi.

     

    Ah pouvoir

    Pouvoir deviner

    Et être heureux

     

    Il est des beautés merveilleuses

    Présentes et nombreuses là

    Sur le nez là sous nos yeux.

     

    Pouvoir

    Ah pouvoir regarder

    Oui pourvoir voir

    Car voir c’est comprendre

    Que l’amour

    Que le bonheur

    C’est aussi vrai

    Et aussi prés

    Que tu es là.

     

    Leurs écuelles ont des doubles fonds

    Il habite dans leurs têtes deux cerveaux

    Et dans  leur thorax deux cœurs

    Ils mangent dans un plateau

    Et encore dans un autre

    Ils goûtent aux orages

    Et ils aiment bine les figues

    Leur voix chantent en trémolo

    Leurs langues sont un roulement de tambour ….

     

    (WéréWéré Lihing  extraits de «  On ne raisonne pas le venin,

     


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  • J’aime

     

    J’aime le message blanc de la mer

    Le bruit des pas sur les routes

    L'espoir au fond des prisons

    Le refus des agenouillements

    La dernière balle du dernier traqué de Thiaroye

     

    J'aime le paysan sous le soleil

    La solitude verte du berger

    Le rêve à la clarté des étoiles

    Les voix flexueuses au bord de la lagune

     

    J'aime le velours des cerisiers

    Les heures douces sous le tamarinier

    Le chevauchement des cauris sur le van

    La rondeur des calebasses pleines

    J'aime la danse autour du feu

    La danse au clair de lune

    Les ivresses de « Sandiaye »

     

    J'aime les sinistrés de la dernière pluie

    Les infirmes les parias les aveugles

    Les veuves silencieuses

    Les fous que rien n'étonne

     

    J'aime les enfants pour leur innocence

    Les filles pour leurs soupirs d'amour

    Les femmes pour leur clair sourire

     

    J'aime l'étendue de l'amour

    J'aime la chaleur des mains

    J'aime la caresse des voix

    J'aime la tension des regards

    J’aime l’Afrique tout entière à l’assaut des soleils.

     

    (Amadou Moustapha Wade Sénégal)

     


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  • Prière d’un petit enfant nègre

     

    Seigneur

    Je suis très fatigué

    Je suis né fatigué

    Et j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq

    Et le morne est bien haut

    Qui mène à leur école

     

    Seigneur je ne veux plus aller à leur école ;

    Faites je vous en prie que je n'y aille plus.

     

    Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches

    Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois

    Où glissent les esprits que l'aube vient chasser.

     

    Je veux aller pieds nus par les sentiers brûlés

    Qui longent vers les mares assoiffées.

     

    Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers.

    Je veux me réveiller

    Lorsque là-bas mugit la sirène des Blancs

    Et que l'usine

    Ancrée sur l'océan des cannes

    Vomit dans la campagne son équipage nègre.

     

    Seigneur je ne veux plus aller à leur école ;

    Faites je vous en prie que je n'y aille plus.

     

    Ils racontent qu'il faut qu'un petit Nègre y aille

    Pour qu'il devienne pareil aux : messiers de la ville

    Aux messiers comme il faut.

     

    Je préfère flâner le long des sucreries

    Où sont les sacs repus

    Que gonfle le sucre brun

    Autant que ma peau brune.

     

    Je préfère

    Vers l'heure où la lune amoureuse

    Parle bas à l'oreille

    Des cocotiers penchés

    Écouter ce que dit

    Dans la nuit la voix cassée d'un vieux qui raconte en fumant

    Les histoires de Zamba

    Et de compère Lapin

    Et bien d'autres choses encore

    Qui ne sont pas dans leurs livres.

     

    Les Nègres vous le savez n'ont que trop travaillé

    Pourquoi faut-il de plus

    Apprendre dans les livres

    Qui nous parlent de choses qui ne sont point d’ici.

     

    Et puis

    Elle est vraiment trop triste leur école

    Triste comme

    Ces messiers de la ville

    Ces messiers comme il faut

    Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune

    Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds

    Qui ne savent plus conter les contes aux veillées

    Seigneur je ne veux plus aller à leur école.

     

    (Guy Tirolien Guadeloupe)

     

     
    (Guadeloupe)

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  • LE CHANT DES RAMEURS

     

    J’ai demandé souvent

    Écoutant la Clameur

    D'où venait l’âpre Chant

    Le doux chant des Rameurs.

