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CONTES d'Henri Gougaud (La souris et le vent)
La souris et le vent
C’était un désert silencieux, paisible, un désert sans faute, un désert sans rien, sans le moindre brin de buisson mortel, un désert. Il n'était que sable, il n'était que ciel. Et dans ce désert, avec la lumière, le sable, le ciel, il y avait le vent, et une souris.
Il y avait l'amour. L'amour est partout, surtout au désert où rien ne l'entrave, ni piège, ni mur. L'amour avait fait son nid infini dans le cœur du vent et de la souris. Au bord de son trou sans cesse elle disait :
-Vent, je veux te voir !
-M'aimes-tu, souris?
-Tu m'emplis le cœur, la tête, le corps, mais tu vas, tu passes, tu n'es jamais là.
-Viens, que je caresse ton ventre, ton dos, ton menu museau !
-Oh, oui, je te sens, oh, tes mains, ton souffle ! Oh, tes yeux, dis-moi, comment sont tes yeux, de quelle couleur? Ta bouche, ton front? Te voir, vent, te voir! Comment t'aimer bien sans jamais te voir ?
Un heureux matin (lumière tranquille, dunes alanguies) le vent répondit :
-Par amour pour toi je vais t'apparaître avec mes vraies mains, avec ma vraie bouche, ma poitrine nue, mes cheveux défaits, et tu me verras tel que Dieu m'a fait. Attends, je reviens.
Plus un souffle d'air. Silence, soleil, paix, sieste du sable. La souris, béate, attendit le vent.
Soudain du lointain vint un sifflement, une nuée grise envahit la dune, un tourbillon fou vint au bord du trou, un géant poudreux se mit à hurler :
- Souris, me vois-tu ? Ma mère m'a dit que j'étais superbe. Regarde-moi donc ! Dis, suis-je assez beau ? Souris, mon aimée, réponds, où es-tu ? C'est moi maintenant qui ne te vois plus ! Tu sais, je peux être encore plus fort, encore plus grand, plus vivant encore! Souris, je t'en prie, dis-moi quelque chose, je te sens déçue. Dis-moi que tu m'aimes encore et toujours !
Elle n'entendait pas. Elle entendait trop. Elle s'était enfouie dans son trou profond. Elle tremblait de froid, gémissait d'effroi. Tempête, ouragan, vertige, bourrasque, l'amour est ainsi quand il vient tout nu. Elle ne savait pas.
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Commentaires
2VeroniqueJeudi 18 Mars 2021 à 12:51Quelle bouffée de fraîcheur de beauté...votre conte sur le désert est une merveille . Merci3bernJeudi 18 Mars 2021 à 14:17Merci pour ce beau texte, j'ai écouté ce conte avec beaucoup d'émotions.
Il m'a donné le désir de connaitre plus encore Henri Gougaud....
4anicJeudi 18 Mars 2021 à 14:285GaranceVendredi 19 Mars 2021 à 20:56Merci d'avoir placé ce joli conte poétique...
D'une beauté très troublante...
Je vais me faire un plaisir de le raconter à mes petits enfants...
6AndréaSamedi 20 Mars 2021 à 17:51On est transporté sur les ailes de la poésie : ce conte est magnifique !7ZéphyrSamedi 20 Mars 2021 à 18:47Mine de rien, ce conte nous rappelle
à quel point l'amour peut se confondre avec le vent !
Quelques mots bien choisis
Et l’essentiel est dit !Malgré tout, je suis un dévot de l'amour
Et un admirateur de longue date
D'HENRI GOUGAUD.8MaryseDimanche 21 Mars 2021 à 16:17Quel bonheur d’écouter et de savourer ce conte. Merci pour ce beau cadeau9PierreSamedi 10 Avril 2021 à 03:05
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Je regarde la Grande Librairie. Quelle performance M. Henri Gougaud. J’aime la poésie, quel plaisir de vous écouter : "gemme et chante” votre voix. C’est un bijou précieux naturel qui siffle à mes oreilles en rythme : l’harmonie et ... l’image.
Merci de votre visite et d’apprécier Henri Gougaud.