• Le Papou et l’astrophysicien 

     

    Un jour un astrophysicien fut mis en présence d’un Papou. Grâce à un interprète, ils commencèrent à bavarder. Le Papou se montra très intéressé par les recherches du scientifique et lui demanda sur quel problème, à ce moment-là, il travaillait. 

    Notre grand rêve, lui dit l’astrophysicien, est de trouver de la vie sur la planète Mars. 

    Pourquoi ? S’étonna le Papou. Votre vie sur cette terre est donc un échec ?

     

    (D’après Jean Claude Carrière, le Cercle des menteurs, tome 2) 

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  • Le partage 

     

    Un jour, Nasreddine, le fou sage, sortait de la mosquée accompagné de son voisin Moustafa. Devant la porte, il y avait un homme endormi. C'était un pauvre mendiant qui passait ses journées et ses nuits dehors, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, qu'il fasse froid ou qu'il fasse chaud, pour la simple raison qu'il n'avait pas de maison. 

    - Laisser cet homme dans la rue est une honte pour la communauté,    dit Nasreddine. Si j'avais deux maisons, je lui en aurais donné une. 

    - C'est vrai ? dit le voisin. 

    -  Sans aucun doute ! Il faut partager dans la vie ! 

    - Et supposons que tu aies deux jardins, tu lui en donnerais un ? 

    - Absolument ! 

    - Et si tu avais deux chevaux ? 

    - Il va de soi que je lui en donnerais un. 

    - Et si tu avais deux vaches ? 

    - Je lui donnerais la plus belle. 

    -  Magnifique !  Et si tu avais  deux poules ? 

    - Ah non ! Il n'en est pas question. 

    -  Je ne comprends pas : comment peux-tu lui refuser une poule alors que tu as accepté de lui donner une maison, un jardin, un cheval et une vache ? 

    -   C'est que je  n'ai pas deux maisons, ni deux jardins, encore moins   deux   chevaux ou deux vaches, mais j'ai deux poules.

    (Fable traditionnelle de Nasreddine Hodja) 

    smile

     « Avec beaucoup d'humour, Nasreddine, le fou Sage nous pointe du doigt les limites de notre générosité. En parole, il est facile de donner... surtout ce qu'on ne possède pas. Dans la réalité, c'est bien plus difficile. 

    Voilà pourquoi on ne doit pas compter sur la charité pour gommer les inégalités trop criantes. Cela doit être le rôle des États, grâce aux impôts que nous payons. Ce que ne peut faire un individu, la collectivité le peut, à condition que les lois lui en donnent la charge. 

    Il faut cesser de raisonner uniquement en termes individuels : nous devons prendre en compte le monde qui nous entoure, la planète que nous habitons, mais aussi les gens qui vivent avec nous. » (Michel Piquemal) 

    Château d'Azay-le-Rideau (18)

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  • Le poisson tombé du ciel 

    Dans l'ancienne Chine, il y avait un arbre si vieux que son tronc, frappé par la foudre, était devenu creux. Quand il pleuvait, l'arbre se remplissait d'eau. Un jour, un marchand de poissons qui avait l'esprit facétieux vint dans les parages. 

    Lorsqu'il vit ce tronc d'arbre creux, il trouva amusant d'y jeter un poisson, puis il continua sa route. 

    Quelques jours plus tard, un bûcheron de la forêt aperçut ce poisson qui semblait tombé du ciel. 

    - Miracle ! s'écria-t-il. 

    Et tous les villageois accoururent pour admirer le poisson prodige. 

    L'endroit devint célèbre et plus animé qu'une foire. De tous les environs arrivèrent des pèlerins venus faire des offrandes et brûler de l'encens en hommage à ce poisson surnaturel. 

    Mais voilà que l’année suivante, le marchand de poissons revint dans les parages. Lorsqu'il vit les conséquences de son geste, il se moqua de la crédulité des villageois : 

    - Ce poisson n'a rien de magique. C'est moi-même qui l'ai mis dans ce trou. Et, puisqu'il a bien grossi, je vais en faire mon déjeuner. 

    Il sortit le poisson et le mit à rôtir sur les braises. 

    Depuis, le lieu a retrouvé sa quiétude. Plus personne ne vient porter des offrandes au pied de l'arbre creux. 

