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La dictée
Le feu craque dans la cuisine,
Et de grandes vapeurs échevelées
Collent aux vitres leurs visages.
Sur la table, l’enfant écrit.
Penché, le père guide la main qui tremble.
« Applique-toi » dit-il. « C’est mieux,
C’est bien ! », puis il est tard. »
L’enfant écrit enfant,
Et de ce mot s’étonne sur la page
Comme d’une bête douce que tantôt
Il pourra du doigt caresser.
De sa plus belle main, le père écrit miroir
Avec des plein et des déliés
Elégamment bouclés entre les lignes.
(commis aux écritures à la fabrique.)
Miroir copie l’enfant, puis il soupire :
« j’ai bien sommeil ! » « Il neige », dit le père.
L’enfant écrit il neige, et dans son tablier
Bordé de rouge, paisiblement s’endort.
Jean Joubert
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Un Dieu printanier
J'aime le grand été dans la somptuosité
des hautes journées,
quand, épris d'azur je moissonne le soleil.
J'aime d'un autre amour le printemps
pour sa vulnérabilité,
quand le fruit ne repose
que sur les promesses de la fleur.
J'aime d'un autre amour le printemps
pour l'humilité de l'espoir silencieux,
quand tous les champs du possible
sont à ciel ouvert.
J'aime d'un autre amour le printemps
pour la précarité des certitudes,
quand l'horizon de la foi prolonge
l'au-delà du raisonnable.
Seigneur, je crois.
J'aime que tu sois un Dieu printanier.
J'aime que ma foi en toi
soit la plus frêle des semences.
(Pierre Talec)
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Petit poème
Petit poème à gauche.
Petite prose à droite.
Mot de travers.
Mot juste comme un cercle
Dans la pomme.
Phrase qui s’ouvre.
Phrase qui se referme
Pour réfléchir ou pour bouder.
Adjectifs soupçonneux
Comme des comédiens
Devant une salle d’aveugles.
O toi, verbale à vie,
Vivante jusqu’au prochain verbe.
Alain Bosquet
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Le grand Sage
Le grand Confucius, un matin, entendit parler d’un ermite qui passait pour le plus paisible et le plus sage des vivants. Il voulut lui rendre visite. Il prit son sac, et s’en alla. L’homme vivait dans la montagne, au nord du pays, loin de tout. Après trois journées de voyage, un soir, à l’orée d’un village :
- Un ermite vit par ici, paraît-il. Le connaissez-vous ? demanda Confucius à un jeune berger qui poussait devant lui ses chèvres.
- Je ne l’ai jamais vu, répondit le garçon, mais je sais où est sa cabane. De grands personnages, souvent, viennent de loin le consulter. Tous me demandent le chemin.Il tendit l’index vers les cimes. Confucius découvrit bientôt parmi les arbres sa demeure : une hutte au bord d’un ruisseau. Le vieil homme, assis sur le seuil, tisonnait le feu sous sa soupe. Après qu’ils se furent salués :
- Vénéré, dit le visiteur, on affirme dans le pays que vous êtes le plus grand sage qui se puisse voir ici-bas.
- Oh non, lui répondit l’ermite. J’ai entendu parler d’un homme, à trois jours de marche d’ici, dont la sagesse est sûrement beaucoup plus grande que la mienne. Pensez, il a sept apprentis, et moi je n’en ai pas le moindre. Je vis seul, comme le ruisseau.
A trois jours de marche de là, Confucius avait sept disciples.
- Certes, on ne m’avait pas menti, répondit-il, les larmes aux yeux. Vous êtes bien, dans ce pays, le plus sage de tous les hommes.
(Henri Gougaud, L’Almanach)
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Les lettres et les êtres
Leur nom le dit les voyelles
Sont des lettres que l’on voit
Dès que l’on ouvre les oreilles.
On voit moins bien les consonnes
Ces fourmis de l’alphabet
Qui attendent qu’on les sonne.
Avec un peu d’attention
On les aperçoit pourtant
En train de jeter des ponts
Entre les cinq demoiselles
Qui sans cela ne seraient
Que des îlots solitaires
Ou des bruits élémentaires
Alors qu’il nous faut des mots.
Pour les humains, c’est pareil
Que pour les voyelles et consonnes :
L’un plante et l’autre maçonne
Mais l’un sans l’autre n’est rien.
Jean Rousselot
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