• Le mouton et le corbeau

     

    Un jeune mouton

    Tout blanc, tout blanc,

    Et un vieux corbeau

    Tout noir, tout noir

    Devisaient sagement

    Dans un pré accueillant.

    « Je rêve d’avoir des ailes

    Comme toi, dit le mouton.

    Je pourrais à volonté

    Me rouler dans le ciel

    Sans crainte, ni surprise. »

    « Moi, dit le corbeau, je hais

    Le ciel pour trois raisons.

    D’abord il est vide et trop haut,

    Ensuite parce que, le plus souvent,

    Il est couvert d’épais nuages

    Et, enfin, parce  qu’aucun oiseau

    Ne peut s’y tenir debout.

    Veux –tu savoir de quoi je rêve ?

    D’un tendre fromage de chèvre. »

    Et, sans un mot d’adieu, s’envola

    Vers le vaste pays de l’oubli,

    Un pays d’air, de vent, de neige, de pluie

    Mais aussi de soleil, à ses meilleurs moments.

    Abandonnant le mouton, tout interdit,

    A son champ délimité, aux couleurs

    De paresse et de mélancolie.

     

    Edmond Jabès

    Petites poèsie de EDMOND JABES : Le mouton et le corbeau


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  • L’ours blanc et l’ours brun

     

    L’ours blanc c’est son droit

    N’aimait pas l’ours brun

    Qui le lui rendait bien.

    Un chasseur, un matin, survint

    Et de trois balles, de son vieux fusil

    Blessa sérieusement l’ours brun.

    L’ours blanc en fut tout ému.

    Aussi quand le chasseur voulut, la croyante morte,

    S’approcher de sa victime,

    L’ours blanc bondit sur lui

    Et d’un seul coup de patte l’assomma.

    L’ours brun, malgré sa douleur, sourit.

    Et l’ours blanc s’en réjouit, se souvenant

    Qu’ils étaient frères.

    Plus tard, ils dévorèrent, à eux deux,

    L’aventureux chasseur malchanceux.

     

    Edmond Jabès

     

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  • L’âne en peine

     

    Un âne avait beaucoup de peine

    à raconter sa vie d’âne

    à un beau cheval blanc

    Qui le narguait.

     

    « Exprime-toi comme un cheval »,

    Lui disait le cheval.

    Et l’âne lui répondait :

    « Je ne puis que m’exprimer comme un âne

    Puisque j’en suis un. »

     

    Et le cheval irrité lui disait :

    « Un âne se tait devant un cheval,

    Ne l’as-tu pas appris ? »

     

    Et l’âne pleurait, pleurait.

    Et ses larmes, c’était un matin d’été torride

    Rafraîchissant le sol qui, à sa façon, le remerciait.

     

    Edmond Jabès

    Merci a http://www.animated-gifs.eu/index-fr.html pour les images


                                                      

     
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  • Ciel et terre

    Un chien bleu

    Avec des poils gris.

    Un chat gris,

    Avec des yeux bleus.

    Un mur blanc et chaud.

    Le chat dessus, le chien dessous.

    Et un oiseau s’amusant bien

    Tout là-haut. Tout là-haut.

    Ciel bleu. Terre grise.

    Pour les vivants, point de surprise.

    Le monde sera toujours ce qu’il est,

    Comme le chien et comme le chat,

    Comme l’autruche et le chameau,

    Comme l’aube et le crépuscule

    Et comme le rêve de ce bel été

    Qui recule.

    Edmond Jabès

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  •  

    L’arbre volant

    Que les bois aient des arbres,

    Quoi de plus naturel ?

    Que les arbres aient des feuilles,

    Quoi de plus évident ?

    Mais que les feuilles aient des ailes,

    Voilà qui, pour le moins est surprenant.

    Volez, volez beaux arbres verts.

    Le ciel vous est ouvert.

    Mais prenez garde à l’automne, fatale

    Saison, quand vos milliers et milliers d’ailes

    Redevenues feuilles tomberont.

     

    Edmond Jabès

    foret Benoit réduit

     

     


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