    (D'après Liu ]ingshu, Le Jardin des merveilles (Yi Yuan), Ve siècle de notre ère) 

     yes

    « L'homme est prompt à adorer ou à redouter ce qui est mystérieux, ce qu'il ne comprend pas. Il est, par nature, superstitieux. C'est une attitude qui vient de l'aube de l'humanité, au temps où aucune connaissance scientifique ne pouvait expliquer l'origine des choses. Tout était alors sacré et objet de crainte : les sources, les volcans, le soleil, le vent, la foudre, les lacs, les tempêtes... » (Michel Piquemal) 

     


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  • Le vieillard qui plantait des arbres

    Par un bel après-midi d'été, un cavalier galopait sur les routes de Provence. Il avait soif... et il se maudissait de n'avoir rien emporté dans les fontes de sa selle... quand soudain il aperçut un paysan qui travaillait dans un champ. Il alla vers lui et se trouva en présence d'un très vieil homme occupé à planter. Ils s'assirent à l'ombre d'un arbre et le vieil homme lui donna à boire de l'eau bien fraîche de sa cruche. 

    Se sentant mieux, le voyageur voulut échanger quelques mots.- Dites-moi, mon bon ami, que faites-vous donc ici par cette chaleur ? 

    - Je plante des oliviers ! répliqua le vieillard. 

    - Mais, s'étonna le voyageur, quel âge avez-vous ? 

    - Presque quatre-vingt-dix ans ! 

    - Sans vouloir vous offenser, pourquoi vous fatiguez-vous, à votre âge, à planter des arbres qui ne donneront leur récolte que dans une dizaine d'années ? Vous n'en mangerez hélas sans doute jamais le fruit ! 

    C’est vrai, répondit le vieillard, mais toute ma vie j'ai mangé des olives venues d'arbres   que d'autres avaient plantés. Je plante pour que d'autres puissent plus tard manger celles  que j'ai plantées... 

    Lorsque le voyageur remonta à cheval, il se dit que les paroles du vieil homme l'avaient autant  rafraîchi que l'eau de sa cruche.

    (Michel Piquemal) 

     

    2013-07-21 16.05.18Gîte à Inzinzac Lochrist (14)

     


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  • Les baguettes d'ivoire 

     

    Dans l'ancienne Chine, un jeune prince décida de se faire fabriquer une paire de baguettes avec un morceau d'ivoire d'une grande valeur. Lorsque le roi son père, qui était un sage, en eut connaissance, il vint le trouver et lui expliqua la chose suivante : 

    Tu ne dois pas faire cela, car cette luxueuse paire de baguettes risque de te mener à ta perte ! Le jeune prince était interloqué. Il ne savait si son père était sérieux ou s'il se moquait de lui. Mais le père poursuivit : 

    Lorsque tu auras tes baguettes d'ivoire, tu te rendras compte qu'elles ne vont pas avec la vaisselle de grès que nous avons à notre table. Il te faudra des tasses et des bols de jade. Or, les bols de jade et les baguettes d'ivoire ne souffrent pas des mets grossiers. Il te faudra des queues d'éléphants et des foies de léopards. Un homme qui a goûté des queues d'éléphants et des foies de léopards ne saurait se contenter d'habits de chanvre et d'une demeure simple et austère. Il te faudra des costumes de soie et des palais magnifiques. Pour cela, tu saigneras les finances du royaume, et tes désirs n'auront pas de fin. Tu aboutiras bien vite à une vie de luxe et de dépenses qui ne connaîtra plus de bornes.  Le malheur s'abattra sur nos paysans, et le royaume sombrera dans la ruine et la désolation... 

    Car tes baguettes d'ivoire sont comme la mince fissure dans la muraille, qui finit par détruire tout l'édifice. Le jeune prince oublia son caprice et devint plus tard un monarque réputé pour sa grande sagesse.

     

    (Conte du philosophe chinois Han Fei (me siècle avant notre ère) 

     

    « Un désir en appelle un autre, et un désir satisfait en appelle souvent un plus grand. Or, nous vivons dans des sociétés où nous sommes sans cesse sollicités et tentés. Les médias, les publicités sont là pour nous présenter encore et toujours de nouvelles choses à posséder, la plupart du temps superflues. Comment résister à cette spirale sans fin ? » (Michel Piquemal) 

     

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  • Les Philo-fables de Michel Piquemal

     

    Les deux moines et la jeune fille

    Deux moines zen s'apprêtaient à traverser une rivière à gué lors qu’arriva une belle jeune fille. Elle aussi souhaitait traverser mais elle était effrayée par a violence du courant.