     

    Un soir j'ai demandé aux jacassants Corbeaux

    Où allait l'âpre Chant,

    le doux Chant des Bozos ;

    Ils m'ont dit que le Vent messager infidèle

    Le déposait tout près dans les rides de l'Eau,

    Mais que l'Eau désirant demeurer toujours belle

    Efface à chaque instant les replis de sa peau.

     

    J'ai demandé souvent

    Écoutant la Clameur

    D'où venait l'âpre Chant

    Le doux chant des Rameurs.

     

    Un soir j'ai demandé aux verts palétuviers

    Où allait l'âpre Chant des Rudes Piroguiers ;

    Ils m'ont dit que le Vent messager infidèle

    Le déposait très loin au sommet des Palmiers ;

    Mais que tous les Palmiers ont les cheveux rebelles

    Et doivent tout le temps peigner leurs beaux cimiers.

     

    J'ai demandé souvent

    Écoutant la Clameur

    D'où venait l'âpre Chant

    Le doux chant des Rameurs.

     

    Un soir j'ai demandé aux complaisants Roseaux

    Où allait l'âpre Chant, le doux Chant des Bozos.

    Ils m'ont dit que le Vent messager infidèle

    Le confiait là-haut à un petit Oiseau ;

     

    Mais que l’Oiseau fuyant dans un furtif coup d’ailes

    L’oubliait quelque fois dans le ciel  indigo

     

    Et depuis je comprends

    Ecoutant la Clameur

    D’où venait l’âpre Chant

    Le doux chant des Rameurs.

     

    (Birago Diop)

     


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  • Je vous remercie mon Dieu 

     

    Je vous remercie, mon Dieu, de m'avoir créé Noir,

    D'avoir fait de moi

    La somme de toutes les douleurs,

    Mis sur ma tête

    Le monde.

     

    J'ai la livrée du Centaure

    Et je porte le monde depuis le premier matin.

     

    Le blanc est une couleur de circonstance

    Le noir, la couleur de tous les jours

    Et je porte le Monde depuis le premier soir.

     

    Je suis content

    De la forme de ma tête

    Faite pour porter le monde,

    Satisfait

    De la forme de mon nez

    Qui doit humer tout le vent du Monde,

    Heureux de la forme de mes jambes

    Prêtes à courir toutes les étapes du Monde.

     

    Je vous remercie, mon Dieu, de m'avoir créé Noir,

    D'avoir fait de moi,

    La somme de toutes les douleurs.

     

    Trente-six épées ont transpercé mon cœur.

    Trente-six brasiers ont brûlé mon corps.

    Et mon sang sur tous les calvaires a rougi la neige,

    Et mon sang à tous les levants a rougi la nature.

     

    Je suis quand même Content de porter le Monde,

    Content de mes bras courts

    De mes bras longs

    De l'épaisseur de mes lèvres.

    Je vous remercie, mon Dieu, de m'avoir créé Noir,

    Je porte le Monde depuis l'aube des temps

    Et mon rire sur le Monde Dans la nuit

    Crée le jour.

     

    Bernard Binlin Dadié 

     


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  • Chant d'orphelin

     

    Si je dois mourir à la guerre

    Nulle femme n'aura de larmes.

    Je n'ai jamais connu leurs charmes

    Ni la tendresse d'une mère.

     

    Quant aux amis, je n'en ai guère.

    Un orphelin n'a pas d'histoire.

    Mourir en héros pour la gloire

    N'allégera pas ma misère.

     

    Je n'ai eu pour seul héritage

    Qu'une fortune de souffrances

    Un plein coffre-fort de malchance

    Et de maux que nul ne partage.

     

    Je quitterai ce monde hostile

    Comme j'y suis venu : bohème,

    La tête farcie de poèmes

    lit de souvenirs inutiles.

     

    (Dimtcho Debelianov Bulgarie)

     

     


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  • Au gaucho, l’homme d’un passé

    Symbole des pampas, homme de vrai courage,

    guerrier et généreux, fou d'amour et sauvage,

    gaucho, pour dire mieux, cœur tout en volonté,

    corps solide et viril, âme de loyauté,

    dans tes galops errants par plaines et prairies,

    vagabond orgueilleux

    tu prends la vie à pleines mains, la vie !