    Alors l'un des moines la prit en souriant sur ses épaules et la porta de l'autre côté de la rivière. Son compagnon fulminait : un moine ne doit pas toucher le corps d'une femme... Et tout le long du trajet, il ne desserra plus les dents. Deux heures plus tard, lorsqu'ils arrivèrent en vue du monastère, il lui annonça même sur un ton de reproche qu'il allait informer leur maître de ce qui s'était passé :

    - Ce que tu as fait est honteux et interdit par notre règle !

    Son compagnon s'étonna :

    -  Qu'est-ce qui est honteux ? Qu'est-ce qui est interdit ?

    -  Comment ? Tu as oublié ce que tu as fait ? Tu ne t'en souviens donc  pas ? Tu as porté une belle jeune fille sur tes épaules !

    -  Ah oui, se souvint le premier, en riant. Tu as raison. Mais il y a deux bonnes heures que je l'ai laissée sur l'autre rive, tandis que toi, tu la portes toujours sur ton dos !

                                                                      (Conte zen)

    « Le deuxième moine n'a pas porté la jeune fille mais il en mourait visiblement d'envie, puisqu'il n'est pas parvenu à l'oublier. S'il n'a pas désobéi à la règle monastique dans ses actes, il l'a fait en pensée et son désir continue à le ronger. À sa frustration s'ajoute encore la jalousie.

    Par ailleurs, n'y a-t-il pas des situations où, pour aider quelqu'un, on se détourne d'une règle ou même de la loi ? Les règles ne sont-elles pas faites pour être parfois transgressées ? (Michel Piquemal)

     

     

     


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  • Les étoiles de mer 

     

    Un homme cheminait, le front bas, le long de la plage. De temps en temps, il se penchait, ramassait au bord des vagues, sur le sable, on ne savait quoi, et le jetait au loin dans la mer. Un promeneur qui l'observait avec curiosité s'approcha de lui, le salua et demanda : 

    - Que faites-vous ? 

    - Vous le voyez, répondit l'autre, je rends à l'océan ses étoiles de mer. La marée les a apportées, elles sont restées là, sur le sable. je dois les remettre à l'eau, sinon, c'est sûr, elles vont mourir.  

    - Des étoiles de mer, signala le promeneur, rien que sur cette plage, il y en a des milliers. Et le long de toutes les côtes, tous les jours, il s'en échoue des millions, que vous ne pourrez pas sauver ! C'est leur destin. Vous n'y pouvez rien changer. 

    L'homme ramassa une étoile, la tint un instant dans sa main...  

    Il murmura : oui, sans doute, vous avez raison. 

    Mais en la rejetant dans les vagues, il ajouta : 

    Mais pour elle, ça change tout. 

    (D’après Henri Gougaud ) 

     yes

    « Beaucoup de gestes peuvent paraître dérisoires, comme celui du colibri qui porte de l’eau pour éteindre l’incendie. Est-ce une raison pour ne pas les accomplir ? » (Michel Piquemal) 

     

    La Rochelle, Aquarium (16)

     


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    Les étudiants et le lion 

     

    Quatre étudiants étaient partis sur les routes à la recherche de la fortune. Les trois premiers avaient tant appris qu'ils étaient devenus des savants diplômés, mais il leur manquait un peu de bon sens et d'intelligence pratique. Le quatrième au contraire était très réfléchi et débrouillard, mais peu versé dans les études. 

    En chemin, ils se disputaient sur les valeurs respectives de l'érudition et de l'intelligence. Arrivés dans une forêt, ils aperçurent les ossements d'un lion mort. Les trois savants voulurent alors démontrer au quatrième l'étendue de leur savoir. 

    -  Nous allons lui rendre la vie, affirmèrent-ils. 

    -  Moi, dit le premier, grâce à ma science, j'assemblerai ses os. 

    -  Moi, dit le deuxième, je lui redonnerai sa chair et son sang. 

    -  Moi, dit le troisième, je lui rendrai le souffle de la vie. 

    Et ils se mirent aussitôt au travail. Le premier assembla les os. Le second rhabilla de chair. Mais, au moment où le troisième s'apprêtait à lui redonner la vie, le quatrième essaya de l'en empêcher : 

    -  Ne vois-tu pas que c'est un lion ! Si tu lui redonnes la vie, il va tous nous dévorer ! 

    Mais les trois autres réagirent avec arrogance et l'envoyèrent promener : 

    -  Tais-toi ! Tu n'es qu'un ignorant. Rien ne doit entraver la marche de la science  

    Comprenant que rien ne pourrait les arrêter, le quatrième fila sans tarder se mettre à l'abri au sommet d'un arbre. 

    Quand le lion retrouva la vie, il retrouva aussi la faim. Il se jeta sur les trois érudits et les dévora. Puis il s'éloigna vers sa tanière et le plus futé des quatre put descendre sain et sauf de l'arbre. 

    (‘D'après le Pancatantra, recueil de textes sanskrits du Vie siècle de notre ère) 

    yes

    « Cette fable, parmi les plus anciennes que nous connaissons, montre avec humour que le savoir et l'érudition ne sont rien sans un peu de bon sens... et peuvent même se révéler dangereux. Le savoir serait-il l'ennemi du bon sens, serait-il source parfois d'aveuglement ? Nous qui vivons le temps des experts et des spécialistes (en politique, en science, en économie...) en avons parfois hélas le sentiment. » (Michel Piquemal) 

     


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  • Les maçons 

     

    Un jour, un voyageur traversa un lotissement où de nombreuses maisons étaient en construction. C'était l'après-midi. Il faisait une chaleur accablante. Et le voyageur crut bon de dire un petit mot à chacun. 

    -  Bonjour, dit-il au premier, que faites-vous donc là ? 

    -  Moi ? répondit l'homme d'un ton rogue. Vous ne voyez pas que j'entasse des briques? Par une chaleur pareille, ce n'est vraiment pas humain. Je fais un boulot de galérien. 

    Et, à chacun des hommes qu'il croisa, le voyageur posa la même question. 

    -  Moi, répondit un second avec flegme, je suis maçon. Je fais un métier dur et pénible, mais on gagne sa vie comme on peut. 

    -  Moi, répondit un troisième avec un sourire, je suis en train de construire ma maison. Je vais enfin avoir quelque chose qui sera à moi. 

    -  Moi, répondit le dernier, qui semblait comme illuminé de l'intérieur, je construis la maison de la femme que j'aime. J'y mets tout mon cœur et ce sera la plus belle maison du lotissement. 

    Le voyageur passa son chemin, mais plusieurs heures plus tard, il avait encore en tête le sourire radieux de l'homme amoureux. 

    (Fable de l'auteur) 

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    « Rien n'est agréable ni pénible en soi. Une marche dans la campagne sous un soleil d'été peut être vécue comme un vrai bonheur ou un pur calvaire. Tout dépend de l'état d'esprit dans lequel on l'accomplit. Mais, si l'on en croit ce texte, c'est bien évidemment l'amour qui magnifie le mieux le monde ! » (Michel Piquemal)

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    Les Philo-fables de Michel Piquemal 

    Résumé : 

    La philo, une discipline trop complexe, trop abstraite, trop ardue ? Montaigne disait au contraire qu' « il n'est rien de plus gai, de plus gaillard, de plus enjoué... ». Afin de le prouver, Michel Piquemal a réuni plus de 60 fables philosophiques, contes, mythes et paraboles du monde entier, qui ouvrent les portes d'une réflexion philosophique tonique et joyeuse. Chacune de ces philo-fables se révèle un vrai trésor de sagesse, d'humour ou d'émotion. Un petit atelier du philosophe vient prolonger 

    la réflexion à partir de commentaires et de questions parfois malicieuses. 

    Un ouvrage ludique, destiné à tous les âges de la vie, pour le plaisir de penser plus grand et plus loin ! (Michel Piquemal) 

     

    Les porcs-épics 

    Par une froide journée d'hiver, des porcs-épics se serraient les uns contre les autres afin de se tenir chaud. Mais très vite, à force de se serrer, ils ressentirent la brûlure de leurs piquants et durent s'écarter. Quand ils eurent trop froid, leur instinct les poussa à se rapprocher encore... Mais de nouveau, ils ressentirent la brûlure de leurs piquants. Ils renouvelèrent ce manège plusieurs fois jusqu'à ce qu'ils trouvent enfin leur juste distance. 

    (Fable racontée par le philosophe allemand Schopenhauer (1788-1860) 

    « L’homme est un animal social. Il a besoin des autres. Mais cette nécessaire proximité a son revers. Elle peut devenir pesante. Même en famille, même dans un couple … A nous de trouver la juste distance. A nous d’accepter que l’autre ait aussi ses propres amis et ses jardins secrets. » (Michel Piquemal)  

     

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