     

    Tu relèves les défis du vent, car ta force

    c'est cette âme farouche et cuirassée d'écorce.

    Personne n'a jamais pu te mettre en déroute,

    ta liberté, tu la paies de ton sang, goutte par goutte,

    sous le soleil ton sang a signé ton histoire,

    toute victoire contre toi fut illusoire.

     

    Désormais vaincu, tu galopes vers l'oubli,

    ton prestige à jamais par le siècle aboli.

    Le Temps qui a tourné t'écrase sous sa roue.

    Et moi, sur la Croix du Sud, gaucho, je te cloue.

     

    (Ricardo Guiraldes (1886-1927 Argentine)

     

    Argentine

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  • Un matin

    Un matin

     

    Dès le matin, par mes grand-routes coutumières

    Qui traversent chants et vergers,

    Je suis parti clair et léger,

    Le corps enveloppé de vent et de lumière...

     

    Je marche avec l'orgueil d'aimer l'air et la terre,

    D'être immense et d'être fou

    Et de mêler le monde et tout

    À cet enivrement de vie élémentaire...

     

    Les bras fluides et doux des rivières m'accueillent ;

    Je me repose et je repars

    Avec mon guide le hasard,

    Par les sentiers sous bois dont je mâche les feuilles...

     

    Oh ! Ces marches à travers bois, plaines, fossés,

    Où l'être chante et pleure et crie

    Et se dépense avec furie

    Et s'enivre de soi ainsi qu'un insensé !

     

    Emile Verhaeren (1855-1916) poète belge


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  •  L'homme qui te ressemble

     

    J'ai frappé à ta porte

    j'ai frappe à ton cœur

    pour avoir bon lit

    pour avoir bon feu.

    Pourquoi me repousser ?

    Ouvre-moi, mon frère !

     

    Pourquoi me demander

    si je suis d'Afrique

    si je suis d'Amérique

    si je suis d'Asie

    si je suis d'Europe ?

    Ouvre-moi, mon frère !

     

    Pourquoi me demander

    la longueur de mon nez

    l'épaisseur de ma bouche

    la couleur de ma peau

    et le nom de mes dieux ?

    Ouvre-moi, mon frère !

     

    Ouvre-moi ta porte

    ouvre-moi ton cœur

    Car je suis un homme

    l'homme de tous les temps

    l'homme de tous les cieux

    l'homme qui te ressemble !

     

    René Philombé Cameroun

    L'homme qui te ressemble


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  • Sème le bien autour de moi

     

    Comme le laboureur le grain 

    A la volée 

    Sur ses terres désertes, 

    Sème le bien avec espoir ; 

    Seul le bien fleurira 

    Sur les durs chemins de la vie. 

     

    Sème le bien à tout vent 

    Dans l’espoir d’une vie plus saine 

    Et succulente 

    Pour tous les hommes 

    Sème le bien autour de toi. 

     

    Sème la joie dans tous les cœurs, 

    La fraternité à la ronde, 

    L’homme est le même sous tous les cieux ; 

    Sème le bien avec le sourire 

    Pour le retournement universel. 

     

    Sème l’amour sur ton passage 

    Et que toujours ta présence 

    Ressuscite et réconforte 

    Tout le monde autour de toi. 

     

    En ce monde exécrable, 

    Dénué de toute saveur, 

    Où nous sommes exilés pour la rançon 

    De notre gloire, 

    C’est le mal qu’on oublie, 

    Le bien ne se perd jamais. 

     

    (Christophe Ngueddam Cameroun) 


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  • argentine10jpg.jpg

     Plus beau que tout

     

    Plus beau que tout, c'est quand le jour décline.

    L'excès d'amour dont le ciel est gonflé

    emplit les airs d'une sombre clarté

    qui vers la terre s'achemine

    et s'en vient baigner

    les toits des chaumines.

     

    Tout est tendresse, on dirait que des mains

    d'une douceur extrême vous caressent.

    Tout est proche et tout est lointain.

    Tout vous prodigue ses richesses

    comme un prêt soudain

    fait à l'être humain.

     

    Tout m'appartient, et tout va cependant

    m'être enlevé dans un très court instant

    arbre, nuage et jusqu'à ce sentier

    où je suis mes songes fugaces

    Seul, je vais errer

    sans laisser de traces.

     

    Par Lagerkvist Suède

     


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